Manque d’ambition et décevant, les eurodéputés critiquent le projet d'organisme d'éthique de l'UE

Le Parlement européen, Strasbourg
Le Parlement européen, Strasbourg Tous droits réservés Patrick Seeger/AP
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Par Mared Gwyn Jones
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Cet article a été initialement publié en anglais

Le projet de la Commission européenne visant à établir un organe interinstitutionnel d'éthique est peu ambitieux et insatisfaisant, selon les eurodéputés.

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A travers l’adoption, mercredi à Strasbourg, d’une résolution, les eurodéputés demandent plus d’ambition. Ils souhaitent donner des pouvoirs d'enquête et de sanction à l’organisme d'éthique, une plus grande protection pour les lanceurs d’alerte et des règles de transparence plus strictes pour les ONG.

Le Parlement européen juge le texte de la Commission européenne "insatisfaisant et pas assez ambitieux, en deçà d'un véritable organisme d'éthique indépendant".

Cette proposition de la Commission s’inscrit dans le sillage du scandale au Parlement dans le but d'éradiquer la corruption et de remédier à la réputation ternie des institutions de l'UE.

Les eurodéputés centristes et de gauche sont très critiques. Ils évoquent un tigre de papier.

"Cet organe doit avoir des pouvoirs d'investigation et être indépendant. Nous ne pouvons pas expliquer aux citoyens que nous mettons en place un organisme sans dents, encore moins après le scandale du Qatargate", insiste Stéphane Séjourné, chef du groupe centriste Renew Europe au Parlement européen.

Un texte édulcoré ?

La proposition de création d'un organisme d'éthique, dévoilée en juin par la vice-présidente de la Commission Vera Jourová, établit des normes éthiques contraignantes pour les responsables politiques travaillant dans les institutions de l'UE, y compris des règles concernant l'acceptation de cadeaux, les voyages payés par des pays tiers, les emplois secondaires et une période de réflexion après la fin du mandat.

Des députés européens font actuellement l'objet d'une enquête pour avoir prétendument reçu des centaines de milliers d'euros de la part de fonctionnaires qataris et marocains dans le but d’influencer les décisions du Parlement européen. Le scandale a révélé des failles dans les règles internes des institutions de l'UE.

Les élus dénoncent également la lenteur de la Commission à présenter ses plans, que le Parlement avait déjà demandé en 2021.

Le Parti populaire européen (PPE), le plus grand groupe politique de l’hémicycle, s'est retiré de la résolution. Le groupe se dit satisfait de la proposition actuelle de la Commission. Son chef de file Manfred Weber demande simplement que l'organe soit renommé Comité de normalisation des fonctions publiques.

La formation a aussi mis en garde contre "une chambre disciplinaire de style polonais pour les députés européens" qui enquêterait et punirait les responsables politiques.

Ce retrait des chrétiens-démocrates a été critiqué par d'autres groupes politiques mercredi.

"Au cours des négociations, le groupe PPE a constamment essayé de diluer l'ambition de la position du Parlement sur l'organe d'éthique de l'UE pour finalement ne pas signer la résolution", décrit Gaby Bischoff (S&D).

"C'est un classique du PPE : aboyer et ne pas mordre. Il prétend vouloir des normes éthiques élevées dans l'UE, mais ne fait rien pour y parvenir", ajoute-t-elle.

Des sacs d'argent sous les lits

La résolution fustige le projet de la Commission de ne nommer que cinq experts indépendants en éthique en tant qu'observateurs au sein de l'organe, alors que les membres à part entière seraient des représentants des neuf institutions de l'UE. Les critiques estiment que cela nuirait à la crédibilité et à l'ambition de l'organisme.

Les observateurs soulignent d'autres lacunes. Beaucoup pensent qu'il est trop facile pour des acteurs étrangers de recruter d'anciens eurodéputés, et que les règles n'abordent pas la question de la vie professionnelle après le mandat, où d'anciens politiciens sont embauchés par des entreprises privées ou des groupes de pression.

"Nous avons vu des commissaires passer directement des bureaux du Berlaymont à des postes dans des multinationales et nous avons vu des députés européens essayer de cacher des sacs d'argent sous leur lit. Il est clair que nous avons besoin d'un organe éthique fort et indépendant pour contrôler ces questions", insiste Daniel Freund (les Verts).

Eva Kaili, principale suspecte dans le scandale de corruption du Parlement européen, est retournée cette semaine dans l’hémicycle à l’occasion de la session plénière à Strasbourg.

Marc Tarabella, qui fait également l'objet d'accusations de corruption, de participation à une organisation criminelle et de blanchiment d'argent, était aussi présent.

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Les députés voteront jeudi sur les recommandations finales pour la réforme des règles du Parlement européen en matière de transparence, d'intégrité, de responsabilité et de lutte contre la corruption, avant d'entamer les négociations avec les États membres.

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