La Suisse a peur de pas avoir suffisamment d'électricité l'hiver prochain

Ligne à haute tension et éolienne à Evionnaz, dans le canton suisse du Valais, le 23 août 2022
Ligne à haute tension et éolienne à Evionnaz, dans le canton suisse du Valais, le 23 août 2022 Tous droits réservés Fabrice COFFRINI / AFP
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Par Vincent Coste avec AFP
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La dépendance de l'Europe au gaz russe et les déboires du nucléaire français risquent de plonger la confédération helvétique dans le noir à la fin de l'année.

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Si les Allemands s'étaient jetés voici quelques semaines sur les radiateurs électriques, leurs voisins suisses sont en train de se ruer sur des groupes électrogènes. La raison : une hypothétique pénurie d'électricité cet hiver. Un comble dans l'un des pays les plus riches du monde. 

La Suisse craint de manquer d'électricité cet hiver et de se retrouver dans le noir si les réacteurs nucléaires français à l'arrêt le restent et si l'Allemagne, en raison de la guerre en Ukraine, réduit ses exportations d'électricité produite au gaz.

Des filons d'électricité qui se tarissent

En été, la Confédération, château d'eau de l'Europe grâce à ses centaines de centrales hydrauliques, exporte de l'électricité. L'énergie hydraulique représente même 60% de la production helvète. Mais en hiver, c'est l'inverse. Berne doit importer de l'électricité.  

En effet, en hiver, les lacs de retenue sont pratiquement vides et l'eau alimente bien moins les barrages. La production d'hydro-électricité est donc beaucoup moins importante d'octobre à avril.

Pour faire face à ce problème, la Suisse a inauguré début septembre un équipement de nouvelle génération, placée entre deux barrages situés à des hauteurs différentes. La centrale hydroélectrique de Nant De Drance peut ainsi pomper l'eau depuis le bassin du bas vers celui du haut, grâce à son système de pompage-turbinage. Mais elle ne va pas foncièrement changer la donne. 

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Un des barrages de la centrale de Nant De Drance, à Finhaut, dans le canton du Valais, le 17 août 2022FABRICE COFFRINI/AFP

Dans un schéma, classique, cette baisse de la production électrique était compensée par les importations. Mais depuis la guerre en Ukraine, le gaz russe ne coule plus à flots en Europe.

Or, la Suisse, qui n'a pas de réserves de gaz sur son sol, importe en hiver de l'électricité produite avec du gaz en Allemagne, confrontée cette année à la réduction des livraisons de gaz russe. Et Berlin privilégiera sans aucun doute son marché domestique. 

Cette situation se complique avec un autre gros problème pour la Suisse. 

En 2021, pratiquement 60% de l'électricité importée dans le pays était d'origine française. Or, cette année, la France a mis à l'arrêt presque la moitié de son parc nucléaire. Ainsi, en juin dernier, 27 des 56 réacteurs français ne fonctionnaient plus en raison, notamment, de soucis de corrosion. Le retour à la normale semble s'éloigner, au regard du prolongement de l'arrêt de quatre réacteurs annoncé ce jeudi par l'énergéticien français EDF. 

Si la Confédération suisse dispose de quatre centrales nucléaires, produisant entre 15 et 20% de l'électricité du pays, elles ne seront pas en mesure de compenser la baisse probable des exportations françaises. 

Un risque de "black-out"

Cette conjonction de facteurs fait donc craindre des pénuries d'électricité. Dans les médias suisses, de nombreux reportages ou articles sont ainsi consacrés aux solutions pour réduire la consommation d'électricité. 

La population s'organise donc pour anticiper. Les Suisses se tournent ainsi massivement vers le bois de chauffage. Et mathématiquement, note la RTS - la télévision suisse-romande - les prix sont en train d'exploser. Des sites spécialisés dans les petits panneaux solaires, utilisés en camping ou sur des véhicules, sont en rupture de stock sur de nombreux articles.

Ces derniers jours, le gouvernement helvète a appelé à ne pas dramatiser tout en assurant se préparer à des pénuries d'électricité.

Le président de la Commission fédérale de l'électricité, Werner Luginbühl, a effectivement prévenu que des coupures de plusieurs heures sont à prévoir. Une des solutions envisagées serait de couper le courant durant quatre heures sur l'ensemble du pays toutes les huit heures. 

Ces coupures ne toucheraient pas les infrastructures considérées comme essentielles, comme les hôpitaux ou les services de secours et de sécurité. En revanche, des entreprises consommant beaucoup d'électricité pourraient être concernées par des coupures plus importantes. Enfin, les stations de ski suisses pourraient aussi être impactées, car les remontées mécaniques sont spécialement voraces en électricité.

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