Cyberharcèlement : une réglementation souvent insuffisante pour protéger les victimes

Une affiche anti-harcèlement dans un établissement scolaire près de Paris.
Une affiche anti-harcèlement dans un établissement scolaire près de Paris. Tous droits réservés EMMANUEL DUNAND/AFP
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Par Heloise Urvoy
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Le harcèlement en milieu scolaire ne date pas d’hier. Mais aujourd’hui, avec l’usage des réseaux sociaux et smartphones, ce qui s’arrêtait auparavant aux portes de l’école suit désormais de nombreux jeunes jusque chez eux.

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De tragiques exemples d’adolescents victimes de harcèlement font régulièrement l’actualité. En mai 2023 en France, Lindsay, 13 ans, s’est donné la mort après de longs mois de violences physiques et psychologiques, a l’école comme en ligne.

Il y a quelques années, c’est aussi ce qui est arrivé à la jeune Irlandaise Nicole Fox âgée de 21 ans.

Jackie Fox, sa mère, fait depuis campagne pour que le cyberharcèlement devienne juridiquement répréhensible.

Nommée en hommage à sa fille, la "Loi Coco" a été adoptée en 2021 en Irlande. Après l’avoir portée jusqu’à Strasbourg plus tôt cette année, Jackie Fox se dit confiante quant à l’adoption de la loi à l’ensemble de l’Union européenne.

Pas de réglementation à l’échelle européenne

Il n'existe pour l'instant aucune loi propre a l'UE, seulement des directives européennes. Celles-ci n'ont pas de valeur contraignante, et les traduire juridiquement demeure à la discrétion des pays membres. 

En l'absence de législation irlandaise jusqu'à son suicide en 2018, Jackie Fox explique que sa fille se sentait impuissante face à ses harceleurs, car les autorités ne pouvaient les poursuivre pour les violences dont elle était victime en ligne.

"Coco, c’était son nom de petite fille, son surnom", explique Jackie Fox. "J’espère que la loi "Coco" va sauver des vies, en Irlande et en Europe. Mais elle va aussi permettre aux victimes, qui peut-être s’enferment sur elles-mêmes, voire se font du mal, d’obtenir de l’aide, car elles n’avaient jusqu’ici aucune ressource pour les épauler."

Tous les pays ne sont pas démunis de législation en la matière. En France par exemple, le harcèlement en ligne est défini et punit par la loi depuis 2014.

Cela engage la responsabilité des plateformes, qui se doivent de réagir lorsque des éléments relevant du harcèlement sont portés à leur connaissance. Cependant, la loi ne les contraint pas à agir avant qu’un post soit publié.

Réagir seulement une fois que le mal est fait

Les réglementations existantes dans les pays européens qui s’en sont dotés présupposent que le harcèlement en ligne soit déjà en cours pour poursuivre les harceleurs en justice, ou demander aux réseaux sociaux de supprimer des contenus.

Après la mort de Lindsay, l’adolescente française de 13 ans, des pages et commentaires haineux à son encontre ont pu être publiés et partagés. Sur Instagram, un profil au nom sans appel a été créé après son suicide : lindsay_est_enfin_morte. Il a été désactivé depuis.

La famille de Lindsay a porté plainte contre Facebook et Instagram, pointant du doigt l’aspect défaillant de leur modération des contenus haineux, avant comme après le suicide de leur fille.

Contacté, Meta, propriétaire des deux réseaux sociaux, n’a pas donné suite a nos demandes d’interview. Dans un communiqué écrit, Meta présente ses condoléances à la famille, et précise continuer à prendre des mesures contre les contenus et les comptes qui enfreignent leurs règles lorsqu'ils en ont connaissance.

Dans le milieu associatif, on s’interroge : le harcèlement doit-il être déjà à un stade avancé pour réagir ? Pour Justine Atlan, directrice de l’association e-enfance, les réseaux sociaux ont les moyens d’agir avant que d’autres internautes ne leur signalent une publication problématique. 

Pression sur les réseaux sociaux

Le principe même de l’algorithme est en effet de cibler et proposer des contenus selon les préférences des utilisateurs, notamment à des fins commerciales : "à partir du moment ou ils assument d’intervenir dans ce cadre-là, on pourrait s’attendre a ce que leur régime de responsabilité soit un peu plus important, pour les enjoindre à cibler un certain nombre de contenus dont on estime qu’ils sont dangereux", argumente Justine Atlan.

Certaines technologies déjà en place permettent de cibler un contenu déjà signalé par des internautes et supprimé une première fois par la plateforme : "nous utilisons des technologies préventives de reconnaissance d’images. Si quelqu’un tente de partager l’image après qu’elle a été signalée et supprimée, nous l’informerons que cette action enfreint nos politiques. Nous empêcherons également la nouvelle tentative de partage et pourrons désactiver le compte", met en avant Meta sur sa plateforme dédiée a la prévention du harcèlement. 

En France, une plateforme dédiée vient en aide aux mineurs victimes de cyberharcèlement : le 3018. Le numéro est joignable 7j/7 de 9h a 23h, et peut également être contacté par Messenger, son application mobile ou par email. Une équipe dédiée, composée de psychologues, juristes et spécialistes des outils numériques conseille et intervient notamment auprès des réseaux sociaux pour faire supprimer un contenu en quelques heures.

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