Iván Duque : « j'ai toujours dit que la solution au Venezuela ne pouvait être militaire »

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Par Pierre Michaud
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Retrouvez dans The Global Conversation, l'intégralité de l'entretien accordé à Euronews par le président Colombien Iván Duque.

**Le 7 août dernier, Iván Duque est devenu, à 42 ans, le plus jeune président de l'histoire récente de la Colombie. Ce conservateur, entré en politique il y a seulement 4 ans, va devoir gouverner un pays tiraillé entre droite et gauche, entre sympathisants et opposants au processus de désarmement des guérillas.
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Euronews l'a rencontré à l'occasion de son premier tour d'Europe pour évoquer notamment sa position face à la crise au Venezuela, lui qui réclame la destitution de Nicolás Maduro.

L'une des questions qui vous a amené ici à Bruxelles est la crise des réfugiés. On estime à un million le nombre de Vénézuéliens entrés en Colombie pour fuir la crise économique dans leur pays. C'est un chiffre très important. Dans quelle situation se trouvent ces personnes ?

Depuis l'arrivée au pouvoir de notre gouvernement, ce que nous avons fait, c'est dire au peuple vénézuélien que notre politique d'immigration est une politique accueillante. D'abord en faisant preuve de compréhension, parce qu'ils fuient la persécution d'une dictature. Ce que nous voulons faire en Colombie, c'est vraiment normaliser la migration, apporter une aide humanitaire. De toute évidence, il y a beaucoup de personnes qui se retrouvent dans des situations d'extrêmes vulnérabilité. Cela représente une pression fiscale et sociale pour la Colombie.

Qu'attendez-vous de la part de l'Union Européenne ? Bruxelles a déjà débloqué 35 millions d'euros pour apporter une aide humanitaire dans la région. Lors de vos rencontres avec les dirigeants européens, avez-vous passé d'autres accords ?

Plusieurs. Tout d'abord, nous sommes reconnaissant pour le soutien économique qui nous est offert. Il va également falloir affronter les causes de cette crise. Je pense que le monde doit être plus strict sur les sanctions qui sont appliquées à la dictature et aux personnes qui forment son entourage.

V__os relations avec le Venezuela sont loin d'être cordiales, vous parlez de dictature. Le gouvernement espagnol a proposé d'ouvrir un dialogue avec le président Nicolás Maduro, pour aller au delà des sanctions imposées par l'Union européenne. Que pensez-vous de cette perspective ?

Dialoguer avec ce dictateur, qui commet quotidiennement des crimes, n'a donné, pour l'instant, aucun résultat. La communauté internationale doit l'obliger à quitter le pouvoir et à entamer une transition pour aider les Vénézuéliens à retrouver leur liberté.

Il a été dit que vous étiez favorable à une intervention militaire pour le renverser, vous confirmez ?

C'est le contraire. J'ai toujours dit que la solution ne devait pas être militaire. Parce que c'est toujours ce que souhaite un dictateur. Un dictateur cherche toujours à créer le mythe d'une intervention militaire pour donner du poids à son argumentaire et rester au pouvoir.

De votre prédécesseur, Juan Manuel Santos, vous avez hérité de l'accord de paix conclu avec les FARC. Vous l'avez beaucoup critiqué pendant votre campagne électorale. Vous disiez d'abord vouloir revenir sur cet accord, puis vouloir le modifier. Maintenant que vous êtes président, que voulez-vous conserver, que voulez-vous changer ?

Je n'ai jamais dit que j'allais annuler l'accord. Pendant la campagne, j'ai été très clair sur les choses qui pourraient mal tourner. Aujourd'hui, en tant que président, j'ai dit ce que j'ai toujours dit : que nous allions le mettre en œuvre, en nous concentrant sur une transition pour réinsérer les guérillas. Nous soutiendrons tous ceux qui souhaitent véritablement se réinsérer. Et nous aurons une tolérance zéro pour tous ceux qui préféreront retourner à une vie de criminel.

Tous les anciens chefs de guérillas pourront participer à la vie politique ?

En Colombie, nous ne pouvons pas avoir une politique de deux poids, deux mesures. Une politique selon laquelle une personne qui siège au Congrès et qui commet un crime ne peut plus jamais aspirer à cette position, et où ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité y demeurent.

Mais il y a des précédents en Europe. Par exemple, en Irlande du Nord, certains leaders de l'IRA ont participé ensuite à la vie politique du pays. Ne pensez-vous pas qu'en bloquant politiquement ces membres de la guérilla, vous déformez l'essence de ces accords ?

Premièrement, ils participent déjà. Deuxièmement, ce qui est sûr c'est qu'ils doivent passer devant la justice transitionnelle. Mais puisque vous me présentez des exemples venus d'autres pays, il y en a un autre très intéressant, en Espagne : le politicien basque Arnaldo Otegi. Otegi n'a pu se présenter aux dernières élections en raison de ses crimes de sang.

Mais il n y a pas eu de processus de paix en Espagne. En Irlande du Nord ou en Colombie, oui.

Dans le cas de la Colombie, quand le processus a été validé, il a toujours été convenu qu'il y aurait une justice transitionnelle basée sur les principes de vérité, de justice, de réparation et de non-récidive.

L'Union européenne a créé un fond fiduciaire de 95 millions d'euros pour consolider ce processus de paix. Pensez-vous que cela va continuer ?

Sans aucun doute. Et je me réjouis de leur soutien. C'est un soutien important pour nous afin d'avoir une mise en œuvre réussie qui permette aux gens, qui font vraiment une transition vers la réinsertion, de le faire avec succès.

Une autre question en suspens en Colombie, celle de la drogue. On estime qu'il y a environ 200 000 hectares de cultures illicites. Quelle politique adopterez-vous ? Eradication, fumigation,... ?

Premièrement, nous devons nous efforcer de remplacer les cultures et de les éradiquer. Nous respecterons les accords qui ont été signés à ce sujet. Mais nous garderons aussi d'autres outils à disposition. Nous tenterons d'améliorer l'illégalisation, de briser la chaîne d'approvisionnement et, bien sûr, d'être beaucoup plus efficace dans la lutte contre les blanchiment d'argent, l'extinction des actifs des cartels.

Travaillez-vous conjointement avec l'administration américaine pour lutter contre le trafic de drogue ?

Nous avons toujours coopéré. Depuis le gouvernement du président Clinton quand le plan colombien a débuté, puis il y a eu le président Bush, le président Obama et désormais le président Trump. La Colombie a trouvé plus qu'un allié. Le travail commun a été très important pour affaiblir ou démanteler les réseaux du crime organisé qui existent dans le pays.

Les élections ont clairement montré que la Colombie est un pays extrêmement polarisé. Récemment, le Pape François vous a demandé de travailler pour la réconciliation. Ne pensez-vous pas que si vous appliquez à la fois des politiques libérales et conservatrices, cet écart risque de s'élargir ?

Je pense que c'est le contraire. J'étais fier de ma campagne parce qu'il n'y avait pas d'agression contre un concurrent. Et recevoir ce soutien du Pape pour continuer à travailler pour l'unité me semble très positif.

Pour terminer cet entretien, je voudrais vous demander ce que vous pensez du leader de l'extrême droite brésilienne, Jair Bolsorano. Avez-vous des points d'accord avec lui ? Par exemple, sur ses politiques économiques ?

En tant que président de la Colombie, je n'aime pas prendre parti à l'égard d'une décision démocratique qui regarde le peuple brésilien. Ce que j'espère, en tant que président de la Colombie, c'est que, quelle que soit la décision prise au Brésil, je travaillerai main dans la main avec le président pour renforcer l'intégration de l'Amérique du Sud, pour travailler sur les questions commerciales et pour améliorer les accords d'investissement. Le plus important, c'est que les pays aient la possibilité de comprendre que l'investissement et l'esprit d'entreprise sont générateurs d'emplois formels, et que l'emploi formel est un transformateur de la réalité sociale de nos pays.

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