Les Polonais se mobilisent pour défendre la démocratie

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Par Ewa Dwernicki
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A peine investi par le parlement, le nouveau gouvernement conservateur de Beata Szydlo a non seulement provoqué une véritable tempête dans le monde politique polonais mais a également froissé une bonne partie de l’opinion publique au point de susciter un élan d’engagement politique et citoyen d’une ampleur inconnue depuis l’implosion du régime communiste en 1989.

Ainsi, il y a quelques jours, un Comité de défense de la démocratie (KOD) a fait son apparition sur Facebook. Le groupe, qui a vite atteint plus de 25 000 membres, s’est constitué spontanément en opposition à « la confiscation de l’Etat » par le parti Droit et Justice au pouvoir.

En effet, après seulement une semaine à la tête du pays, le gouvernement conservateur polonais s’est dépêché de prendre le contrôle des services spéciaux et d’introduire ses hommes au sein du Tribunal constitutionnel.
Réunie dans la nuit suivant le vote de confiance, la commission parlementaire chargée des services spéciaux a approuvé le départ des chefs des deux services civils, l’Agence de renseignement (AW) et l’Agence de sécurité intérieure (ABW) et de leurs homologues militaires, le Service de renseignement militaire et le Service de contre-espionnage militaire. Jeudi, la Première ministre Beata Szydlo a nommé leurs remplaçants.
Le même jour, le PIS a imposé une réforme du Tribunal constitutionnel qui prévoit l’élection de cinq nouveaux juges, alors que le parlement précédent avait déjà approuvé cinq candidats.
Par ailleurs, Jaroslaw Kaczynski a annoncé une réforme des médias publics – la télévision, la radio et l’agence de presse PAP – et son intention de “repoloniser” la presse locale, souvent contrôlée par des capitaux étrangers.

Le Comité de défense de la démocratie a été fondé par Mateusz Kijowski, un informaticien de 47 ans, jusque-là jamais engagé dans la politique. Il a trouvé son inspiration dans le texte de Krzysztof Lozinski (ancien collaborateur de KOR, Comité de défense des ouvriers [un groupement d’intellectuels polonais formé en 1976, en opposition au régime communiste, ndlr], ancien membre de « Solidarnosc » et collaborateur d’Amnesty International) intitulé «Il faut créer un Comité de défense de la démocratie».

« J’ai pensé qu’on ne pouvait pas rester impuissant. J’ai créé le groupe sur Facebook, j’ai commandé la création d’un logo auprès d’un ami et nous avons commencé à travailler sur le manifeste. Les amis en ont parlé à leurs amis, et c’est ainsi que tout a commencé », a-t-il déclaré au quotidien polonais Gazeta Wyborcza.

Le symbole du groupe est une résistance – l’élément du circuit électrique – qui à l’époque communiste et surtout pendant la loi martiale (années 1981-84) était porté accroché au revers de la veste, en signe de résistance au pouvoir en place.

« La démocratie est menacée en Pologne. Les actions des autorités, leur mépris envers la loi et envers la tradition démocratique, nous contraignent à exprimer notre opposition. Nous ne voulons pas d’une Pologne totalitaire, fermée à ceux qui pensent différemment du pouvoir, nous ne voulons pas d’une Pologne pleine de frustration et revancharde (…). Parmi nous, il y a des hommes de diverses opinions, de différentes orientations politiques, de droite comme de gauche, des croyants, des agnostiques et des athées. Ce qui nous rassemble est le fait que nous sommes des hommes libres et que nous voulons toujours vivre dans un pays démocratique dans lequel personne ne va nous dicter la façon dont nous devons vivre et en quelles valeurs croire», peut-on lire dans le manifeste.

Les membres du groupe projettent de sortir du cadre de l’internet à travers la création d’une association. Tous les jours, de nouveaux membres se déclarent prêts à mettre en place des structures organisationnelles dans les grandes villes polonaises. A l’instar de KOR, ils ont l’intention d’inviter des hommes politiques et des scientifiques de renommée à soutenir leur projet d’opposition.

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