Papicha, une ode à la liberté contre le fanatisme religieux

Papicha, une ode à la liberté contre le fanatisme religieux
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Par Frédéric Ponsard
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Papicha de Mounia Meddour est un film essentiel sur la jeunesse victime du fanatisme religieux. Un flashback percutant sur la décennie noire algérienne des années 90.

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Le Film de la semaine : Papicha de Mounia Meddour

Sortie 9 octobre

Après Atlantique la semaine dernière, notre film de la semaine est aussi un premier film fulgurant, réalisé également par une jeune femme à la double nationalité qui revient sur la décennie noire algérienne à travers la vie d’une jeune étudiante éprise de liberté. Un film en forme de déflagration qui marque longtemps les esprits. Le film est censuré en Algérie.

Parler de l’intégrisme et de l’obscurantisme religieux sans tomber dans le piège du manichéisme est une gageure. Le pari de Mounia Meddir était osé et risqué, mais elle réussit justement à faire de Papicha est une ode à la vie et à l’insoumission, et non un pensum politique. Le film commence dans un taxi clandestin comme il en existe à Alger où trois copines ont embarqué, après avoir fait le mur de leur chambre universitaire, pour aller danser et s’amuser en boîte de nuit. Ces “papichas » (terme qui désigne les jeunes algéroises drôles, jolies et libérées) « just want to have fun », mais pas que… La caméra va rapidement suivre en particulier Nedjma, qui sort aussi la nuit pour vendre ses créations à d’autres papichas. Elle veut devenir styliste. La couture et le dessin sont sa passion, habiller le corps féminin par des formes et des couleurs qui le sublime, sa raison de vivre.

Le film commence donc dans la joie, les rires et l’insouciance d’une jeunesse pour qui tout semble possible. La suite sera beaucoup plus noire, mais en évitant cependant tout dolorisme, au profit de l’espoir indéfectible d’un avenir meilleur toujours possible. Car, à travers le parcours de Nedjma, il est question avant tout de résistance à l’oppression, de libre-arbitre, de droits individuels et de résilience face à la violence du fanatisme.

La réussite du film tient à son authenticité qui transpire des dialogues comme des situations, Mounia Meddour ayant elle-même grandit à Alger avant de devoir s’exiler avec sa famille. Et l’interprète de Nedjma, Lyna Khoudri, grande révélation du film, a, elle aussi, connue une histoire personnelle proche de la réalisatrice puisque son père, journaliste, a dû quitter l’Algérie dans les années 90 L’émotion du vécu est donc palpable dans Papicha. L’insécurité, la peur, la fragilité de la vie transpirent à travers les situations comme à travers le regard de cette jeune femme dont le monde merveilleux est en train de s’écrouler.

Cette vérité s’entend aussi dans les dialogues, dont la teneur va du comique au tragique, avec l’utilisation du « françarabe », ce dialecte typiquement algérois qui mêle avec délice et malice les expressions françaises et les interjections arabes. Cette impression se retrouve aussi dans les décors et les lieux de tournage puisque le film a été entièrement réalisé en Algérie. Il y a cette scène de drague dans la casbah qui rappelle Chronique des années de braise de Mohamed Lakhdar-Hamina, l’humour en plus, et les séquences de bord de mer qui ont le parfum enivrant des Noces à Tipaza d’Albert Camus, l’insouciance en moins.

Il est d’autant plus étrange de voir le film censuré en Algérie (la Première a été annulé sans raison il y a quelques semaines par le gouvernement algérien) -alors que le film ne dénonce rien si ce n’est la gangrène fondamentaliste- ne faisant que raviver la thèse de la collusion entre le pouvoir militaire et les intégristes armés. Le film, faute de sortie dans son pays d’origine, a failli ne pas pouvoir concourir aux Oscars pour le Meilleur film étranger, mais une dérogation exceptionnelle vient d’être délivré par la prestigieuse Académie qui ne s’y est pas trompée : Papicha est un film essentiel, à montrer d’urgence partout sur la planète.

Frédéric Ponsard

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