Le jour où j'ai rencontré Masika

Le jour où j'ai rencontré Masika
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Par Valérie Gauriat
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“Tu sais, parfois, je n’ai plus l’envie de vivre”, m’avait dit Masika, les yeux remplis de larmes. “Mais pour les enfants, je trouve encore la

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“Tu sais, parfois, je n’ai plus l’envie de vivre”, m’avait dit Masika, les yeux remplis de larmes. “Mais pour les enfants, je trouve encore la force”.

Une force rare, dans un corps brisé par une violence innommable. Rebecca Masika Katsuva était une femme d’exception, que j’ai eu le privilège de rencontrer en 2012. Elle était commerçante, lorsque son destin a basculé. Violée, avec l’une de ses filles, par un groupe armé, témoin du massacre de son mari, elle avait échappé à la mort une première fois en 1998.

Chassée par sa famille, c’est dans le petit village de Buganga, au Sud-Kivu, qu’elle avait trouvé refuge. Et décidée de consacrer sa vie aux femmes qui comme elle avaient subi les exactions de miliciens. Lorsque je l’ai rencontrée, “Maman Masika” était entourée d’une trentaine d’enfants, tous nés de viols, qu’elle avait adoptés, et de nombreuses survivantes de viols de masse.

Femmes et enfants partageaient avec elle les quelques pièces dépouillées de sa baraque en bois devenue le refuge de ceux que tous avaient rejetés. A la tête de son association, elle cultivait la terre avec ses protégés, auxquelles elle s’efforçait de donner un nouveau départ. Mois après mois, elle partait à la recherche de victimes d’exactions de miliciens cachés dans la brousse.

“Ils me tueront un jour, mais je n’ai plus rien à perdre”, disait Masika. Un combat qui lui valut d‘être violée de nouveau, à trois reprises. Inlassable militante, elle menait campagne contre l’impunité. “Ils” n’ont pas réussi à tuer Rebecca Masika Katsuva. Emportée par la malaria, elle laisse derrière elle les dizaines de vies qu’elle a sauvées. Aujourd’hui, des dizaines d’enfants portent son nom, fièrement.

Puissent-ils porter le combat de Maman Masika, et faire survivre encore longtemps sa mémoire.

Comme elle marquera à jamais la mienne.

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