Résistance aux antimicrobiens : comment lutter contre cette "pandémie silencieuse" dans l'UE ?

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La résistance aux antimicrobiens cause 35.000 décès chaque année dans l'UE. Ce qui lui vaut d'être qualifiée de "pandémie silencieuse" par les spécialistes. Nous voyons comment les grands acteurs de la santé, les politiques et les patients se mobilisent pour la faire reculer dans l'UE.

À Madrid, Iñaki Morán, 63 ans, souffre d'une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Il a également été traité pour des cancers du colon et du poumon. Mais ces dernières années, il a aussi dû lutter contre des bactéries résistantes aux traitements. "J'ai été hospitalisé à plusieurs reprises [ndlr : en 2013, 2016, 2017 et 2018]à cause de différentes bactéries et germes," indique le président de l'association de patients EPOC España"Ma qualité de vie s'est considérablement réduite, cela a compromis une transplantation pulmonaire que je devais subir," explique-t-il. "Quand les poumons sont infectés de manière permanente, comme c'était mon cas, la transplantation peut tout simplement être annulée, mais finalement, j'ai eu de la chance, mes deux poumons ont été transplantés : le pire a été évité," raconte-t-il.

35 000 décès par an dans l'UE

La résistance aux antimicrobiens (RAM) est principalement due à l'utilisation excessive et abusive d'antibiotiques, d'antiseptiques et d'antifongiques. Elle affecte les humains, les animaux, les plantes et l'environnement.

La RAM est à l'origine d'environ 35 000 décès chaque année dans l'Union européenne, avec des coûts de soins de santé et des pertes de productivité annuels estimés à 1,5 milliard d'euros, selon la Commission européenne (en novembre 2023).

À travers l'Europe, des séminaires réguliers donnent l'opportunité aux patients, médecins, représentants du secteur pharmaceutique, chercheurs et décideurs politiques européens de discuter des mesures de prévention et de contrôle de ce qu'ils appellent "une pandémie silencieuse". Les experts s'accordent à dire que la résistance antimicrobienne est l'une des trois principales menaces sanitaires auxquelles l'Union est actuellement confrontée.

Dr María Cruz Soriano Cuesta dirige l'unité de médecine interne d'un grand hôpital public de Madrid (El Hospital Universitario Ramón y Cajal).

"Des études épidémiologiques approfondies portant sur plus d'un millier d'unités de soins intensifs montrent que, sur un jour donné, plus de 50% des patients admis ont une infection active, la moitié de ces cas sont des infections contractées à l'hôpital," précise-t-elle. "Il s'agit d'un problème très grave," souligne-t-elle. "Malheureusement, dans les unités de soins intensifs, les infections sont souvent dues à des bactéries multirésistantes," renchérit-elle.

Différents leviers d'action européens

Une menace mortelle, complexe et urgente à laquelle la Commission européenne a proposé de faire face en réduisant de 20% la consommation d'antimicrobiens.

La Commission veut également encourager le développement de nouveaux antibiotiques, par exemple en accordant aux développeurs une année supplémentaire de protection réglementaire des données.

"Depuis les années 1980, aucun nouvel antimicrobien n'a été mis au point : nous devions donc fournir des incitations fortes pour encourager leur développement," souligne Stella Kyriakides, commissaire européenne en charge de la Santé et de la Sécurité alimentaire. "C'est ce que nous faisons en proposant des bons d'exclusivité transférables," poursuit-elle. "Nous devons aussi promouvoir une utilisation prudente des antimicrobiens et lutter contre leur abus," dit-elle. "En même temps, nous devons soutenir l'industrie pharmaceutique européenne pour qu'elle innove et que nous ayons de nouveaux produits sur le marché," complète-t-elle.

Grands acteurs et patients mobilisés

De son côté, la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) indique, de son côté, être prête à jouer son rôle.

"En 2020, nous avons proposé un fonds d'un milliard de dollars américains disponible jusqu'en 2030, avec pour objectif de créer entre 2 et 4 nouveaux antibiotiques," souligne Nathalie Moll, directrice générale de la fédération EFPIA. "Il s'agissait d'une sorte de fonds de transition destiné à aider les petites entreprises de biotechnologie qui, jusqu'à présent, n'avaient pas réussi à développer des antibiotiques," précise-t-elle avant d'ajouter : "Mais il ne peut pas remplacer un système d'incitations adéquat."

Et les patients de conclure que la sensibilisation du public est tout aussi importante. "Je pense que si tous les patients connaissaient leurs maladies, en l'occurrence la résistance aux antimicrobiens, s'ils savaient quels sont les symptômes, quel est le traitement, s'ils étaient préparés," fait remarquer Iñaki Morán, "alors ils pourraient être des patients actifs et véritablement dresser des barrières contre tout cela. Et c'est ce que nous, les patients, essayons de transmettre : nos connaissances basées sur l'expérience," indique-t-il.

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