Frances Haugen, ingénieure qui a quitté Facebook
Frances Haugen, ingénieure qui a quitté Facebook Tous droits réservés Jabin Botsford/The Washington Post
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Facebook : le témoignage accablant d'une lanceuse d'alerte

Par Christophe GarachAvec AFP
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Facebook : au lendemain de la panne gigantesque du réseau social et de ses filiales (Instagram, WhatsApp, Messenger), une lanceuse d'alerte a dénoncé mardi les méthodes du groupe devant un panel de parlementaires américains

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Frances Haugen, ancienne cheffe de produit chez Facebook, a témoigné à charge ce mardi contre son ex-employeur lors d'une audition au sénat américain. Les parlementaires ont promis de sévir.

Un tunnel cauchemardesque pour Facebook. Au lendemain de la panne gigantesque qui paralysé la galaxie Facebook – et qui a coûté plus de 6 milliards de dollars à son patron Mark Zuckerberg – une ancienne ancienne cheffe de produit de Facebook est venue révéler ce mardi au grand jour les pratiques de son ancien employeur devant un panel de sénateurs américains.

Devenue lanceuse d'alerte, Frances Haugen, 37 ans, a détaillé durant plus de deux heures, quelques-unes des pratiques du géant de Menlo Park (Californie) pour attirer notamment les jeunes utilisateurs et augmenter sans cesse leur consommation de ses plateformes, Instagram en particulier.

Voici ce qu'elle a déclaré au début de sa déposition : "J'ai rejoint Facebook parce que je pensais que Facebook a le potentiel de faire ressortir le meilleur de nous-mêmes. Mais je suis ici aujourd'hui parce que je crois que les produits de Facebook nuisent aux enfants, attisent les divisions et affaiblissent notre démocratie. Les dirigeants de l'entreprise savent comment rendre Facebook et Instagram plus sûrs, mais ils ne feront pas les changements nécessaires parce qu'ils ont fait passer leurs profits astronomiques avant les gens."

Pour étayer ses allégations, Frances Haugen s'est appuyée sur les deux ans qu'elle a passés au sein de l'entreprise et sur des milliers de documents qu'elle a emportés avec elle avant de démissionner au printemps dernier.

Déjà présentés, pour partie, par le Wall Street Journal mi-septembre, ces documents montrent que les chercheurs de Facebook ont mis en évidence le fait qu'une partie des adolescentes utilisatrices d'Instagram sont encore moins à l'aise avec leur corps qu'elles ne l'étaient auparavant.

"Nous avons encore le temps d'agir. Mais il faut le faire maintenant", a exhorté l'ingénieure. "Facebook ne devrait pas être laissé libre de choisir la croissance, la viralité (...) aux dépens de la sûreté du public. (...) Ils financent leurs profits avec notre sûreté."

Ils financent leurs profits avec notre sûreté.
Frances Haugen
Ancienne cheffe de produit chez Facebook

Face à ce témoignage, les parlementaires présents, ont réagi.

"L'époque durant laquelle vous avez envahi notre vie privée, promu des contenus toxiques et utilisé des enfants et des adolescents est révolue. Le Congrès va agir", a lancé le sénateur démocrate Ed Markey lors de l'audition.

Richard Blumenthal, président de la sous-commission du commerce du Sénat a déclaré pour sa part : "Ce sont nos enfants qui sont les victimes. Les adolescents d'aujourd'hui qui se regardent dans le miroir ressentent le doute et l'insécurité. Mark Zuckerberg devrait se regarder dans le miroir aujourd'hui. Et pourtant, plutôt que d'assumer ses responsabilités et de faire preuve de leadership, M. Zuckerberg prend le large."

Le co-fondateur et PDG de Facebook n'est pas intervenu depuis le début du scandale déclenché par Frances Haugen. Plusieurs sénateurs l'ont pourtant publiquement invité à venir répondre à leurs questions.

Si Mark Zuckerberg est resté silencieux, un porte-parole de Facebook a réagi, sur Twitter, pour décrédibiliser la parole de Frances Haugen et déclarer qu'elle n'avait "pas travaillé sur la protection des enfants (chez Facebook) ou sur Instagram (...) et n'a pas de connaissance directe de ces sujets provenant de son travail chez Facebook".

"Si nous étions une société qui ne se préoccupe pas de sûreté, qui donne la priorité aux bénéfices, nous ne ferions pas ce genre de recherches", avait déjà souligné lundi Monika Bickert, vice-présidente de Facebook, au sujet des études internes montrant notamment que la santé mentale de certaines jeunes filles est affectée par Instagram.

Frances Haugen a également affirmé que Facebook avait supprimé, après la dernière élection présidentielle américaine, des filtres contre la désinformation pour favoriser une augmentation de la fréquentation de ses plateformes, qui ont ensuite été utilisées par des internautes pour préparer le rassemblement du 6 janvier à Washington, qui a mené à l'intrusion au Capitole.

"J'ai pris l'initiative (de témoigner) parce que j'ai réalisé une vérité effrayante : presque personne en dehors de Facebook ne connaît ce qui se passe à l'intérieur de Facebook. La direction de la compagnie cache des informations vitales au public, au gouvernement américain, à ses actionnaires et aux gouvernements du monde entier."

Pour la lanceuse d'alerte, il faut imposer à Facebook davantage de transparence et de partage d'information, avec l'aide d'un nouveau régulateur dédié aux géants d'internet, à même d'appréhender la complexité de ces plateformes.

"Il est temps de créer une agence de protection des données et de forcer (les géants de la tech) à rendre des comptes", a tweeté de son côté la sénatrice Kirsten Gillibrand.

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