Pacte enseignant : le dispositif ne séduit pas les professeurs

Gabriel Attal, ministre de l'Éducation nationale en visite dans une école pour la rentrée à Saint-Germain-sur-Ille, dans le nord-ouest de la France, le 4 septembre 2023.
Gabriel Attal, ministre de l'Éducation nationale en visite dans une école pour la rentrée à Saint-Germain-sur-Ille, dans le nord-ouest de la France, le 4 septembre 2023. Tous droits réservés JULIEN DE ROSA / AFP
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Par Gael Camba
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La rentrée signe la mise en place du "pacte enseignant", nouveau dispositif permettant aux professeurs d'effectuer des missions mieux rémunérées. Les syndicats dénoncent le dispositif et demandent des revalorisations de salaires sans contrepartie.

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C'est la rentrée cette semaine pour douze millions d'élèves en France et l'exécutif propose un "pacte enseignant" aux professeurs des écoles, collèges et lycées.

Ce pacte vise à mieux rémunérer les enseignants notamment par des missions supplémentaires. Une proposition qui est vue comme une injonction à "travailler plus pour gagner plus", ce qui ne semble pas convaincre les professeurs.

"Cela reconnaîtrait qu’on a du temps, ce n’est pas le cas", regrette Janette Barrier, professeure des écoles interrogée par Euronews. "Nous sommes déjà chargés et les revalorisations ne sont pas à la hauteur. Sinon il n'y aurait pas de crise du recrutement."

Basées sur le volontariat, les enseignants du premier et du second degré pourront effectuer des missions qui seront rémunérées le double d'une heure supplémentaire standard. Au minimum, cela représente 18 heures de plus par an rémunérées 1 250 euros brut.

"Aucun pacte n'a été signé ici !"

"Faire 18 heures de plus met une pression sur les enseignants", indique Bachir Touati Tliba, principal du collège du Tonkin à Villeurbanne près de Lyon.

Entre les cours, leur préparation, l'accompagnement avec les parents et quelquefois des missions de professeur principal, les professeurs ont souvent un emploi du temps chargé où il est impossible d'intégrer des heures en plus.

"Aucun pacte n'a été signé ici !", explique le principal interrogé par Euronews. Les enseignants du collège ont refusé de le signer par principe, ou manque de temps, car ils ne considèrent pas cela comme une revalorisation.

Gaël Camba / Euronews
Bachir Touati Tliba, principal au collège du Tonkin à Villeurbanne. Aucun pacte n'a été signé dans son établissement de 420 élèves.Gaël Camba / Euronews

"Certains vont le faire par nécessité pour boucler leurs fins de mois [...] mais tout le monde n’a pas la possibilité de prendre des heures supplémentaires, c’est discriminant", déplore Janette Barrier, membre du syndicat Sgen-CFDT (Syndicat général de l'Éducation nationale).

"Le ministère a choisi ce projet pour mieux maîtriser le système [...] mais cela crée de la rigidité dans le fonctionnement," explique Bachir Touati Tliba.

Car un remplacement pouvait déjà s'opérer : "Cela s'organisait déjà plus ou moins, mais là le système n'est pas abouti", regrette Janette Barrier. Pour Bachir Touati Tliba, "il__y a eu de la précipitation" .

"Plus d'inquiétude que d'enthousiasme"

"Ça n'a pas été pensé pour les lycées généraux et technologiques", indique François Tessier, professeur d'histoire-géographie et président du SNALC (Syndicat national des lycées et collèges) à l'Académie Orléans-Tours.

"Très peu de missions sont faisables en lycée, ce dispositif a été conçu pour le collège et le lycée professionnel puis généralisé", explique l'enseignant à Euronews.

Il regrette l'inefficacité du système et pointe la dégradation du dispositif "devoirs faits" jusqu'alors performant et qui serait maintenant "dénaturé" selon lui.

"Simplement mettre un adulte devant des élèves, cela ne veut pas dire qu’il y aura un meilleur enseignement."
Janette Barrier
Professeure des écoles et membre du syndicat Sgen-CFDT

"C'est une sorte d'usine à gaz qui a été conçu, des professeurs d'écoles primaires viendront faire cours à des élèves en sixième qu'ils ne connaissent pas", explique François Tessier.

"Les professeurs des écoles ne pourront pas faire du soutien aux sixièmes, ils ont déjà assez d'heures et les déplacements entre les écoles ne sont pas payés", tranche Janette Barrier.

"Simplement mettre un adulte devant des élèves, cela ne veut pas dire qu’il y aura un meilleur enseignement."

Revalorisation des salaires

Cette rentrée apporte également une revalorisation des salaires pour les enseignants titulaires du primaire et du secondaire. 853 700 professeurs verront leurs salaires augmentés de 125 à 250 euros net par mois.

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Cela fait suite à l'annonce d'Emmanuel Macron promettant qu'aucun professeur titulaire ne sera payé moins de 2000 euros net par mois.

"Vu la masse des enseignants, ça représente une somme considérable, mais cela ne comble pas le décrochage salarial que subit le monde enseignant depuis des décennies", regrette François Tessier.

"Cela va s’appliquer pour les rares entrants, toutes les tranches intermédiaires [titulaires depuis 20 à 30 ans] sont oubliées", explique Janette Barrier.

Un projet "politique", de la "communication"

"Il y a une volonté politique plus qu'une volonté éducative ou pédagogique dans ce projet", regrette Bachir Touati Tliba.

 "Il y a beaucoup trop de communication, il manque un projet de société !", s'indigne Janette Barrier.

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Côté communication, le gouvernement semble plutôt s'adresser aux parents d'élèves qu'aux professeurs et chefs d'établissements. "Depuis 6 à 7 ans, on apprend tout dans les médias, notre hiérarchie a été informée après tout le monde", déplore François Tessier ; "BFM est informé avant nous", insiste Bachir Touati Tliba.

Le projet est en place, le nombre de pactes signés indiquera bientôt à l'exécutif si le dispositif est un succès. Le ministère espérait recueillir 30 % d’adhérents, Gabriel Attal, plus prudent, se garde de tout pronostic.

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