Panthéon : Entrez ici G.de Gaulle, G.Tillion, J.Zay et P.Brossolette

Panthéon : Entrez ici G.de Gaulle, G.Tillion, J.Zay et P.Brossolette
Tous droits réservés 
Par Joël Chatreau
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
PUBLICITÉ

Les deux femmes et les deux hommes dont l’entrée au Panthéon a été annoncée ce vendredi 21 février ont un point commun : ils sont tous des résistants de la première heure. Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay et Pierre Brossolette ont également fait preuve au cours de leur vie d’un engagement sans faille pour défendre l’esprit républicain et la dignité humaine. C’est sur le site du Mont-Valérien (dans les Hauts-de-Seine), où furent fusillés 1007 résistants et otages entre 1941 et 1944, que le président français, François Hollande, leur a rendu hommage. Le Panthéon a bien besoin d’accueillir des femmes car elles n’y sont que deux pour le moment, deux sur 71 grandes figures de l’histoire française.

Deux femmes d'exception

Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, la nièce du général, appartenaient au même réseau de résistance, celui du Musée de l’Homme à Paris, créé dès le mois de juin 1940. En février 1942, sept membres du groupe qui a été démantelé par les nazis seront exécutés au Mont-Valérien. Germaine Tillion sera déportée vers le camp de concentration de Ravensbrück, en Allemagne. Geneviève de Gaulle, arrêtée à son tour en juillet 1943, la rejoindra au début de l’année 1944. Les deux femmes vont s’entraider et sortir vivantes de l’enfer. G.Tillion écrit “Ravensbrück”, l’un des premiers grands témoignages sur les camps. Ce n’est que plus de cinquante ans après sa libération que G.de Gaulle trouvera les mots pour écrire “La traversée de la nuit”.

Même écrasée par le système concentrationnaire, Germaine Tillion ne perdra jamais sa rébellion intérieure et sa force de création. Elle est ethnologue et dit étudier “ce système comme une société de sauvages”, elle trouve aussi l‘énergie pour imaginer une opérette pleine d’humoir noir qui sera finalement présentée à Paris en 2007. Geneviève de Gaulle-Anthonioz, elle, se servira de la résistance morale qu’elle s’est forgée en déportation pour aider les Français les plus pauvres. En 1958, elle rencontre le père Joseph Wresinski qui est aumônier dans un bidonville de Noisy-le-Grand, près de Paris, et qui a fondé l’organisation ATD Quart Monde. Pour aider les familles dont il s’occupe, puis toutes les autres personnes qui vivent dans la misère, elle l‘épaule en présidant ATD Quart Monde jusqu’en 1998.

Nommée en 1988 au Conseil économique et social, la nièce du général de Gaulle se battra avec ténacité pendant dix ans pour établir et défendre un projet de loi contre la grande pauvreté; il sera finalement voté par les députés en juillet 1998. Pour sa part, Germaine Tillion deviendra une ethnologue de premier plan, s’intéressant particulièrement à l’Algérie. Elle y crée des centres sociaux pour la population rurale déplacée, elle dénonce les travers de la société coloniale, elle fait des enquêtes sur la torture pendant la guerre d’Algérie, elle défend les femmes du Maghreb…Elle déclare à la fin de sa vie : “Mis à part ma captivité en Allemagne, j’ai été libre tout le temps”.

Deux hommes de conviction

Jean Zay constituait une cible idéale pour le régime de Vichy. Juif, franc-maçon, avocat puis député et ministre du Front populaire, il est républicain avant tout. C’est un homme politique brillant et visionnaire, plus jeune député de France à 27 ans, ministre à 31 ans. En charge de l’Education, il est l’auteur de nombreuses réformes comme la scolarité obligatoire jusqu‘à 14 ans, l’interdiction du port d’insignes religieux dans les écoles, sujet qui revient en force dans l’actualité. Jean Zay est aussi l’initiateur du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, de l’ENA, l’Ecole nationale d’administration, et même (on le sait peu) du Festival de Cannes.

En septembre 1939, le ministre démissionne de ses fonctions et rejoint l’armée. A la suite de l’appel du 18 juin 1940 du général De Gaulle, il s’embarque avec une petite trentaine d’autres parlementaires et anciens ministres à bord du navire “Massilia”, cap vers l’Afrique du Nord. Mais dès le mois d’août, Jean Zay est arrêté à Rabat, au Maroc, et renvoyé à la case départ. Après un procès expédié, il est condamné pour “désertion” et emprisonné. Après presque quatre ans passés dans les cachots de Vichy, il est sorti de sa cellule par des miliciens français et exécuté froidement dans une carrière le 20 juin 1944 dans le département de l’Allier. Son corps, balancé dans un gouffre, ne sera indentifié que quatre ans plus tard.

Pierre Brossolette était l’un des chefs charismatiques de la Résistance. Issu d’une famille socialiste, républicaine, il est brillant comme Jean Zay. A 19 ans, il est reçu premier au concours de l’Ecole normale supérieure, à 23 ans, il obtient l’agrégation d’histoire après un exposé de sept minutes, montre en main. Il devient journaliste dans la presse écrite, dénonce rapidement les méthodes de Vichy puis entre naturellement dans la lutte clandestine sous le nom de code de “Brumaire”, et rejoint la France libre à Londres. Mais Pierre Brossolette a sa propre vision de la Résistance, il tient parfois tête à De Gaulle et Jean Moulin, qu’il s’apprête finalement à retrouver au Panthéon.

Arrêté en mars 1944, le journaliste et homme de l’ombre a eu un courage physique exemplaire. Il est torturé par la Gestapo dans un immeuble parisien deux jours durant, frappé avec toutes sortes d’instruments, la tête plongée dans l’eau glacée pendant des heures, mais répétant sans cesse une seule phrase “Je m’appelle Paul Boutet”, sa fausse identité. Le 22 mars, il trouve la force d‘échapper à la surveillance de ses gardiens et se jette par la fenêtre. Pierre Brossolette confiait souvent “Si je suis arrêté, je veux, je dois mourir”. Jean Zay, lui, avait écrit dans sa dernière lettre en prison : “J’ai le coeur et la conscience tranquilles, je n’ai aucune peur”.

Geneviève de Gaulle-Anthonioz est décédée le 14 février 2002. Jusqu‘à la fin, elle est restée comme simple bénévole dans l’association ATD Quart Monde. Germaine Tillion est morte le 19 avril 2008, elle a tenu le coup jusqu‘à presque 101 ans.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Le Moulin rouge à Paris privé de ses ailes après un incident

Les journalistes ont eu un accès rare au sous-marin français à propulsion nucléaire de classe Rubis

Elections européennes : les Républicains font campagne sur l'immigration à Menton