Comment éliminer les résidus de médicaments qui polluent nos eaux ?

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En Suède, un projet pilote vise à déterminer les méthodes efficaces et peu coûteuses pour retirer des eaux usées, certaines substances médicamenteuses risquées pour l'environnement, à l'heure où l'UE veut renforcer la législation en la matière.

Quelque 20 millions de m³ d'eaux usées sont traitées chaque année, par cette usine à Uppsala, en Suède. En plus des nutriments, le phosphore et les matières organiques qu'elles contiennent, les eaux usées renferment de puissants ennemis : des résidus de médicaments contre la dépression, l'inflammation, l'anxiété ou encore l'hypertension.

"On parle de nanogrammes par litre : il s'agit donc, de taux très faibles," précise Anna Maria Sundin, ingénieure développement au sein du service de gestion des déchets Uppsala Vatten. "Mais certaines des substances que nous ciblons en priorité pourraient avoir un effet négatif sur l'environnement aquatique dès ces taux très faibles," indique-t-elle.

Identifier des méthodes d'élimination peu coûteuses

Les organes internes et les cycles de reproduction des poissons et des amphibiens peuvent ainsi, être sévèrement affectés par les résidus de produits pharmaceutiques. Sur le site suédois, des ingénieurs travaillent actuellement sur un projet pilote visant à éliminer au moins 80% de cinq de ces substances nocives.

Des technologies complexes, dont le charbon actif et l'échange d'anions, sont testées en vue d'identifier des méthodes d'élimination peu coûteuses. Mais les défis sont immenses. "Les différents composés de toutes ces substances ont des propriétés chimiques et physiques différentes et cela pénalise l'efficacité des méthodes d'élimination," fait remarquer Anna Maria Sundin.

Ce projet pilote prendra fin en 2024. Un délai court, car il est urgent d'améliorer les technologies d'élimination, sur place en Suède, comme partout ailleurs.

10% des substances médicamenteuses actives présentent un risque environnemental potentiel

Notre environnement, en particulier nos écosystèmes aquatiques, est de plus en plus envahi par ce type de résidus, principalement issus des ménages, de la fabrication de médicaments, de l'agriculture intensive et des hôpitaux.

Selon les chiffres de l'OCDE datant de 2019, environ 4 000 ingrédients pharmaceutiques actifs sont administrés via des médicaments dans le monde entier. Jusqu'à 90% des doses orales peuvent être excrétées par notre corps sous forme de substances actives. 10% d'entre elles présentent un risque environnemental potentiel.

"Le problème, c'est qu'il faut que le médicament soit persistant dans le corps"

Une situation complexe selon l'Agence suédoise du médicament. L'un des problèmes majeurs, c'est que ces substances sont conçues pour être très stables à l'intérieur de notre corps.

Une fois dans l'environnement, elles présentent aussitôt, un risque de nocivité car elles se dégradent difficilement. "L'une des difficultés, c'est qu'elles sont très résistantes à la décomposition à l'intérieur de l'organisme," fait remarquer Stefan Berggren, directeur du centre suédois dédié aux connaissances des effets des produits pharmaceutiques sur l'environnement au sein de cette Agence. "En effet, il s'agit d'obtenir des effets dans le corps et il ne faut pas qu'elles se dissolvent dans l'estomac, par exemple, il faut que le médicament soit persistant," ajoute-t-il. "Cela signifie aussi que s'il passe par les voies d'élimination de notre organisme et s'en échappe, il atteindra l'environnement sous la forme d'une substance relativement persistante," dit-il.

Vers une évolution de la législation européenne

C'est la raison pour laquelle, parallèlement à l'amélioration des technologies de traitement des eaux usées, il est essentiel d'adopter des approches d'atténuation à la source.

La réforme de la législation pharmaceutique récemment présentée par la Commission européenne entend justement renforcer l'évaluation des risques environnementaux déjà obligatoire pour toutes les entreprises du secteur qui commercialisent leurs médicaments dans les pays de l'Union.

La Commission souhaite aussi rendre possible, un refus d'autorisation de mise sur le marché quand les fabricants ne fournissent pas d'évaluations complètes ou suffisamment étayées.

Les produits déjà sur le marché pourraient également être soumis à ces évaluations s'ils sont potentiellement nocifs pour l'environnement.

La piste des produits pharmaceutiques biodégradables

Du côté des associations environnementales, on estime qu'il y a urgence à mener des actions efficaces. Les experts de la Société suédoise de la protection de la nature (SSNC) réclament des mesures supplémentaires pour réduire l'utilisation des antibiotiques dans l'agriculture et accélérer l'élimination durable des produits pharmaceutiques. Ils veulent aussi promouvoir une consommation rationnelle et abordable de médicaments plus écologiques.

"Nous devons essayer de rendre le secteur des soins de santé plus vert : l'industrie pharmaceutique développe aujourd'hui, des produits plus écologiques, plus biologiques, qui peuvent se dégrader plus facilement, mais ils sont aussi plus chers," reconnaît Elin Engdahl, responsable de la politique. "C'est donc l'une des pistes d'action pour faire en sorte que les produits pharmaceutiques soient plus biodégradables," souligne-t-elle." Une autre manière d'agir, ce sont par exemple, des mesures préventives pour que les gens ne soient pas autant malades et n'aient pas besoin d'autant de produits pharmaceutiques," suggère-t-elle.

Dans sa proposition de directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires, la Commission cherche aussi à réduire l'impact environnemental des médicaments en étendant un régime de responsabilité aux fabricants de produits pharmaceutiques.

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