Malgré des effets persistants, l'inflation continue de se réduire dans l'UE

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Par Fanny Gauret
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Alors que l'inflation se fait moins forte dans l'UE, quelles sont les perspectives économiques pour les mois qui viennent et comment les consommateurs et entreprises voient-ils les choses ? Reportage en Belgique et interview de Paolo Gentiloni, commissaire européen à l'Économie.

Les Européens ont été submergés par les effets de l'inflation au cours des douze derniers mois. Même si les nuages se dissipent et que l'inflation est passée sous la barre des 3%, la croissance semble obstinément faible.

D'après les dernières prévisions économiques publiées par la Commission européenne, les perspectives économiques européennes pour 2024 et 2025 sont mitigées. Le côté positif, c'est que l'inflation dans la zone euro poursuit sa tendance à la baisse. En octobre 2023, d'après les estimations, elle est tombée à 2,9%, après avoir atteint un pic de 10,6% un an plus tôt.

Pour autant, la croissance dans l'ensemble de l'UE a récemment ralenti. Elle devrait être de 0,6% en 2023, mais atteindre 1,3% l'an prochain. Le marché du travail reste solide et de manière générale, les salaires ont augmenté.

À l'avenir, les conflits et le changement climatique pourraient peser sur l'économie. De plus, on peut s'interroger sur la manière dont les pays de l'Union européenne s'adapteront à la fin prochaine des plans de relance nationaux.

Les entreprises et les consommateurs ressentent-ils une baisse au niveau des prix ? Comment évoluera la croissance économique au cours des prochains mois ? Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus en Belgique où l'inflation annuelle est l'une des plus faible de la zone euro.

Contrairement à l'énergie et au transport, les prix des aliments continuent d'augmenter

Sur un marché de Bruxelles, une passante âgée nous interpelle sur les prix élevés des fruits et légumes. Le client d'un étal renchérit : "Moi, je trouve que les commerçants, actuellement, font un effort assez important pour pouvoir maintenir les prix en fonction de la situation internationale." Une autre ajoute : "Je n'y crois pas mal à la baisse des prix."

Les prix de l'énergie, du transport et de certaines matières premières se sont stabilisés au cours des derniers mois. Pourtant, ni ces clients, ni Yacin Malkoc, gérant d'une épicerie belge, n'observent une baisse des prix des aliments.

"Dans les fruits et légumes, surtout dans les produits phares comme dans les bananes, les champignons et les tomates et la majorité des produits, il y a une augmentation de plus ou moins 30%," estime-t-il. "Dans le passé, les fruits et légumes étaient pour tous les portefeuilles, aujourd'hui, on constate une baisse de clientèle énorme par rapport aux prix qui ont augmenté," affirme-t-il.

Yacin Malkoc (à gauche), gérant d'une épicerie belge, aux côtés d'un client
Yacin Malkoc (à gauche), gérant d'une épicerie belge, aux côtés d'un clientEuronews

En effet, en Europe, les prix des aliments ont poursuivi leur hausse en 2023. Par exemple, en deux ans, on enregistre une hausse de 37% pour les œufs, 53% pour les pommes de terre et 75% pour l'huile d'olive. Malgré tout, au cours des derniers mois, ces prix ont augmenté moins rapidement.

"Un certain degré d'optimisme modéré pour 2024" selon Paolo Gentiloni

Alors que les mesures anti-inflation des pays d'Europe arrivent à leur terme, nous demandons au commissaire européen en charge de l'Économie Paolo Gentiloni si les prix vont se stabiliser selon lui.

"Selon nos estimations, l'augmentation des salaires rattrapera l'inflation et bien sûr, cela contribuera au pouvoir d'achat," déclare Paolo Gentiloni. "Cela augmentera la consommation et cette hausse, c'est la base d'un redémarrage de la croissance : il y a donc un certain degré d'optimisme modéré concernant 2024," fait-il remarquer.

Quant l'évolution future de l'inflation, voici son point de vue : "Cela dépend en grande partie de l'évolution des prix de l'énergie, mais pour l'instant, l'inflation va continuer de baisser, mais sur un rythme plus lent. Et je pense que cela représente une très bonne possibilité de relancer la croissance, ce qui est absolument nécessaire pour notre économie," souligne-t-il.

Selon le commissaire européen Paolo Gentiloni, "l'augmentation des salaires rattrapera l'inflation"
Selon le commissaire européen Paolo Gentiloni, "l'augmentation des salaires rattrapera l'inflation"Euronews

Du fait des coûts de l'énergie, "produire en Europe est de plus en plus cher" selon un industriel

Le coût, mais aussi l'approvisionnement en énergie reste un souci majeur pour les grandes entreprises industrielles.

Etex, une multinationale basée en Belgique, a besoin de beaucoup d'énergie pour fabriquer ses produits de construction. L'inflation des coûts de l'énergie pousse à la recherche d'efficacité au sein de cette entreprise. "Tout ce qui touche à la réduction de la consommation est évidemment essentiel," indique Bernard Delvaux, PDG d'Etex. "Nous avons des plans dans nos 160 usines pour réduire la consommation intrinsèque, avec des investissements pour des technologies plus efficaces," précise-t-il.

Bernard Delvaux, PDG d'Etex, cherche à réduire la consommation d'énergie des 160 usines de son entreprise
Bernard Delvaux, PDG d'Etex, cherche à réduire la consommation d'énergie des 160 usines de son entrepriseEuronews

Dans la zone euro, l'inflation annuelle a fortement diminué pour l'énergie, passant de 41,5% fin 2022 à -11,2% fin 2023. Pourtant, Etex a vu ses coûts augmenter et la demande dans la construction diminuer, à cause de la hausse des taux d'intérêt. Ces effets sur la compétitivité européenne préoccupent Bernard Delvaux.

"L'énergie coûte deux ou trois fois plus cher qu'il y a deux ans, beaucoup plus cher qu'aux États-Unis, en Chine ou au Maghreb, donc pourquoi ne pas produire dans ces pays-là ?" lance-t-il. "Les salaires sont évidemment, grâce à l'inflation ou à cause de l'inflation [ndlr : du fait de l'indexation des salaires sur l'inflation en Belgique], plus élevés qu'avant," fait-il remarquer avant de conclure : "Ce que nous voyons, c'est que produire en Europe est de plus en plus cher."

"Le spectre assez grave d'une possible stagflation"

Si le prix de l'énergie est en baisse, peut-on s'attendre à des prix plus compétitifs dans un futur proche ? Adel El Gammal, professeur en géopolitique de l'énergie, nous livre son point de vue. "Les prix de l'énergie dépendent d'une combinaison de facteurs qui tous sont très incertains : on s'approvisionne encore en Europe par le biais de pipelines et de gaz naturel liquéfié en provenance de Russie et donc, une rupture totale pourrait effectivement remettre les marchés sous tension," explique-t-il.

"Puis, il y a évidemment la crise au Moyen-Orient : on imagine très facilement qu'une extension du conflit - comme une plus grande intégration de l'Iran ou de l'Arabie Saoudite - pourrait évidemment perturber complètement la donne," renchérit-il.

Selon Adel El Gammal, professeur en géopolitique de l'énergie, la situation reste délicate concernant l'inflation
Selon Adel El Gammal, professeur en géopolitique de l'énergie, la situation reste délicate concernant l'inflationEuronews

En attendant, Adel El Gammal rappelle également que selon le FMI, près de la moitié de l'inflation de ces deux dernières années est due à une hausse des marges de grandes entreprises, profitant de l'augmentation des prix. Aujourd'hui, il s'attend à un réajustement. Et même si l'inflation a baissé, la situation reste délicate.

"On a peine quand même à revenir à une inflation à 2%, c'est un exercice d'équilibrisme pour, à la fois, essayer de maintenir l'inflation à des taux acceptables sans entrer en récession," affirme le spécialiste. "On voit évidemment qu'ici, le spectre assez grave d'une possible stagflation, c'est-à-dire une faible croissance économique ou une décroissance économique avec un haut niveau d'inflation, est un risque qu'on va malheureusement devoir affronter dans les semestres qui viennent," prévient-il.

Vers "un léger rebond de la croissance économique" l'an prochain

Faut-il s'attendre à une poursuite du ralentissement de la croissance économique l'année prochaine ? Le commissaire Paolo Gentiloni rappelle de son côté qu'elle devrait être proche de zéro à la fin de cette année avant d'évoquer pour l'an prochain, "un léger rebond reposant principalement sur le redémarrage de la consommation des ménages, mais aussi sur une légère amélioration de la situation du commerce international".

"Si cela se confirme dans les faits, nous aurons été capables d'éviter la récession et d'avoir ce que nous appelons un atterrissage en douceur malgré le resserrement de la politique monétaire : en soi, ce serait formidable," souligne-t-il.

Si l'Europe parvient à mitiger l'impact de la crise des prix dans les prochains mois, la patience sera de mise pour que les Européens puissent reprendre leur souffle, dans l'espoir que les conflits géopolitiques actuels trouvent une issue rapidement.

Journaliste • Fanny Gauret

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