L'UE risque d'enfreindre les règles en matière d'aide en utilisant des fonds pour freiner l'immigration africaine - Oxfam

Plus d'une activité de migration sur trois identifiée au Niger, en Libye et en Tunisie, financée par l'aide de l'UE, risque d'enfreindre les règles internationales en matière d'aide, selon Oxfam.
Plus d'une activité de migration sur trois identifiée au Niger, en Libye et en Tunisie, financée par l'aide de l'UE, risque d'enfreindre les règles internationales en matière d'aide, selon Oxfam. Tous droits réservés Yousef Murad/Copyright 2021 The AP. All rights reserved.
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Par Mared Gwyn Jones
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Cet article a été initialement publié en anglais

Selon un nouveau rapport d'Oxfam, l'Union européenne pourrait enfreindre les règles internationales en utilisant l'aide destinée à promouvoir le développement en Afrique pour endiguer l'immigration vers l'Europe.

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Le rapport publié jeudi révèle que six des 16 actions migratoires financées par l'UE au Niger, en Libye et en Tunisie, d'une valeur totale de 667 millions d'euros, sont susceptibles d'enfreindre les règles définies par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Les conclusions d'Oxfam suggèrent que l'UE détourne de plus en plus son aide au développement pour poursuivre une stratégie de dissuasion de l'immigration. Selon l’ONG, elle porte ainsi atteinte aux droits de l'homme et au bien-être.

L'UE alloue 10 % de son programme d'aide internationale de 79,5 milliards d'euros à des activités liées à la migration. Au moins 93 % des fonds doivent promouvoir le développement et le bien-être dans les pays en développement, conformément aux critères de l'OCDE.

Or, le rapport d'Oxfam souligne qu'un tiers des actions migratoires financées par l'UE dans trois pays africains violent ces règles.

"L'aide de l'UE sert à soutenir les garde-côtes malgré leur bilan extrêmement médiocre en matière de droits de l'homme", précise à Euronews Stephanie Pope, experte d'Oxfam sur la migration dans l'UE.

"En Libye, il y a seulement quelques mois, les garde-côtes ont tiré des coups de feu sur des navires de sauvetage qui tentaient d'aider des personnes en détresse en mer. Les garde-côtes tunisiens auraient volé les moteurs des bateaux de migrants et refuseraient d'aider les personnes en détresse en mer, contrairement à leurs obligations internationales“, ajoute-t-elle.

Selon l'OCDE, toute action qui "néglige les droits des personnes déplacées de force et des migrants" n'est pas considérée comme une aide.

En réponse, une porte-parole de la Commission européenne réfute l'affirmation selon laquelle l'argent destiné à la lutte contre la pauvreté est détourné pour lutter contre l'immigration.

"La plupart de nos actions contribuent en fait à s'attaquer aux causes profondes de la migration", a déclaré jeudi la porte-parole.

Sur les huit activités migratoires analysées par Oxfam au Niger, un pays souvent utilisé comme corridor par les passeurs entre l'Afrique subsaharienne et le Maghreb, une seule s'est avérée soutenir une migration sûre et légale.

En Libye, aucun des projets de migration analysés ne favorise des voies d'accès sûres et régulières, selon Oxfam.

Un financement "complexe" à retracer

L'ONG affirme également qu'il est de plus en plus complexe de suivre les multiples mécanismes financiers de l'UE pour endiguer les flux migratoires de l'Afrique vers l'Europe, y compris dans le cadre de l'accord controversé sur les migrations conclu récemment avec la Tunisie.

Le document, signé en juillet entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Kaïs Saïed, président de la Tunisie, a été critiqué pour sa base juridique douteuse et son manque de contrôle démocratique.

Le Parlement européen reproche à cet accord de ne pas reconnaître les preuves de plus en plus nombreuses de violations des droits fondamentaux des migrants subsahariens par les autorités tunisiennes.

Le rapport appelle le Parlement à demander des comptes à la Commission sur ses actions en matière de migration, avertissant que la préoccupation croissante de l'UE pour les flux migratoires éclipse l'aide cruciale au développement en Afrique.

Oxfam affirme également que l'UE rate des occasions d'ouvrir des routes migratoires sûres et d'exploiter les avantages de la migration pour le développement.

"Si l'UE réoriente de plus en plus ces fonds de développement déjà très rares vers ses propres intérêts malavisés en matière de migration, le risque est qu'il y ait encore moins d'argent disponible pour apporter à ces pays le soutien dont ils ont urgemment besoin aujourd'hui", regrette Stephanie Pope.

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