Bruxelles veut relancer les liens avec la Turquie malgré les "divergences" et le blocage des négociations d'adhésion à l'UE

Le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, annonce de nouveaux projets pour relancer les liens avec la Turquie
Le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, annonce de nouveaux projets pour relancer les liens avec la Turquie Tous droits réservés Aurore Martignoni/CCE
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Par Mared Gwyn Jones
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Cet article a été initialement publié en anglais

L'UE souhaite relancer ses relations politiques et économiques avec la Turquie afin de renforcer la stabilité régionale, malgré les profondes divergences entre Bruxelles et Ankara en matière de politique étrangère et l'enlisement des négociations d'adhésion à l'UE.

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La Commission européenne propose ses recommandations pour renforcer les liens avec la Turquie. Cela doit passer par une plus grande coopération en matière de commerce, d’énergie, de transports et de la gestion des flux migratoires.

Olivér Várhelyi, commissaire européen en charge de l’Élargissement, a expliqué mercredi que les deux parties ne voyaient peut-être pas les choses du même œil sur de nombreux sujets, mais qu'il y avait plus de points d'union que de points de division.

"Il est clair qu'il y a eu des difficultés dans le passé, comme la dynamique en Méditerranée orientale, les relations bilatérales avec certains de nos États membres et les irritants commerciaux", ajoute Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’UE.

"Mais nous avons constaté une attitude plus constructive sur ces points", précise-t-il, "bien qu'il y ait encore des questions ouvertes que nous devons aborder ensemble, et cela inclut certainement, dans une position pertinente, la question de Chypre".

Parmi les nouveaux engagements figurent des investissements verts et numériques, de nouveaux efforts pour faciliter les demandes de visa, des dialogues de haut niveau sur l'économie, l'énergie, les transports, le climat et la santé, ainsi qu'un nouveau dialogue à haut niveau sur le commerce pour s'attaquer aux "irritants commerciaux".

L'UE se dit prête à reprendre également les négociations sur une union douanière modernisée entre l'UE et la Turquie, à condition qu'Ankara soutienne les efforts déployés pour lutter contre le contournement des sanctions européennes à l'encontre de la Russie.

La collaboration en matière de gestion des migrations, un aspect essentiel des relations UE-Turquie depuis la déclaration conclue en 2016, sera également intensifiée afin de prévenir les départs irréguliers, de renforcer les contrôles aux frontières et de lutter contre le trafic d'êtres humains.

L'engagement sera "progressif, proportionné et réversible", explique Josep Borrell qui confirme ainsi l'approche prudente de l'Union.

Les relations entre l’UE et Ankara ont été marquées par des difficultés depuis l'ouverture en octobre 2005 des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

La principale pierre d'achoppement demeure la question chypriote et le refus de la Turquie de reconnaître la République de Chypre. Le différend a entravé les efforts visant à approfondir la coopération en matière de défense, même si la Turquie est membre de l'OTAN.

Les différends maritimes gréco-turcs et les activités de forage menées par Ankara dans des eaux contestées ont également jeté de l'huile sur le feu. Mais les tremblements de terre qui ont frappé en février le sud et le centre de la Turquie ont permis d'améliorer les relations.

L’UE critique aussi le recul démocratique en Turquie, depuis la tentative de coup d’Etat en 2016.

Si au lendemain de sa victoire électorale en mai dernier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a consititué un cabinet favorable à l'Occident, les relations entre l’Union et Ankara restent tendues.

Dans un rapport publié au début du mois sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l'adhésion à l'UE, la Commission européenne a dénoncé de "graves lacunes" dans les institutions démocratiques turques, ainsi qu'un "recul démocratique" persistant. Elle regrette également l'absence de progrès dans la réforme du système judiciaire et le respect de la liberté d'expression.

Manque d'alignement en matière de politique étrangère

Le rapport souligne aussi les profondes divergences en matière de politique étrangère des deux parties, avec un taux d'alignement de seulement 10 % en 2023, contre 8 % en 2022, selon la Commission.

Ces divergences sont devenues de plus en plus évidentes dans le contexte du conflit au Proche-Orient. Le dirigeant turc a annulé fin octobre une visite prévue en Israël et a déclaré aux députés de son parti que le Hamas n'était "pas une organisation terroriste, mais un groupe de libération, un groupe de moudjahidines qui lutte pour protéger ses terres et ses citoyens."

La Commission a dénoncé le soutien du gouvernement turc "au groupe terroriste Hamas suite à son attaque contre Israël", et affirme que cette rhétorique était "en total désaccord avec l'approche de l'UE".

Josep Borrell a expliqué mercredi que "pour nous, le Hamas reste une organisation terroriste [...] la Turquie a une approche différente et en même temps, c'est quelque chose qui est cohérent avec la position du monde musulman."

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"Il est certain qu'il n'y a pas un niveau élevé d'alignement sur notre politique étrangère avec la Turquie et nous voulons organiser nos échanges sur la politique étrangère afin d'être plus efficaces et opérationnels", ajoute-t-il.

Si la Turquie condamne, comme l'UE, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, elle a choisi de ne pas se joindre aux sanctions occidentales afin de maintenir ses liens avec Moscou. Ankara fait également l'objet d'un examen de plus en plus minutieux pour avoir potentiellement facilité le contournement des sanctions, alors que les exportations de biens essentiels vers la Russie sont en forte hausse.

Le chef de la diplomatie de l’UE précise que l'Union européenne attendait "clairement" de la Turquie qu'elle continue à collaborer avec ses partenaires européens et occidentaux pour mettre fin au contournement des sanctions afin de bénéficier d'une coopération économique plus étroite.

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