Australie : Google menace de suspendre son moteur de recherche

Archives : le logo de Google sur l'un des bâtiments du géant du web sur son quartier général à Montain view en Californie, le 24 septembre 2019
Archives : le logo de Google sur l'un des bâtiments du géant du web sur son quartier général à Montain view en Californie, le 24 septembre 2019 Tous droits réservés AP Photo/Jeff Chiu
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Par Vincent Coste avec AFP, AP
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Le gouvernement australien veut contraindre Facebook et Google à payer les médias du pays. Mais les géants du web ne l'entendent pas de cette oreille.

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C'est un "combat" qui est suivi de près dans de nombreux pays. Google a durci le ton en Australie en menaçant vendredi pour la première fois d'y bloquer son moteur de recherche si Canberra ne modifiait pas son projet visant à contraindre le géant californien à rémunérer les médias pour leurs contenus.

Le gouvernement australien travaille sur un "code de conduite contraignant" censé gouverner les relations entre des médias en grandes difficultés financières et les géants qui dominent le web, au premier rang desquels Google et Facebook, qui captent une part importante des revenus publicitaires.

Ce projet prévoit des pénalités pouvant aller jusqu'à 10 millions de dollars australiens, soit plus de six millions d'euros, en cas d'infraction et vise le "fil d'actualité" de Facebook et les recherches sur Google.

Mais la directrice générale de Google Australia, Mel Silva, a avancé vendredi lors d'une audition au Sénat australien que le "scénario du pire" serait que le projet de code passe tel quel, et ajouté que son groupe se verrait le cas échéant dans l'obligation de suspendre ses services de recherche en Australie.

"Si cette version du code devenait une loi, cela ne nous laisserait pas d'autre choix véritable que de suspendre Google Search en Australie", a déclaré Mme Silva.

Une menace à laquelle le Premier ministre australien Scott Morrison a sèchement répondu.

Kiyoshi Ota/Pool Photo via AP
Archives : Scott Morrison, le Premier ministre australien, le 17 novembre 2020 à Tokyo au JaponKiyoshi Ota/Pool Photo via AP

"C'est l'Australie qui fait les règles quant à ce qui peut être fait en Australie. C'est notre Parlement qui en décide", a-t-il déclaré.

"Les gens qui sont prêts à travailler dans ce cadre en Australie sont les bienvenus. Mais nous ne plions pas devant les menaces", a-t-il ajouté 

Google craint un "précédent intenable"

L'initiative australienne est suivie de près à travers le monde à un moment où les médias souffrent dans une économie numérique où les revenus publicitaires sont de plus en plus captés par Facebook, Google et d'autres grandes firmes de la tech.

La crise des médias a été aggravée par l'effondrement économique lié à la pandémie. En Australie, des dizaines de journaux ont été fermés et des centaines de journalistes licenciés.

Le projet de code prévoit que Google et Facebook rémunèrent les médias australiens, qu'il s'agisse du groupe public ABC ou des titres du groupe News Corp de Rupert Murdoch, pour la reprise de leurs contenus.

Canberra a décidé de ne cibler que Facebook et Google, mais pas d'autres plateformes très populaires comme Instagram ou YouTube.

Un des aspects les plus controversés est que Google et Facebook devraient entrer dans un arbitrage contraignant avec chaque média, faute d'accord amiable. L'arbitre trancherait entre la position des médias et des géants de la tech sur le montant de la rémunération.

"Cette disposition du code créerait un précédent intenable pour notre secteur et l'économie numérique", a déploré vendredi Mme Silva. "Ce n'est pas compatible avec la façon dont les moteurs de recherche ou l'Internet fonctionnent".

Mme Silva a assuré que Google souhaitait soutenir les médias, et suggéré des modifications au projet de code qui doit entrer en vigueur cette année.

"Il y a un chemin clair vers l'élaboration d'un code juste avec lequel on peut travailler, si on y apporte simplement de légers amendements", a-t-elle dit.

Google avait récemment avancé qu'il pourrait empêcher les contenus de sites de médias australiens d'apparaître dans les réponses sur son moteur de recherche. Il a même commencé à tester cette mesure auprès d'un petit nombre d'internautes.

Les "tests" de Google ont fait d'ailleurs réagir Reporters sans frontières. L'ONG a vivement dénoncé cette initiative, la considérant comme  "des expérimentations arbitraires et opaques".

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Facebook sur la même position que Google

Facebook a également rejeté le code dans sa forme actuelle en affirmant qu'il cesserait de publier les contenus de médias australiens s'il entrait en vigueur.

"La grande majorité des gens qui utilisent Facebook pourraient continuer à le faire, mais nous ne serions plus en mesure de fournir des news", a déclaré devant le Sénat australien Simon Milner, un haut responsable de Facebook.

Les Etats-Unis, encore sous l'administration Trump, avaient aussi exhorter Canberra à renoncer à un projet "fondamentalement déséquilibré" en faveur des médias.

L'Australie avait initialement proposé un "code de conduite volontaire", avant de durcir sa position en affirmant qu'un accord équitable ne pouvait être trouvé entre les médias et les géants de la tech, compte tenu de leurs poids respectifs.

L'Australie n'est pas le seul marché où Google est en conflit avec les médias. Mais à la différence d'autres pays qui prennent le problème sous l'angle du droit d'auteur, elle s'appuie sur les règles de la concurrence.

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Jeudi, le groupe californien a annoncé la conclusion d'un accord cadre qui ouvre la voie à la rémunération des quotidiens français au titre du "droit voisin", ce nouveau droit similaire au droit d'auteur instauré par une directive européenne il y a deux ans.

Cet accord a été signé entre le géant de Montain view et l'Alliance de la presse d'information générale (Apig), principale organisation professionnelle de la presse française, qui représente notamment les quotidiens nationaux et régionaux.

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