L'orphelinat mauvais pour le quotient intellectuel ?

L'activité cérébrale des tout-petits est liée aux scores de QI ultérieurs
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Par Camille Bello
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Cet article a été initialement publié en anglais

Une étude unique, sur l'impact profond de la vie en orphelinat, sur l'activité cérébrale a mis en évidence des liens évidents avec notre développement à l'âge adulte.

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Dans une nouvelle étude, des chercheurs américains ont mis en évidence un lien frappant entre l'activité cérébrale d'un jeune enfant et son quotient intellectuel à l'âge de 18 ans.

En comparant rigoureusement les capacités cognitives d'enfants placés dans des familles d'accueil, des institutions et des enfants élevés à la maison, la recherche a révélé, que les enfants vivant dans des institutions, telles que les orphelinats, ont un quotient intellectuel (QI) plus faible.

Les implications de l'étude pourraient être considérables, dépassant les frontières académiques et poussant à des changements de politique dans le monde entier.

Les résultats sont issus du projet d'intervention précoce de Bucarest (BEIP), toujours en cours, une vaste étude de longitude qui a débuté à l'automne 2000, et qui vise à étudier les effets de l'institutionnalisation précoce sur le développement de l'enfant après la chute du régime communiste de Nicolae Ceaușescu, en Roumanie, en 1989.

La science issue du communisme

Nicolae Ceaușescu est devenu célèbre pour avoir mis en œuvre des politiques visant à accroître la population du pays.

Ces mesures comprenaient des réglementations strictes en matière de contraception, d'avortement et de planning familial, ce qui a involontairement entraîné une forte augmentation du taux de natalité, lequel a même presque doublé.

La mise en œuvre de sa vision stalinienne, associée aux difficultés économiques du pays, a entraîné l'abandon d'un nombre croissant d'enfants non désirés et leur prise en charge par l'État. Ce qui a conduit à la construction de centaines d'orphelinats dans tout le pays.

"Le fœtus est la propriété de toute la société", a déclaré Nicolae Ceaușescu, dans une formule tristement célèbre : "quiconque évite d'avoir des enfants est un déserteur qui abandonne les lois de la continuité nationale".

En fin de compte, le régime de Nicolae Ceaușescu, qui a duré 24 ans, s'est effondré, et le monde a découvert le vaste réseau d'orphelinats du pays abritant des milliers d'enfants, des tout-petits aux bébés, dans des conditions déplorables.

Le nombre exact d'enfants ayant résidé dans des institutions tout au long de l'ère communiste reste flou, mais certaines sources avancent le chiffre de 170 000.

Le projet d'intervention précoce de Bucarest

Alors que le nouveau gouvernement roumain découvrait l'ampleur du phénomène des des enfants institutionnalisés de Roumanie, des experts en développement de l'enfant ont été invités à apporter leur expertise.

Le Dr Nathan A Fox, professeur émérite de l'université du Maryland College Park aux États-Unis, était l'un d'entre eux.

"Nous sommes arrivés sur place environ dix ans après [la chute de Nicolae Ceaușescu] et, avec la participation du gouvernement roumain, nous avons lancé une étude et une intervention appelée Projet d'intervention précoce de Bucarest", se souvient Nathan Fox.

Avec ses coéquipiers de l'université de Harvard et de l'université de Tulane aux États-Unis, Nathan Fox espérait répondre à des questions de longue date sur le lien complexe entre les circonstances de la vie et le développement cognitif.

Dès le début de l'étude, "la moitié des enfants ont été retirés de l'institution et placés dans des familles - des familles d'accueil que nous avions sélectionnées ; l'autre moitié est restée dans les institutions où elle vivait au moment où l'étude a commencé", explique Nathan Fox, à Euronews Next.

Un nouveau regard sur le projet

Dans l'étude la plus récente, le Dr Enda Tan, également de l'université du Maryland et sous la tutelle de Nathan Fox, s'est penché sur une corrélation nouvelle et inexplorée : l'activité cérébrale précoce et les scores de QI ultérieurs, en s'appuyant sur des données datant de plusieurs décennies.

Ses conclusions suggèrent que "les facteurs expérientiels et les différences environnementales précoces peuvent avoir une incidence sur les différences de QI ultérieures ou sur les changements dans le fonctionnement du cerveau", affirme Enda Tan à Euronews Next, ajoutant que ses recherches soulignent une fois de plus "l'importance d'une intervention précoce pour promouvoir un développement sain chez les enfants vivant dans des environnements défavorisés".

Des études antérieures avaient également montré que plus les enfants étaient placés tôt dans des familles d'accueil, meilleurs étaient leurs résultats cognitifs plus tard dans la vie. L'évaluation du quotient intellectuel d'Enda Tan a également confirmé que ce facteur était positif.

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L'étude, publiée dans la revue scientifique Developmental Cognitive Neuroscience, conclut que "l'éducation en institution et l'intervention plus tardive (vs. plus précoce) en famille d'accueil (...) prédisent un QI plus faible à 18 ans".

Des résultats aux implications mondiales

"Les orphelins roumains ne sont pas les seuls enfants négligés dans le monde", souligne Nathan Fox. Aux États-Unis, par exemple, "la forme la plus courante de maltraitance des jeunes enfants est la négligence".

"Et nous connaissons les conséquences négatives de la négligence, tant sur le plan cérébral que comportemental", ajoute-t-il, précisant qu'il y a "entre 6 et 8 millions d'enfants dans le monde qui vivent dans une sorte d'institution. Que ce soit à la suite d'un abandon dû à la pauvreté ou à la guerre".

Selon lui, ces résultats devraient servir de signal d'alarme pour réformer les politiques, défendre les droits et le bien-être des enfants négligés dans le monde entier et inciter un plus grand nombre de personnes à adopter.

"L'objectif est d'éviter que les jeunes enfants ne soient placés dans des institutions. Nous voulons faire en sorte que la politique soit de les placer dans une sorte de foyer familial", conclut-il.

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