L'accord migratoire entre l'Italie et l'Albanie est hors de la législation de l'UE, estime la commissaire européenne aux Affaires intérieures

En vertu de ce protocole, l'Italie traitera jusqu'à 36 000 demandes d'asile dans deux centres construits sur le sol albanais.
En vertu de ce protocole, l'Italie traitera jusqu'à 36 000 demandes d'asile dans deux centres construits sur le sol albanais. Tous droits réservés TIZIANA FABI/AFP or licensors
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Par Jorge Liboreiro
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Cet article a été initialement publié en anglais

L'accord conclu entre l'Italie et l'Albanie en vue d'externaliser le traitement des demandes d'asile n'enfreint pas le droit communautaire car il se situe "en dehors" de celui-ci, a déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures.

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"L'évaluation préliminaire de notre service juridique est qu'il ne s'agit pas d'une violation de la législation de l'UE, mais que cela est hors de la législation de l'UE", estime la commissaire européenne en charge des Affaires intérieures, Ylva Johansson.

Ces propos interviennent plus d'une semaine après l’accord conclu entre la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, et son homologue albanais, Edi Rama. Le document prévoit l'externalisation du traitement de 36 000 demandes d'asile par an vers le pays balkanique.

La procédure s'appliquera aux migrants secourus en mer par les autorités italiennes et débarqués dans la ville côtière albanaise de Shëngjin, où deux centres seront construits aux frais de Rome et relèveront exclusivement de la juridiction italienne.

Les migrants accueillis dans les centres ne seront pas autorisés à quitter les lieux en attendant l'examen de leur demande, qui ne devrait pas durer plus de 28 jours. Selon Giorgia Meloni, les femmes enceintes, les enfants et les personnes vulnérables ne seront pas concernés.

La date de lancement a été fixée au printemps 2024. Mais le protocole doit encore être traduit en actes juridiques et faire l'objet d'une ratification par le Parlement albanais.

"Je considère qu'il s'agit d'un accord de portée européenne", expliquait la dirigeante italienne aux côtés du Premier ministre albanais.

Si cet accord est finalement appliqué, ce sera la première fois qu'un État membre de l'Union européenne se décharge sur un pays tiers d'une partie de ses responsabilités en matière d'asile. Cette idée a été lancée par le Danemark et l'Autriche en réaction au plan entre le Royaume-Uni et le Rwanda, qui a été jugé illégal par la Cour suprême britannique mercredi matin.

Le projet italien a suscité des inquiétudes quant à l'application extraterritoriale du droit communautaire, étant donné que les demandes présentées dans les centres albanais le seront dans le but de bénéficier d'une protection internationale en Italie, et non en Albanie.

"Le droit européen n'est pas applicable en dehors du territoire de l'UE", précise la commissaire européenne.

Mais, ajoute-t-elle, étant donné l'appartenance de l'Italie à l'Union et l'adoption obligatoire d'une législation commune, les règles qui s'appliqueront dans les centres albanais seront effectivement de nature européenne et imiteront le cadre qui s'applique sur le sol italien.

"Si les lois italiennes sont appliquées, les personnes devraient être examinées en vertu de la loi italienne par les autorités italiennes et, après une décision d'asile (positive), être ramenées en Italie ou, si ce n'est pas possible, dans le pays d'origine, et si ce n'est pas possible, en Italie", explique la responsable suédoise.

"L'Italie se conforme à la législation européenne, ce qui signifie que les règles sont les mêmes. Mais d'un point de vue juridique, il ne s'agit pas de la législation européenne, mais de la législation italienne (qui) suit la législation européenne".

Les commentaires d’Ylva Johansson ne clarifient toutefois pas entièrement l'incertitude juridique qui entoure le protocole. L'Italie sera-t-elle autorisée à s'écarter des normes de l'UE sur le sol albanais et à appliquer une procédure d'asile différente aux demandeurs d'asile transférés dans les centres ? Les violations potentielles qui pourraient se produire à l'intérieur de ces locaux pourront-elles donner lieu à une action en justice de la part de la Commission européenne ? L’institution semble avoir pris ses distances par rapport à la mise en œuvre de l'accord.

Une autre question reste à éclaircir : est-ce que l'Italie pourra transférer vers un pays tiers les migrants secourus dans les eaux italiennes, qui sont considérées comme faisant partie de son territoire souverain, par opposition à ceux secourus dans les eaux internationales.

L'évaluation juridique est une étape préliminaire et n'a pas encore été rendue publique. Euronews a contacté la Commission européenne pour obtenir de plus amples informations.

Amnesty International a déjà prévenu que le protocole entre l’Italie et l’Albanie "pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour les demandeurs d'asile, qui pourraient être soumis à de longues détentions et à d'autres violations, en dehors du contrôle des autorités judiciaires italiennes".

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