Le Venezuela de Maduro : les symptômes d'une dictature en marche

Opposant vénézuélien réfugié en Colombie après réélection Maduro.
Opposant vénézuélien réfugié en Colombie après réélection Maduro.
Par Joël Chatreau
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"Jamais un candidat présidentiel n'avait gagné avec près de 68% des voix du peuple", se vante Nicolas Maduro. Cela permet au dirigeant vénézuélien de consolider dans la durée son pouvoir autoritaire : achats de voix, opposants emprisonnés, manifestations réprimées, main mise sur le Parlement...

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Les Vénézuéliens en reprennent pour 6 ans alors que l'abstention lors de la présidentielle de dimanche est grimpée à 52%, la plus forte depuis 1958. Nicolas Maduro, englué dans la pire crise économique de son pays, que l'on disait pourtant mort politiquement il y a à peine un an, gonfle la poitrine de satisfaction. Il renvoie la coalition d'opposition MUD dans les cordes, alors que l'appel au boycott de cette dernière a été assez bien entendu. Le dauphin d'Hugo Chavez, l'inventeur de la "révolution socialiste bolivarienne" mort d'un cancer, a bien appris : "Nous sommes la force de l'histoire, transformée en une victoire populaire permanente", a-t-il lancé dans un élan chaviste.

La vision du pouvoir : "Vive Maduro ! Vive la démocratie !"

"Pour nous, il n'y a pas eu d'élection", rétorque Henri Falcon, le seul opposant qui a pu se maintenir en lice. La fraude la plus flagrante s'appelle "points rouges". Il s'agit de tentes qui ont été installées par le parti de Maduro, le PSUV, à quelques dizaines de mètres seulement des bureaux de vote. Et comme par hasard, ceux qui avaient accompli leur devoir électoral, munis du "carnet de la patrie" fourni par le pouvoir, pouvaient s'y inscrire afin de recevoir une prime promise par le président réélu. Elle doit se monter à 1,5 dollars; détrompez vous, cette somme insignifiante représente un salaire mensuel actuellement au Venezuela.

La dénonciation des Vénézuéliens exilés : "Désespoir : abandonner le pays ou fermer les yeux"

Mais avec un salaire mensuel, on ne peut s'acheter qu'un litre de lait, un kilo de sucre... On le sait, le manque de nourriture, y compris de base, de médicaments, y compris dans les hôpitaux, les ruptures constantes d'électricité transforment le quotidien en lutte permanente pour la survie. L'état économique du pays est catastrophique : les autorités misent essentiellement sur les revenus du pétrole, alors que les cours du brut ne cessent de chuter; en 2017, le PIB s'est effondré de 15%, en cinq ans, il a maigri de 45%, estime le FMI; l'an dernier, l'inflation était de 2.616%.

La communauté internationale dénonce une dictature

Pour une bonne partie des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, pour l'Union européenne et les Etats-Unis, Nicolas Maduro s'enfonce petit à petit dans la dictature. Il s'appuie sur l'armée et sur l'Assemblée constituante qui, dès sa mise en place en août dernier, a privé le Parlement de presque tous ses pouvoirs. Elle a également limogé la procureure générale, Luisa Ortega, une ancienne chaviste entrée dans l'opposition. 

Les principaux chefs de l'opposition ont été écartés d'une manière ou d'une autre. Leopoldo Lopez, condamné à l'emprisonnement en 2014, libéré l'année dernière, est désormais assigné à résidence. Antonio Ledezma, ex-maire de Caracas, a été jeté à son tour en prison en 2015; placé en résidence surveillée en 2017, il en a profité finalement pour s'enfuir en Espagne.

**A la suite du boycott prôné par l'opposition, Antonio Ledezma a commenté sur son compte Twitter : "Nous avons mené l'acte de désobéissance civile le plus fort, qui laisse le dictateur sans légitimité". **

La police politique monte en puissance

La répression des manifestations a commencé peu de temps après l'installation au pouvoir, déjà contestée, de Maduro en 2013. En seulement trois mois, elle a fait plus d'une quarantaine de morts en 2014. Mi-2017, le bilan des victimes au cours de quatre mois de protestation a été bien plus lourd, 125 tués. 

Les hommes du Sebin, le service de renseignement vénézuélien, sont de plus en plus zélés. Dans leur centre de détention à Caracas, reconnaissable à sa forme d'hélice, au moins 54 personnes sont enfermées pour des raisons politiques, affirme Foro Penal, une organisation vénézuélienne de défense des droits de l'Homme. La semaine dernière, dans une lettre ouverte publiée sur internet, plusieurs de ces prisonniers ont expliqué qu'ils organisaient "une mutinerie pacifique" afin de dénoncer la violation de leur liberté d'opinion et d'expression.

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