Le président du Mozambique rassure sur la gestion de l'aide à son pays

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Par Nara Madeira
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En marge du EurAfrican Forum au Portugal, le président du Mozambique Filipe Nyusi assure que "la distribution des fonds internationaux promis" et "des contrôles indépendants sur leur gestion" ont débuté dans son pays meurtri par deux cyclones ces derniers mois.

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Le Mozambique est en pleine récupération économique et humanitaire après le passage en mars et avril derniers, des cyclones Idaï et Kenneth et fait notamment face à une insurrection islamiste dans la province gazière du Cabo Delgado. Nara Madeira, journaliste d'euronews, a interviewé le président mozambicain Filipe Nyusi le 4 juillet lors du EurAfrican Forum au Portugal. Concernant l'aide internationale à son pays, il assure que "la distribution des fonds promis a débuté" et que "des contrôles indépendants sur la gestion de l'aide" sont menés.

Nara Madeira, euronews :

"2019 est une année de défis majeurs pour le Mozambique. Le cyclone Idaï a laissé derrière lui, une immense désolation. Comment le Mozambique gère-t-il cette situation ?"

Filipe Nyusi, président du Mozambique :

"Les cyclones qui ont frappé le Mozambique les 14 et 15 mars et le 25 avril ont retardé le processus de développement de notre pays. Nous étions déjà en train d'essayer de relancer l'économie après la crise financière qui a touché le monde entier et le Mozambique également, les prix de nos produits étaient en train de baisser. Nous étions enthousiastes à l'idée que notre économie ait un taux de croissance prévu entre 3,7 à 4,7% et il semblait que nous allions dans la bonne direction. Mais après les destructions dans la ville de Beira avec la disparition de zones cultivées, les inondations, etc., le Mozambique a fait machine arrière. Nous avons dû ramener nos prévisions de croissance à 2% et nous travaillons dans cet objectif."

Nara Madeira :

"Les efforts de reconstruction s'annoncent immenses. Où en est-on de ce point de vue ? Au niveau des infrastructures, mais aussi des conditions de vie des Mozambicains."

Filipe Nyusi :

"La phase de reconstruction a débuté par une évaluation : qu'est-ce qui a été détruit ? Que faut-il remettre sur pied ? Et comment devons-nous le faire ? Ce processus est en cours. Nous avons tenu une conférence des donateurs qui a réuni de nombreux participants du monde entier, c'était l'occasion de comprendre ce qu'il fallait faire et l'élan de solidarité a été incroyable. Nous avons réuni un tiers des fonds dont nous estimons avoir besoin. Nous avons évalué nos besoins à 3,2 milliards de dollars américains en comptant l'aide internationale. Nous avons obtenu 1,2 milliards. Ce qui veut dire que progressivement, le processus se met en route. La distribution des fonds qui ont été promis a déjà commencé et nous multiplions aussi les initiatives nationales pour restaurer le secteur des entreprises."

"Nous avons renforcé les inspections"

Nara Madeira :

"Le pays est-il mieux préparé à faire face à une catastrophe naturelle en termes d'organisation et de gouvernance ?"

Filipe Nyusi :

"Nous sommes dans une région exposée à ce type d'événement. Aujourd'hui encore, nous ne sommes pas capables d'évaluer les dégâts dans leur intégralité. Le cyclone Idaï a amené beaucoup de destruction. Kenneth a été très violent, plus silencieux, mais très violent. Vous parliez de préparation et d'organisation... Notre Institut national de gestion des catastrophes a 20 ans. Donc, il a accumulé beaucoup d'expérience au fil des ans. Mais sommes-nous préparés ? Je ne dirais pas que nous sommes totalement préparés... Cette préparation intègre des ressources que nous mobilisons en cas de catastrophe et qui doivent être déployées de manière adéquate. Par exemple, quelques jours avant le cyclone pour anticiper son arrivée -, nous avions placé dans le secteur de Beira, plusieurs bateaux et avions, tous ceux en notre possession. Mais certains dans cette phase de déploiement ont été endommagés."

Nara Madeira :

"Comment la gestion de l'aide internationale est-elle assurée ? Parce qu'on a entendu parler de détournements."

Filipe Nyusi :

"Il faut avoir en tête ce qui se passe généralement quand on parle de pertes et de détournements. Quand un camion ou un hélicoptère apporte de l'eau et à manger, ceux qui sont restés une semaine sans nourriture, sans eau veulent être les premiers à en avoir. Les gens qu'on a vu emporter de la nourriture en courant et s'enfuir ne peuvent pas être considérés comme des voleurs. Ils avaient besoin de cette nourriture. C'est vrai qu'il y a eu des cas de détournement de la part de gens qui étaient responsables de la distribution : certains ont emmené de la nourriture chez eux parce qu'il n'y avait pas de lieu de stockage disponible et ensuite, on a commencé à dire qu'ils avaient volé ces denrées. D'autres personnes ne les ont pas distribuées à ceux qui en avaient besoin. Nous avons traité ces cas-là. Mais pour répondre directement à votre question qui est légitime, ce que nous avons fait, c'est que nous avons renforcé les inspections, impliqué la société civile dans le processus d'évaluation et des contrôles indépendants ont débuté."

L'UE, "l'un des premiers partenaires du Mozambique"

Nara Madeira :

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"Le EurAfrican Forum a pour but de relier les continents européen et africain. Que fait l'Union européenne pour encourager l'économie du Mozambique ?"

Filipe Nyusi :

"L'Union européenne fait beaucoup. Par exemple, dans le cadre des pourparlers de paix avec la Renamo (le principal parti d'opposition), nous travaillons en relation étroite avec l'Union européenne. Nous discutons beaucoup avec nos interlocuteurs européens quand je viens en Europe et j'attends la visite d'une délégation de l'Union européenne probablement cette année ou au début de l'année prochaine. Nous avons travaillé ensemble sur le processus de paix. La paix, c'est bien sûr, la principale condition préalable à tout type d'investissement. Notre pays doit aussi être respecté. Les gens doivent être sûrs que leurs investissements s'inscrivent dans la durée. Et nous travaillons à cela. Il y a aussi de nombreux projets d'investissement de l'Union européenne dans les secteurs comme l'eau, les routes, les hôpitaux, la santé. L'Union européenne est l'un des plus premiers partenaires du Mozambique."

Nara Madeira :

"Le gaz naturel est très important pour l'économie du Mozambique. Vous avez dit qu'il y avait effectivement de l'instabilité dans la province du Cabo Delgado et que ce n'était pas bon pour les affaires. Est-ce que cela peut menacer l'exploitation des gisements de gaz naturel ?"

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Filipe Nyusi :

"Nous, le gouvernement et les Mozambicains, nous n'aimerions pas que cela soit le cas. Nous ne voulons pas que nos partenaires commencent à paniquer. Il faut souligner un aspect positif : notre collaboration est étroite avec les multinationales responsables de l'exploitation des gisements de gaz naturel. Mais nous allons devoir prendre des mesures, y compris des mesures extraordinaires si besoin, pour faire en sorte que cette situation n'entrave pas la croissance de cette région du Mozambique."

La visite du Pape François est "porteuse d'espoir"

Nara Madeira :

"Le Pape François sera au Mozambique début septembre. Qu'attendez-vous de cette visite ?"

Filipe Nyusi :

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"C'est une visite importante en particulier dans ce moment de réconciliation. Nous avançons sur le chemin de la paix. C'est une visite importante pour notre pays où la justice sociale doit être pleinement et effectivement rétablie. Cette visite est porteuse d'un message double : elle promeut la paix et la réconciliation entre Mozambicains, non seulement en termes d'opposition armée, mais aussi entre partis politiques et entre religions - même s'il n'y a pas de conflit en la matière ici et il n'y en a jamais eu dans notre pays -. Tout le monde sait que le Pape François est ouvert au dialogue avec d'autres religions, il respecte les autres religions. Nous partagerons cette connaissance, ce sentiment, cet enseignement. Ce sera aussi un moment d'espoir. Les trois mots importants sont : paix, réconciliation et espoir. Le Pape rencontrera des jeunes de tout le pays, sans distinction de dialecte. Il discutera avec des membres du gouvernement, d'autres organes du pouvoir et du corps diplomatique et priera pour le Mozambique... Nous attendons beaucoup de sa visite."

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