Vaccins : pourquoi les Italiens sont devenus méfiants

Vaccins : pourquoi les Italiens sont devenus méfiants
Par Euronews
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La vaccination obligatoire des jeunes enfants a été reportée d'un an avec la bénédiction du nouveau gouvernement populiste.

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Alors qu'en France, onze vaccins sont désormais obligatoires pour les enfants nés depuis le 1er janvier dernier, le nouveau gouvernement italien vient de faire machine arrière. Un amendement a reporté d'au moins un an la vaccination obligatoire pour les jeunes enfants devant être scolarisés en crèche ou en maternelle. Cette vaccination avait été adoptée par le précédent gouvernement après une épidémie de rougeole qui avait provoqué près de 5 000 contaminations et quatre décès.

Or, l'actuelle coalition du Mouvement Cinq Étoiles et de la Ligue d'extrême droite est contre la vaccination obligatoire et assume ce choix. Selon le vice-Premier ministre Matteo Salvini, la vaccination serait même "dangereuse" voire"nuisible". Au grand dam de la communauté médicale.

Le report de la vaccination a été salué par les mouvements anti-vaccins que notre journaliste Lillo Montalto a contactés.

"Nous pensons que les gens devraient avoir la liberté de choisir de vacciner ou non leurs enfants", explique Nadia Gatti, présidente du CONDAV, une association très active. "Il est important, dit-elle, de ne pas forcer les parents qui ont peur des vaccins eux à les faire à tout prix".

Nadia Gatti fixe toutefois certaines limites : "si l'État dit qu'il y a une urgence et qu'il faut faire une vaccination, je suis d'accord, à condition qu'il reconnaisse la faible possibilité d'avoir des effets secondaires et qu'il fournisse de l'aide aux parents qui doivent faire face à cette situation."

La responsable ne se dit pas hostile au vaccin contre la rougeole. Mais refuse l'administration de 10 vaccins en une seule fois. "Je suis d'accord si l'État impose quatre ou cinq vaccinations obligatoires, mais laissons les autres au choix des parents."

Malgré les mises en garde sanitaires, de nombreux Italiens se sont forgés une opinion radicale sur les vaccins via les réseaux sociaux. Or, ces derniers "jouent un rôle important dans la diffusion de fausses nouvelles quant à la sécurité des vaccinations", souligne Aurea Oradini, une universitaire qui a étudié le scepticisme des Italiens en matière d'inoculation.

"Les gens peuvent se convaincre, par exemple, que les vaccins sont responsables de l'autisme  et, par conséquent, et choisir de ne pas vacciner leurs enfants pour éviter les effets secondaires indésirables", explique Mme Oradini.

Les vaccins responsables de l'autisme ? C'est une décision de justice rendue en 2006 qui a mis le feu aux poudres. Les juges de Rimini (nord-est du pays) avaient accordé des dommages-intérêts à la famille d'un jeune autiste au motif que son état résulterait du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR). Sauf que la décision avait fini par être annulée trois ans plus tard.

"Cela a certainement représenté un point de rupture fondamental et a porté un coup à la confiance dans les vaccinations en Italie", reconnaît Aurea Oradini.

Le docteur Wakefield a été radié de l'Ordre des médecins dans son pays

Cette décision de justice a surtout été précédée d'une étude controversée publiée en 1998 par The Lancet, un magazine scientifique très respecté. Dans cette étude, le docteur Andrew Wakefield affirmait qu'il existait un lien entre le vaccin ROR et l'autisme. Mais l'étude avait ensuite été jugée frauduleuse et l'auteur avait été radié de l'ordre des médecins au Royaume-Uni.

Malgré tout, cette étude serait toujours régulièrement citée dans les milieux anti-vaccins.

Face à cette méfiance, la communauté médicale rappelle que le taux de vaccination contre la rougeole en Italie - 85 % des enfants en 2016 - est trop faible pour contenir une éventuelle épidémie dans le reste du pays. L'Organisation mondiale de la santé affirme que ce taux devrait se situer à 95 % pour protéger l'ensemble de la population. D'où la décision du précédent gouvernement italien de rendre obligatoire la vaccination des enfants avant d'être scolarisés.

Selon Heidi Larson, directeur du projet "Confiance dans les vaccins", ce sont ensuite les responsables politiques italiens qui ont remis de l'huile sur le feu en prenant parti pour les associations anti-vaccins à des fins électorales. Ce fut clairement le cas du Mouvement cinq étoiles (M5S). Beppe Grillo, le fondateur du parti, n'a pas hésité à accuser l’État d'être à la solde des multinationales pharmaceutiques. Un argument choc qui a rencontré un écho certain chez les Italiens.

Matteo Salvini et Beppe Grillo

Comment reconstruire désormais la confiance avec les patients ? "A mon avis, nous devrions faire un effort pour essayer d'établir un seul calendrier de vaccination en Europe, qui pourrait être utilisé dans chaque pays afin d'éviter ce genre de pensées", suggère la chercheuse, Aurea Oradini.

Mais ce scénario paraît difficilement réalisable : d'abord et surtout parce que chaque État membre de l'Union européenne reste souverain en matière de santé publique. Autrement dit : tant que le gouvernement italien ne modifiera pas son point de vue, le scepticisme devrait rester de mise.

Votre point de vue | Qu'en pensez-vous ? Pourquoi les Italiens sont-ils si sceptiques à l'égard des vaccins ? Faites le nous savoir en contactant chris.harris@euronews.com

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