Quelle est la stratégie de l'UE pour réduire sa dépendance économique à la Chine ?

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Par Fanny Gauret
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L'Union européenne recherche des solutions pour réduire sa dépendance aux matières premières critiques provenant de la Chine et d'autres pays. Découvrez les mesures envisagées dans cet épisode de Real Economy.

Dans son discours sur les relations entre l'UE et la Chine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné l'importance de la réduction des risques par l'économie dans la stratégie de l'UE.

L'objectif est clair : l'UE veut mettre fin à sa dépendance envers la Chine et d'autres pays pour ses approvisionnements en matières premières critiques.

La stratégie de "réduction des risques" de l'UE soulève une question cruciale : comment réussir un tel objectif alors que l'Europe est fortement tributaire de ses importations depuis la Chine ?

Pour mieux comprendre cette stratégie et ses implications pour l'Europe et ses industries, notre reporter, Fanny Gauret, a rencontré des experts et des entreprises technologiques en France.

La dépendance de l'UE : une préoccupation majeure pour son avenir économique

A Paris, John Seaman, expert en géopolitique de l'énergie et des ressources naturelles en Asie à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), attire l'attention sur le contexte d'instabilité géopolitique actuel et ses implications pour l'Europe.

Selon lui, alors que l'UE se lance dans des transformations structurelles majeures, telles que la transition vers une société à zéro émission nette et numérique, sa dépendance à l'égard de certains pays devient de plus en plus préoccupante.

En effet, comment l'explique John Seaman, l'Europe est de plus en plus tributaire de "pays qui pourraient utiliser cette dépendance comme un moyen de pression" dans un contexte mondial de plus en plus conflictuel.

Les transformations en cours, notamment dans le domaine de la transition énergétique vers les véhicules électriques, l'énergie solaire et les énergies renouvelables, ont mis en lumière la dépendance de l'Europe envers une seule source, en particulier la Chine.

L’Union européenne dépend fortement d’autres pays pour les matières premières critiques, utilisées par exemple pour la fabrication de téléphones, véhicules électriques ou semi-conducteurs. Par exemple, la Chine fournit 100% de son approvisionnement en éléments de terres rares lourdes ; la Turquie 98% en bore ; et l'Afrique du Sud 71% en platine.

Comme le pointe du doigt John Seaman : "la question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment atténuer les risques liés à ces dépendances. Et comment négocier avec la Chine pour essayer de faire en sorte qu'elle n'utilise pas ses leviers pour faire des affaires au détriment des intérêts de l'Europe ?"

Reconquête de l'industrie des semi-conducteurs

A Lyon, Fanny Gaurret a rencontré Emilie Jolivet de Yole Group, un cabinet de conseil spécialisé dans l'industrie des semi-conducteurs, secteur clé des enjeux économiques mondiaux.

Nous avons voulu savoir si les ambitions de réduction des risques de l'UE résonnent auprès des acteurs industriels.

Emilie Jolivet précise que de nombreux clients de Yole Group cherchent à reprendre le contrôle de la mise en boîtier, une étape essentielle dans la fabrication des semi-conducteurs, actuellement fortement dépendante de la Chine et de Taïwan. Ces entreprises souhaitent se relocaliser en Asie du Sud-Est, par exemple, afin de diversifier leurs sources d'approvisionnement et de réduire les risques.

"Il faut savoir que le semi-conducteurs, est un marché qui pèse 600 milliards de dollars et que c'est donc une industrie qui est scrutée de près par les gouvernements qui mettent tout en œuvre pour maintenir leur position dans cette course à la technologie mais aussi aux revenus", explique Emilie Jolivet.

Face à ces enjeux stratégiques, l'Europe a pris l'initiative de lancer le Paquet législatif sur les semi-conducteurs, une mesure ambitieuse visant à augmenter la capacité de production de puces électroniques à 20 % du marché mondial d'ici 2030.

Cependant, selon Emilie Jolivet, il est important de reconnaître que démanteler des chaînes d'approvisionnement complexes et coûteuses n'est pas une tâche facile. L'effort considérable de l'UE, qui prévoit d'investir 43 milliards d'euros, représente un premier pas significatif vers une plus grande autonomie et une reprise en main de l'industrie des semi-conducteurs.

Il est clair que cet investissement ne suffira pas à garantir une totale autonomie dans ce domaine crucial. Cependant, il constitue une première étape cruciale vers la maîtrise et la reconquête de cette industrie stratégique. L'Europe se positionne ainsi pour renforcer sa souveraineté économique et réduire sa dépendance vis-à-vis d'autres acteurs mondiaux.

Repenser les chaînes d'approvisionnement

Dans le cadre de sa stratégie de réindustrialisation, la France s'attèle à reconstruire les chaînes d'approvisionnement, en particulier dans le secteur des semi-conducteurs et des batteries. Au cœur du territoire industriel de Grenoble, se trouve l'un des sites du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), un centre de recherche qui mène des projets d'innovation le long de la chaîne de valeur industrielle.

La transition vers une économie verte accélérée devrait entraîner une augmentation de 500 % de la demande en matières premières critiques d'ici 2050, selon la Banque mondiale. Ces ressources sont au cœur des industries de demain, comme les véhicules électriques.

Simon Perraud, directeur adjoint au CEA, souligne l'importance de maîtriser la chaîne de valeur industrielle des batteries pour la France et l'Europe, affirmant que si cette maîtrise fait défaut, ils ne pourront pas contrôler leur futur système énergétique.

"Aujourd'hui, la Chine détient plus de la moitié des capacités de production sur les différents segments de la chaîne de valeur. Il y a une concurrence très forte dans ce domaine, donc c'est important d'investir et de poursuivre la R et D pour soutenir tout cet écosystème industriel, par exemple pour allonger l'autonomie des véhicules électriques, des batteries avec moins de matériaux critiques, des procédés de recyclage des batteries quand elles arrivent en fin de vie pour récupérer davantage de métaux. Et tout ceci à un coût plus faible", ajoute-t-il.

Olenergies : la start-up française qui ambitionne de transformer l'industrie des batteries

Dans cette dynamique, la start-up Olenergies, basée près de Paris, se consacre à la fabrication de batteries Lithium-Fer-Phosphate, qui ne contiennent ni cobalt ni manganèse. Ces batteries sont utilisées pour le stockage massif des énergies renouvelables ou pour alimenter des data centers. L'objectif est de produire des batteries plus durables, avec moins de dépendance à l'égard de matériaux critiques, afin de soutenir la transition énergétique vers des sources renouvelables.

Julien Le Guennec, PDG et fondateur d'Olenergies, explique que leur approche consiste à utiliser des matériaux largement disponibles à travers le monde, et qui peuvent être facilement recyclés. Cette démarche permet à l'entreprise française de fabriquer des batteries ayant une durée de vie jusqu'à quatre fois supérieure à celle des batteries au lithium conventionnel. 

L'optimisation numérique est également un aspect essentiel de leur approche. Grâce à des technologies de pointe, les batteries d'Olenergies peuvent être finement contrôlées et optimisées, ce qui améliore leur efficacité et leur performance globale. Cette combinaison d'une conception respectueuse de l'environnement et d'une optimisation numérique offre des solutions prometteuses pour répondre aux besoins croissants en matière de stockage d'énergie.

Moins puissantes mais plus respectueuses de l’environnement, ces batteries sont adaptables grâce à l’intelligence artificielle. Leur coût est 20% plus élevé par rapport à la Chine. Pour se démarquer sur le marché des batteries LFP, très concurrentiel, il faut produire beaucoup, et vite.

"Le marché de la batterie, l'industrialisation de la batterie, c'est une course mondiale", reconnait M. Le Guennec.  

"Nous sommes engagés dans cette course-là. Course à l'investissement, course à la rupture technologique pour pouvoir se démarquer et être souverain dans nos développements technologiques", ajoute-t-il. 

L’ambition des dirigeants d'Olenergies est d’ouvrir leur première giga-usine dès 2026. Diversifier la chaîne de production, produire en Europe, tout en poursuivant la transition numérique et verte. 

La relocalisation en Europe

Toutefois, John Seaman rappelle que cette stratégie a un coût : _"_Il est donc certainement possible de diversifier les chaînes d'approvisionnement, notamment en établissant une production ici en Europe. Il y a des exploitations minières qui sont possibles ici en Europe, en Suède, par exemple. Mais tout cela demande beaucoup d'argent. Il faut beaucoup d'investissements et beaucoup de temps."

"Il y a donc une très longue chaîne d'approvisionnement qu'il faut essayer de reconstruire. Et cela se traduira nécessairement par une hausse des prix et de l'inflation, car cela coûte plus cher ici en Europe qu'ailleurs, en particulier en Chine", conclut-il.

Nous remercions le "CEA Grenoble", qui nous a fourni certaines des images utilisées dans cet épisode.

Journaliste • Fanny Gauret

Video editor • Sebastien Leroy

Sources additionnelles • Production : Louise Lehec; Camera : Mathieu Rocher; Motion Design: NEWIC  

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