Covid-19 : la dépression, une maladie grave exacerbée par la pandémie

Nathan, un étudiant de 22 ans au sein de l'hôpital psychiatrique de Rouvray
Nathan, un étudiant de 22 ans au sein de l'hôpital psychiatrique de Rouvray Tous droits réservés Thibault Camus/Copyright 2020 The Associated Press. All rights reserved
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Par Oceane DuboustMaría Miret García
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La pandémie et les mesures sanitaires ont augmenté le nombre de diagnostics de dépressions et de troubles anxieux. Ce sont les femmes et les plus jeunes qui ont principalement été touchés par cette hausse.

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"La dépression est la chose la plus horrible qui me soit arrivée", ce sont les mots de Almudena Sánchez, autrice de Fármaco (médicament en français, ndlr). Dans son livre, elle relate son expérience avec la maladie qui a duré trois ans. Depuis, l'écrivaine et journaliste consacre son temps à essayer de redonner de la dignité aux personnes souffrant d'une maladie qui "peut toucher n'importe qui", déterminée à ce que "la santé mentale soit bien racontée".

Almudena estime que "il a fallu une pandémie pour que nous commencions à en parler, car la santé mentale a été jusqu'à présent très taboue". "Les maladies mentales doivent être nommées pour ce qu'elles sont, une maladie, sans stigmatisation", dit-elle.

Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, près d'une personne sur cinq a souffert ou souffrira d'une dépression au cours de sa vie en France. Il s'agit d'une maladie grave qui nécessite un diagnostic précoce, des médicaments à action rapide et la capacité d'accompagner et de guérir les personnes malades. C'est aussi l'un des problèmes de santé mentale dont on parle le plus sur les réseaux sociaux depuis le début de la pandémie.

Olivier Véran, ministre français de la Santé ouvre le Sommet mondial sur la santé mentale en 2021 à Paris

La dépression majeure a augmenté de 28 % en raison de la pandémie, selon des données publiées dans la revue scientifique The Lancet. La même étude prévoit également une augmentation de 25 % des cas de troubles anxieux. Les auteurs de l'article attribuent cette augmentation au nombre d'infections quotidiennes par le SRAS-CoV-2, ainsi qu'à la réduction de la mobilité des personnes.

La pandémie : un facteur de risque pour la santé mentale

La pandémie est un facteur de risque en soi pour tous les problèmes émotionnels, selon le Dr Lorenzo Armenteros, médecin généraliste et membre d'un groupe de travail sur la santé mentale espagnole. "Tout ce que nous avons normalisé avec la pandémie a un impact sur la santé : les masques, les restrictions de contacts…"

La moitié de la population générale présente des symptômes de stress, d'anxiété, de dépression et de troubles du sommeil. Une perturbation qui constitue un facteur de risque de dépression et d'anxiété. "La pandémie a contribué à la multiplication des troubles du sommeil" en Espagne, le pays où les enfants dorment le moins au monde.

Les confinements successifs ont également eu un impact sur la santé mentale. "Plus la restriction est importante et plus elle dure longtemps, plus l'impact sur les symptômes de dépression et d'anxiété est important", explique le Dr Eduard Vieta, directeur scientifique du Centre de recherche biomédicale en réseau de santé mentale (CIBERSAM). Pour ce professeur de psychiatrie à l'université de Barcelone et chef du département de psychiatrie et de psychologie de l'hôpital Clínic de Barcelone, l'impact émotionnel du stress généré par COVID a été massif.

D'après une étude, "55 % des médecins français ont eu des demandes de soins liés à la santé mentale plus fréquentes durant le confinement du printemps 2020". A cela s'ajoutent les effets indirects de la quarantaine et de l'enfermement et, avec eux, l'isolement : peur, stress, deuil, difficulté d'accès aux soins… Les personnes atteintes de troubles mentaux sont particulièrement vulnérables.

Chez les patients souffrant de dépression, la diminution des contacts sociaux n'a pas été aussi problématique que le manque d'accès aux soins et aux traitements.
Dr. Eduard Vieta
Chef du département de psychiatrie et de psychologie de l'hôpital Clínic de Barcelone

"Ce que nous avons constaté, c'est que de nombreuses personnes sont arrivées avec des accidents vasculaires cérébraux, des cancers ou des troubles mentaux beaucoup plus avancés" explique le spécialiste.

La dépression est un « dialogue avec la mort »

Les troubles anxieux et dépressifs, les troubles alimentaires et les tentatives de suicides chez les plus jeunes ont augmenté pendant la pandémie, en particulier après les confinements. "Il y a un effet de rebond que nous subissons", explique le Dr Vieta.

Almudena Sánchez définit la dépression comme un "dialogue avec la mort ". "J'ai été plus près de la mort à cause de la dépression que du cancer. Lorsque j'ai eu un cancer, j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de soutien, car c'est une maladie respectée. J'avais toutes les crédibilités, et j'ai remarqué une grande différence quand on m'a diagnostiqué une dépression. Ils ne voulaient rien savoir", explique l'écrivaine, qui a souffert d'un cancer des ovaires à l'âge de 27 ans.

"La dépression mène au suicide, c'est pourquoi c'est une maladie grave. Je parle crûment parce que je n'aime pas édulcorer une maladie qui vous tue, mais je n'aime pas la dramatiser". La dépression est l'épidémie qui cause le plus de décès et d'invalidité selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

La pandémie a frappé le plus durement les plus vulnérables

La pandémie a touché plus durement les personnes les plus vulnérables. "Il existe une relation à double sens entre la pauvreté et la mauvaise santé mentale, car les personnes en mauvaise santé mentale descendent dans la strate sociale, et la pauvreté entraîne à son tour une diminution des ressources et un moindre accès à l'éducation", explique Eduard Vieta.

La pauvreté est également associée à une mortalité plus élevée. "Les pauvres meurent plus tôt, et ce n'est pas une question purement sociale, mais plutôt une question d'accès aux soins, d'alimentation, de culture et d'habitudes… mais il y a aussi un aspect sanitaire".

L'augmentation des troubles dépressifs et anxieux majeurs due à la pandémie a touché les femmes plus que les hommes et les jeunes plus que les personnes âgées, selon une recherche publiée dans The Lancet.

Face à cette hausse, plusieurs mesures ont été mises en place. En France, le gouvernement a ouvert le 1er octobre une ligne d'écoute téléphonique gratuite et ouverte sept jours sur sept et 24 heures sur 24 joignable au 31 14. Le président français Emmanuel Macron a annoncé l'ouverture d'un forfait à partir de 2022 pour rembourser huit séances auprès d'un psychologue à hauteur de 30 euros par séance sur prescription médicale.

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