Comment vaincre l'escargot dévastateur de rizières ?

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Par Denis LoctierStéphanie Lafourcatère
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Lentement, mais sûrement, une menace rampante détruit les rizières : une espèce spécifique d'escargot cause des dizaines de milliards d'euros de dégâts par an dans le monde. Des scientifiques européens s'attaquent au problème de manière simple et en respectant l'environnement.

Les immenses rizières du delta de l'Èbre produisent plus de 90.000 tonnes de riz catalan par an. La demande mondiale augmente, mais dans le même temps, les problèmes prennent de l'ampleur : du changement climatique aux infestations par des parasites. Comment protéger le riz européen de cette menace rampante par exemple ? Dans cette édition de Futuris, notre reporter Denis Loctier a rencontré sur place, des scientifiques qui travaillent sur la question dans le cadre d'un projet de recherche européen dédié en collaboration avec des cultivateurs de riz.

Il existe une espèce d'escargot (Pomacea insularum ou apple snail en anglais pour escargot de la taille d'une pomme) importée d'Amérique du Sud qui est une véritable plaie pour les rizières, les rivières et les zones humides : il dévore les jeunes plants de riz à tel point qu'un seul spécimen peut détruire un mètre carré de parcelle en une nuit et il n'a pas de prédateur. Scientifiques et agriculteurs cherchent comment l'éradiquer dans le cadre du projet européen NEURICE.

"On doit ralentir autant que possible sa prolifération," insiste Miguel Ángel Vivas, responsable de la coopérative rizicole Cámara dans le delta de l'Èbre. "C'est un fléau difficile à éradiquer, avec lequel on doit apprendre à vivre et on doit utiliser tous les moyens possibles pour l'empêcher de proliférer," renchérit-il.

L'eau de mer comme solution

Utiliser des pesticides serait une solution sauf que les huîtres et moules élevées dans la région en pâtiraient. Or justement à proximité, on trouve un produit nuisible aux escargots qui s'avère plus sûr : l'eau de mer.

"Selon la situation de la rizière, certaines méthodes peuvent être plus intéressantes que d'autres," explique Maria Del Mar Catalá Forner, agronome spécialiste du riz à l'Institut de recherche et de technologie agroalimentaire catalan IRTA, l'un des organismes partenaires du projet européen. "Dans une zone en particulier, cela peut être plus économique, plus efficace et plus respectueux de l'environnement d'utiliser de l'eau salée en inondant les rizières avec l'eau de la mer," poursuit-elle.

Mais le sel est néfaste pour les variétés locales de riz. Le changement climatique augmente déjà la salinité des sols, ce qui réduit les rendements.

Riz hybride

Pour lutter contre la salinisation des sols et la menace des escargots, des biologistes de l'Université de Barcelone, également participants du projet, travaillent sur l'élaboration d'un riz résistant au sel.

Camilo López Cristoffanini, phytophysiologiste au sein du laboratoire universitaire de biologie, nous montre dans une serre expérimentale un "croisement entre une variété de riz asiatique et une variété espagnole de qualité supérieure. On peut voir que cette variété hybride," ajoute-t-il, "a des grains couleur café qui sont arrivés à maturité et prêts à être traités. On essaie de montrer qu'on peut transférer la tolérance à la salinité aux lignées espagnoles pour qu'elles acquièrent cette résistance tout en préservant leur rendement puisque la lignée asiatique a une productivité plus faible," indique-t-il.

Les équipes produisent leur riz hybride en retirant les parties mâles des fleurs de riz, puis en plaçant le pollen d'une autre variété sur les parties femelles restantes.

Les jeunes plants qui en résultent sont cultivés dans l'eau salée et leur croissance est étudiée de près pour s'assurer que leur rendement soit suffisant.

"On constate que certains de nos croisements entre des variétés asiatiques et européennes tolèrent effectivement la salinité et conservent le rendement des lignées européennes," souligne Camilo López Cristoffanini. "On devrait le prouver lors des tests sur les parcelles, mais on a déjà montré que ces riz hybrides ont hérité de cette tolérance à la salinité, donc ils pourront faire face au changement climatique," affirme-t-il.

Un problème mondial

D'autres expériences sont menées en Espagne, France et Italie pour fournir aux agriculteurs de ces pays, des lignées de riz tolérantes au sel et optimales.

De nouvelles variétés sont cultivées dans le delta de l'Èbre dans le cadre du projet.

Des capteurs sans fil mesurent en permanence la salinité de l'eau et garantissent l'exactitude des résultats.

"La salinisation des sols concerne toute la région méditerranéenne et toute l'Europe. C'est un problème mondial," insiste Xavier Serrat, responsable du projet NEURICE, biologiste à l'Université de Barcelone. "Et concernant cet escargot qui s'attaque au riz, la grande question derrière notre projet, ce n'est pas de savoir si la France ou l'Italie sera affectée, mais plutôt : quand ces pays le seront ? Parce que si on ne fait rien, il est certain que c'est ce qui se passera," insiste-t-il.

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