Après six mois de guerre à Gaza, l'isolement d'Israël s'accroît, mais l'issue reste incertaine

Des Palestiniens fuient vers le nord de Gaza le 24 novembre 2023.
Des Palestiniens fuient vers le nord de Gaza le 24 novembre 2023. Tous droits réservés Mohammed Dahman/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.
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Par euronews avec AP
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Le point sur la situation après six mois de conflit. Des pourparlers de paix en vue d'un potentiel cessez-le-feu devraient se tenir ce week-end en Egypte.

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Lorsque Israël a déclaré la guerre au Hamas du 7 octobre dernier, le pays était uni et bénéficiait d’un large soutien dans le monde après les attaques meurtrières sans précédent perpétrées par le Hamas durant lesquelles 1 200 personnes ont été assassinées et 250 autres prises en otage.

Six mois plus tard, Israël se retrouve désormais dans une situation bien différente : enlisé à Gaza, divisé au niveau national, isolé au niveau international et de plus en plus en désaccord avec Washington, son allié le plus proche sans occulter non plus le risque d’une guerre régionale qui reste réel, selon Associated Press.

Sur le terrain, malgré l’assaut militaire féroce d’Israël, le Hamas est toujours debout, même s’il a été considérablement affaibli. 

Plus grave, l’offensive a plongé Gaza dans une crise humanitaire, déplaçant plus de 80 % de la population et laissant plus d’un million de personnes au bord de la famine. 

Pourtant, Israël n’a pas présenté une vision d’après-guerre acceptable pour ses partenaires, et les pourparlers de cessez-le-feu restent au point mort

Voici six points à retenir des six premiers mois de guerre.

Aucune garantie de victoire

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'est fixé deux objectifs depuis le 7 octobre : détruire le Hamas et ramener les otages chez eux. Malgré ses promesses répétées de parvenir à une "victoire totale", ses objectifs restent insaisissables.

Après avoir progressivement conquis la majeure partie de Gaza au cours d’une offensive meurtrière, les troupes terrestres israéliennes se trouvent dans une phase d’attente marquée par de petites opérations tactiques et par l’incertitude quant à savoir si l’armée entrera dans la ville de Rafah, au sud de Gaza, dernier bastion important du Hamas.

Benjamin Netanyahu a juré à plusieurs reprises d’envahir Rafah, mais il se heurte à une large opposition internationale, notamment de la part des États-Unis, en raison des centaines de milliers de Palestiniens déplacés qui y ont trouvé refuge. Le Premier ministre israélien prétend avoir un plan pour évacuer les civils, mais il n'est pas clair s'il est prêt ou s'il satisfera les Américains.

Même si Israël envahissait Rafah, il n’y a aucune garantie de succès à long terme. Même si le Hamas semble avoir subi de lourdes pertes, ses forces ont réussi à se regrouper dans les zones abandonnées par Israël.

A ce stade, Israël affirme avoir tué quelque 13 000 combattants du Hamas et démantelé les capacités militaires du groupe dans la majeure partie de Gaza.

Mais, dans le même temps, Israël n’a pas été en mesure de mettre un terme aux attaques quotidiennes du groupe militant libanais Hezbollah sur son front nord. Contrairement au Hamas, l’arsenal beaucoup plus vaste du Hezbollah reste intact, laissant en suspens le sort de dizaines de milliers de civils déracinés des deux côtés de la frontière. Les tensions ont menacé de s’étendre au soutien du Hezbollah, l’Iran, surtout après qu’une frappe aérienne largement attribuée à Israël a tué deux généraux iraniens en Syrie voisine cette semaine.

Menace de famine

Six mois après le début de la guerre à Gaza, le bilan humain est catastrophique. Plus de 33 000 Palestiniens auraient été tués selon le ministère de la santé contrôlé par le Hamas. Les responsables de l’aide internationale affirment qu’environ un tiers de la population de Gaza souffre d’une famine catastrophique.

Les premières expressions de solidarité de la part des alliés d'Israël ont cédé la place à des appels à l'arrêt des combats. Pendant ce temps, le tribunal international des Nations unies, enquêtant sur des allégations de génocide, contre Israël, a ordonné au gouvernement israélien d'en faire davantage pour protéger les civils de Gaza.

Face à la dégradation de la situation humanitaire qui n'a cessé d'empirer, Israël a fini par perdre le combat diplomatique lorsque le 25 mars dernier le Conseil de sécurité de l’ONU, malgré les objections israéliennes, a finalement adopté une résolution exigeant pour la première fois un cessez-le-feu immédiat. Malgré l'abstention des États-Unis, cette résolution a rendu furieux les responsables israéliens, sans que cette résolution ne change réellement la situation sur le terrain. 

Les Nations unies et l'Union européenne ont d'ailleurs affirmé qu'Israël ne prenait toujours pas de mesures "adéquates" pour fournir une aide humanitaire et protéger les vies civiles. Vendredi, Israël a annoncé l'ouverture temporaire deux autres points de passage mais pour le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, ces points de passage "ne suffisent pas à empêcher la famine à Gaza". Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exigé "un bond en avant, un véritable changement de paradigme" dans la réponse d'Israël à la situation humanitaire.

La situation s'est encore tendue cette semaine pour Israël surtout après la mort de sept travailleurs humanitaires lors d'une frappe aérienne. Une attaque qualifiée d'erreur par l'armée, qui a d'ailleurs rapidement ouvert une enquête. Mais cette attaque a amplifié l'indignation du président américain qui ne cache plus son irritation. D'autant qu'à sept mois de l'élection présidentielle américaine, Joe Biden joue son avenir politique et doit donner des gages face à la colère de nombreux électeurs démocrates. 

Contestation accrue en Israël

La situation se complique aussi en interne pour le gouvernement israélien. Les manifestations hebdomadaires se sont multipliées et attirent chaque semaine des milliers de personnes. Pour beaucoup d'entre eux, les griefs contre Benjamin Netanyahu ne sont pas nouveaux depuis son alliance politiques avec des partis d’extrême droite et ultra-orthodoxes jusqu’à son procès sans fin pour corruption. 

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Mais ces manifestants ont désormais été rejoints par d'autres opposants liés aux otages  toujours détenus par le Hamas. Environ la moitié des otages ont été libérés au cours d'un cessez-le-feu d'une semaine en novembre. Mais 134 personnes restent en captivité et au moins 30 d'entre eux sont morts, mais ce chiffre pourrait être sous-estimé.  

Plus globalement, la popularité du Premier ministre a chuté depuis le début de la guerre, et nombreux sont ceux qui le tiennent pour responsable des échecs en matière de renseignement et de sécurité qui ont permis l’attaque du 7 octobre. Pourtant, il a rejeté les appels à la démission (réclamés en interne mais aussi aux Etats-Unis)ou à l’ouverture d’une enquête sur ce qui n’a pas fonctionné. Pour l’instant, les partenaires de la coalition gouvernementale, également confrontés à un risque défaite probable en cas d'élections anticipées, restent fermement derrière lui. Mais pour combien de temps ? La Cour suprême d’Israël a récemment ordonné l’arrêt d’un système controversé de longue date consistant à exempter les ultra-orthodoxes du service militaire obligatoire. 

Avec plus de 600 soldats tués depuis le 7 octobre, Benjamin Netanyahu aura du mal à maintenir ce système. Mais s’il tente de forcer les hommes religieux à faire leur service militaire, il pourrait perdre le soutien de ses partenaires.

Michael Milshtein, ancien officier du renseignement militaire israélien de haut rang et aujourd'hui expert en études palestiniennes à l'université de Tel Aviv, affirme qu'Israël est confronté à deux choix peu attrayants : accepter un accord sur les otages et un cessez-le-feu qui reconnaît la survie du Hamas, ou intensifier les campagne militaire et conquérir Gaza dans l’espoir que le Hamas soit finalement détruit.Il a déclaré que espérer que l’approche actuelle de l’armée israélienne puisse détruire le Hamas ou le forcer à se rendre est un "vœu pieux".

Pas de consensus sur l’avenir de Gaza

Quant à l'avenir de Gaza, c'est aussi l'incertitude qui prédomine. B. Netanyahu a présenté une vision vague qui appelle à un contrôle israélien illimité du territoire, avec des partenaires palestiniens locaux à Gaza administrant les affaires quotidiennes. Israël espère que la reconstruction sera financée par la communauté internationale, notamment par les riches États arabes du Golfe.

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Ce plan n'est toutefois pas en adéquation avec la vision promue par les États-Unis, d’autres partenaires internationaux et par les Palestiniens.

Les États-Unis ont appelé au retour de l’Autorité palestinienne internationalement reconnue, que le Hamas a chassée de Gaza en 2007, et à des efforts renouvelés pour établir un État palestinien indépendant en Cisjordanie occupée et à Gaza. L'Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie a d'ailleurs récemment nommé un nouveau Premier ministre pour répondre aux appels américains à la réforme.

Mais Bejamin Netanyahu s’oppose à la création d’un État palestinien et à tout rôle de l’Autorité palestinienne. Pendant ce temps, les pays donateurs sont peu disposés à contribuer à la reconstruction sans consensus politique. Les Émirats arabes unis, par exemple, affirment qu’ils ne financeront pas la reconstruction sans une approche viable à deux États.

Ofer Shelah, un ancien député qui est aujourd’hui chercheur à l’Institut israélien d’études sur la sécurité nationale, a déclaré que les succès sur le champ de bataille n’ont "presque aucun sens" sans une vision diplomatique."La véritable menace pour le Hamas ne sera pas les chars ou les avions de guerre israéliens. C’est une alternative à la vie dans la Gaza d’après-guerre", a-t-il déclaré.

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