Le Hamas voudrait que les Palestiniens puissent parler "d'une seule voix" à l'ONU

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Par Euronews
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Pour parler de la décision de l’Autorité Palestinienne de demander aux Nations Unies la reconnaissance d’un Etat palestinien, et des conséquences de cette décision sur le plan national et international, nous avons interrogé Mohamed Awad, ex-ministre des Affaires Etrangères au sein du gouvernement dominé par le Hamas limogé en 2007.

Jamel Ezzedini, Euronews

Monsieur Awad bienvenu.

Mohamed Awad

Bonjour.

Jamel Ezzedini, Euronews

Monsieur Awad, commençons par la position du Hamas qui refuse l’idée d’aller aux Nations Unies pour demander la reconnaissance d’un Etat palestinien. Pourquoi ce refus et selon vous quelles sont les garanties qui manquent à l’Autorité Palestinienne?

Mohamed Awad

D’abord je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un refus mais plutôt d’une clarification d’une position. C’est le sort du peuple palestinien qui est en train de se jouer ici. Nous exigeons que la Palestine soit un membre à part entière de l’ONU. Cette position soulève également la question de l’OLP et celle de la réconciliation interne. Ce sont des questions d’une importance capitale pour nous et qui pèsent lourdement sur la cause palestinienne. Donc pour prendre une telle décision ou pour afficher une telle position, il faudra d’abord s’assurer que toutes ces questions vont être prises en compte.

Jamel Ezzedini, Euronews

L’opinion publique internationale soutient l‘établissement d’un Etat palestinien. Donc, le fait d’aller devant le conseil de sécurité semble logique. Mais vous dites que cette reconnaissance signifie l’abandon des droits des palestiniens et surtout du droit au retour des réfugiés…

Mohamed Awad

C’est une question à poser à Monsieur Mahmoud Abbas. C’est lui qui est allé chercher la reconnaissance d’un Etat palestinien aux Nations Unies. Il faut qu’il explique au peuple palestinien comment et pourquoi il a pris cette décision, pour que le peuple puisse prendre position à propos de cette décision. Nous saluons les efforts de tous les pays qui soutiennent le peuple palestinien et qui sont pour un Etat palestinien et nous les encourageons à continuer dans cette voie. En ce qui concerne les affaires internes, nous pensons que c’est une autre question qui concerne les Palestiniens. Nous voulons avoir la certitude que l’adhésion aux Nations Unies n’aura aucune conséquence sur le droit au retour des réfugiés se trouvant à l‘étranger pour qu’ils puissent s’installer de nouveau en Palestine historique et pas seulement dans le cadre d’un Etat palestinien.

Jamel Ezzedini, Euronews

Vous êtes opposé à la demande que l’Autorité Palestinienne compte soumettre à l’ONU. Si les Etats-Unis usent de leur droit de veto lors du vote, vous refusez aussi que l’Etat palestinien soit accepté comme membre observateur sans les droits dont jouissent les autres membres?

Mohamed Awad

Nous voulons être membres à part entière dans le cadre des Nations Unies, et ici même sur le terrain. Nous voulons un vrai Etat palestinien et non pas un coup médiatique qui pourrait faire perdre les droits des Palestiniens.

Jamel Ezzedini, Euronews

Mais Monsieur Awad, vous refusez d’aller aux Nations Unies comme vous refusez les négociations directes avec les Israéliens. Quelles sont selon vous les alternatives qui pourraient mettre fin à ce conflit?

Mohamed Awad

Dans son discours, Monsieur Abbas a affirmé que les négociations n’ont rien apporté aux Palestiniens et qu’il n’y a pas d’autres alternatives. Moi je l’appelle a négocier d’abord avec les différentes factions palestiniennes: de vraies négociations avec le Hamas, avec le Jihad islamique et avec le Front populaire de libération de la Palestine pour convenir d’un plan commun. Un plan qui envisage plusieurs solutions et pas seulement celle du processus de paix. Nous disposons de plusieurs possibilités comme la résistance sous toutes ses formes. On peut exercer une plus forte pression auprès des Nations Unies et des pays européens…

Jamel Ezzedini, Euronews

Si vous permettez Monsieur Awad, c’est exactement ce que font Monsieur Abbas et l’Autorité Palestinienne: aller devant les Nations Unis pour demander la reconnaissance de l’Etat palestinien.

Mohamed Awad

Je ne suis pas contre l’idée d’avoir recours au Nations Unies. Je suis contre cette démarche qui pourrait faire perdre ses droits au peuple palestinien. Il faut d’abord s’assurer que demander la reconnaissance d’un Etat aux Nations Unies va garantir ses droits: à ce moment-là nous pourrons soutenir cette idée. Mais nous refusons d’aller à l’ONU sachant qu’on a pas d’alternative et qu’on ignore les conséquences en cas de refus.

Si on demande aux Palestiniens s’ils pensent que cette demande aura un impact négatif sur les droits des Palestiniens et que la réponse est oui, ils vont bien sûr rejeter complètement cette idée.

Jamel Ezzedini, Euronews

Les divergences entre le Hamas et le Fatah refont surface avec cette demande de reconnaissance à l’ONU. La réconciliation du Caire semble donc avoir pris fin. Quelles conséquences pourraient avoir ces divergences sur l’unité palestinienne à ce moment crucial?

Mohamed Awad

Faut-il avoir une position palestinienne commune et parler d’une seule voix à l’ONU? ou bien prendre la décision d’aller aux Nations Unies malgré les divergences? La réponse est simple. C’est ce que monsieur Abbas a d’ailleurs mentionné dans son dernier discours quand il a dit qu’il tenait à aboutir à une réconciliation nationale entre les différents mouvements politiques. Pourquoi ne faisons-nous pas d’abord un premier pas vers l’unité nationale et ne mettons-nous pas en garde notre peuple sur les conséquences de cette démarche? Et à ce moment-là, nous irions aux Nations Unies. Comme ça nous serions tous responsables et nous éviterions le flou actuel.

Jamel Ezzedini, Euronews

Ne pensez-vous pas que votre refus représente une sorte de punition envers l’Autorité car elle n’a pas pris la peine de négocier assez avec le Hamas avant de prendre cette décision?

Mohamed Awad

Au contraire. Le problème n’est pas l’absence de négociations avec nous mais c’est une décision fatidique. Avant de la prendre, on doit connaitre ses éventuelles conséquences. Monsieur Abbas a dit “nous voulons être membre permanent à l’ONU” mais il a ajouté qu’il n’y a pas d’alternative si les Américains utilisent le droit de veto. Est-il possible de prendre une telle décision en ignorant les conséquences en cas de refus? C’est donc mieux d’envisager plusieurs scénarios en négociant d’abord avec les différentes factions palestiniennes.

Jamel Ezzedini, Euronews

Selon vous Monsieur Awad, quel impact pourrait avoir les révolutions dans le monde arabe sur la cause palestinienne? Que pense le Hamas de ce printemps arabe?

Mohamed Awad

Sans aucun doute, les révolutions arabes apportent un soutien direct à la cause palestinienne et représentent un facteur positif qui pourrait aider à trouver des solutions à notre cause.

Mais ce que nous craignons c’est que ces révolutions soient déviées, et par conséquent elles auront besoin de beaucoup de temps pour réussir et pour jouer un rôle important dans la région…

Jamel Ezzedini, Euronews

Vous sollicitez un rôle plus important pour la Turquie dans le conflit et vous avez salué la décision d’Erdogan de se rendre prochainement à Gaza. La Turquie tente aujourd’hui de jouer toutes ses cartes dans la région. Attendez-vous un rôle plus important de la Turquie dans le soutien à la cause palestinienne?

Mohamed Awad

Nous pensons que la Turquie et l’Egypte doivent jouer un rôle important dans le conflit. Elles représentent un axe fort capable d’imposer des exigences, et qui pourrait aider à trouver une solution à ce conflit. Contrairement à ce que l’on essaye de faire croire, le processus de paix ne mène à rien. Ce que nous voulons nous c’est une paix durable dans le cadre d’un Etat palestinien soutenu par la Turquie et par tous les pays arabes qui optent pour la paix et qui oeuvrent pour la stabilité dans la région.

Jamel Ezzedini, Euronews

Docteur Mohamed Awad, merci infiniment. Vous étiez en direct depuis Gaza.

Mohamed Awad

Merci à vous.

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