Dans les méandres du cerveau

Dans les méandres du cerveau
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

Il contrôle nos pensées, nos émotions et nos mouvements. A Bordeaux, Cervorama propose aux enfants de découvrir les secrets de notre cerveau.

Une visite dans les coulisses de cette exposition nous emmènera aussi à la rencontre des chercheurs européens (en Lituanie et en Autriche) qui tentent de percer les mystères de cet organe aux capacités exceptionnelles.

“L‘évolution a amené à créer des cerveaux différents qui ont des capacités totalement différentes. Même chez les êtres humains, on a des cerveaux qui sont différents d’un individu à l’autre. En fonction de ce qu’on va faire avec, en fonction de l’apprentissage, de notre parcours, on va développer plus ou moins de fonctions cognitives et cette plasticité du cerveau va créer un organe unique qui correspond à chacun”, explique Vincent Jouanneau, le conservateur de l’exposition Cervorama à Cap Sciences, à Bordeaux.

“Avant, on observait les cerveaux sur des sujets morts, après autopsie. Aujourd’hui on est capable d’aller voir un cerveau fonctionner en temps réel, in situ, dans des individus bien vivants grâce à l’imagerie médicale, donc grâce à cela, on va pouvoir comprendre de plus en plus comment il fonctionne”, ajoute Vincent Jouanneau.

“Forcément, on a tous peur de toucher à cet organe : quand on fait de la neurochirurgie, ce n’est pas une opération de l’appendicite. Donc, forcément, on a une forte appréhension avant d’aller toucher cet organe”, précise le conservateur de l’exposition Cervorama.

Direction, à présent, la Lituanie.

Dans cet hôpital, les patients qui souffrent de traumatismes crâniens sont équipés d’une paire de lunettes en plastique des plus étranges, pour mesurer leur pression crânienne.

La pression intracrânienne est essentielle pour établir un diagnostic. Mais, pour le moment, il faut littéralement percer la boîte crânienne pour la mesurer : une procédure dangereuse et coûteuse qui prive donc plus d’un million de patients européens d’un examen approfondi de leur blessures à la tête. Tout cela pourrait bientôt changer…

“Cet équipement nous donne, à nous neurochirurgiens, la possibilité de comprendre ce qui se passe dans le cerveau sans être invasif. Les méthodes de mesures invasives sont la règle aujourd’hui en neurochirurgie. Mais, vous ne pouvez pas les utiliser avec des patients conscients, par exemple. Cet équipement nous permet donc d’effectuer des relevés plus sûrs, plus rapides et plus précis de la pression intracrânienne”, explique Saulius Rocka, neurochirurgien à l’hôpital universitaire de Vilnius.

Cette technologie est basée sur les ultrasons. Dans ces lunettes, les chercheurs disposent un tube qui diffuse des faisceaux d’ultrasons. Il est délicatement apposé sur l’oeil. Et, ces faisceaux permettent de mesurer le flux du sang dans deux régions de l’artère ophtalmique.

Une technologie rapide et précise, d’après le coordinateur de ce projet appelé “Brainsafe”.

“Nous sommes en train d’essayer de mesurer la vitesse des particules de sang et d’autres paramètres dans de tous petits vaisseaux du cerveau”, indique Edvardas Satkauskas, responsable du développement et coordinateur du projet “BrainSafe”. “Le plus gros défi, c’est d‘être précis, donc notre équipement doit être très sensible. Nous avons donc dû développer des technologies très innovantes, comme le traitement numérique de signal ou des algorithmes de filtrage, le tout réuni dans une interface électronique”, commente-t-il.

Retour à Bordeaux pour en savoir plus sur cet organe, certes fragile, mais surtout fascinant qu’est le cerveau.

Il peut ainsi décupler, par lui-même, son potentiel, et le perdre tout aussi rapidement, en vieillissant.

“On a fait des IRM sur des chauffeurs de taxi londoniens. On a remarqué qu’ils avaient un hippocampe qui est plus développé – l’hippocampe c’est la zone qui est responsable de la mémoire. Alors pourquoi est-il plus développé ? C’est parce qu’ils ont dû apprendre par coeur la carte de Londres, une carte mentale et donc, du coup, développer cette faculté qui se voit structurellement”, explique Vincent Jouanneau, le conservateur de l’exposition Cervorama à Cap Sciences, à Bordeaux.

“Il y a beaucoup de choses qui sont en jeu dans la plasticité, mais il y a notamment les neurones qui sont capables de se reconfigurer entre eux et de créer des réseaux et, plus on va le stimuler, plus ce réseau de neurones va être fiable et développé. Et de la même manière, moins on le stimule, plus ce réseau de neurones va être amené à disparaître”, indique Vincent Jouanneau.

Les scientifiques de ce laboratoire de Vienne, en Autriche, n’hésitent pas à manipuler la matière pour révéler les secrets des molécules du cerveau, en particulier sur des cerveaux âgés. L’objectif : comprendre pourquoi certaines personnes développent la maladie d’Alzheimer et d’autres non.

“Les cellules nerveuses – qui entretiennent de nombreux contacts entre elles – commencent par perdre ces contacts. Ensuite, après la perte de ces contacts, les cellules nerveuses des neurones se mettent à mourir. Et, en parallèle, elles accumulent des protéines, des protéines pathologiques. C’est ce qui se produit dans un cerveau atteint d’Alzheimer. Et nous cherchons à découvrir la première étape de ce processus de détérioration. Lorsqu’un patient consulte un médecin et qu’il a déjà des symptômes d’Alzheimer, cela veut dire que les neurones sont déjà morts. Nous voulons remonter 5 à 8 ans avant, au moment où la maladie a vraiment débuté”, explique Gabor G. Kovacs, neurologue à l’Université Médicale de Vienne. Il est aussi coordinateur du projet “Develage”.

D’après ces chercheurs, les protéines et les gènes responsables du développement du cerveau joueraient également un rôle dans la dégénérescence neurologique qui touche les personnes âgées.

Et, selon eux, cette découverte fournit de précieux indices pour améliorer le dépistage et le traitement de la maladie d’Alzheimer.

Pour Gabor G. Kovacs, “il serait très important de comprendre pourquoi une partie de la population n’est pas touchée et reste disons “normale”, voir, par exemple, si ces personnes ont une protection génétique contre l’altération. Donc dans ce projet, nous ne nous concentrons pas seulement sur les facteurs de risque dans le génome mais aussi sur les facteurs de protection, quelle constellation génétique peut constituer un rempart à la maladie d’Alzheimer”.

“Si nous réussissons à identifier l’altération génétique, nous pourrons traduire cette découverte au niveau des protéines. Et ensuite nous pourrons générer un marqueur ou essayer de cibler ces connections lors de la thérapie, car nous saurions ce qui peut protéger le cerveau et nous pourrions générer quelque chose qui puisse aider les patients”, ajoute Gabor G. Kovacs.

Les facultés de notre cerveau sont encore largement inexplorées. Il peut, par exemple, nous permettre de contrôler des machines à distance, comme ces enfants en font l’expérience. Une technologie cruciale pour les personnes atteintes de handicap moteur.

“On voit notamment que des personnes qui sont paraplégiques, qui peuvent utiliser des interfaces homme-machine, qui peuvent utiliser leur cerveau directement pour piloter des machines. On se rend compte que le cerveau a des capacités incroyables et que, en fonction de ce qu’on va brancher dessus, il va être capable de le faire interagir, donc c’est dur de voir quelles sont les limites du cerveau”, commente Vincent Jouanneau, le conservateur de l’exposition Cervorama.

Reprenons la direction de l’Autriche. A Linz, on utilise sa matière grise pour allumer ou éteindre la lumière. Des électrodes placées sur le crâne détectent les signaux électriques envoyés par le cerveau. Un ordinateur les analyse et, en fonction de leur intensité, règle l’allumage des ampoules de la pièce. La lumière est donc commandée par l’activité cérébrale. Un dispositif capable d’aider les personnes paraplégiques à jouer aux jeux vidéo, aux jeux de société, et même à ouvrir des portes à distance.

Le meilleur reste à venir, d’après les scientifiques de l’Université Johannes Kepler :

“L’interface cerveau-ordinateur fonctionne ainsi : vous avez des électrodes placées sur la tête, là où les oscillations du cerveau peuvent être mesurées. Avec notre système, rien qu’un seul changement du signal neurologique suffit pour activer un contrôle par ordinateur. Exactement comme lorsque vous appuyez sur un seul bouton pour activer une fonction, nous pouvons n’utiliser qu’un signal du cerveau pour activer une fonction dans certaines machines”, relate Stefan Parker, spécialiste de l’informatique à l’Université Johannes Kepler, et coordinateur du projet AsTeRICS.

Ces chercheurs testent d’ores et déjà le contrôle à distance d’objets volants en combinant techniques sensorielles, vision artificielle et…ondes cérébrales. Des applications plus terre-à-terre sont également à l‘étude.

“Un bon exemple serait de contrôler avec le cerveau un e-fauteuil roulant, de manière très précise. Ou contrôler un ordinateur grâce au cerveau, ainsi l’ordinateur travaillerait beaucoup plus vite. On peut aussi envisager un futur dans lequel les ondes du cerveau pourraient aider à contrôler une orthèse, ce qui permettrait aux personnes paraplégiques de pouvoir de nouveau saisir des choses”, estime Gerhard Nussbaum, ingénieur informaticien qui milite pour l’intégration des personnes handicapées.

Un futur qui semble déjà à portée de main.

Les voies du cerveau ne sont plus impénétrables, mais il faudra encore des décennies de recherches pour résoudre l’infinie constellation de puzzles scientifiques contenus dans cet organe omnipotent.

Pour en savoir plus :

www.fp7brainsafe.com
www.develage.eu
www.asterics.eu
www.cap-sciences.net

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Comment restaurer la biodiversité dans les océans et eaux d'Europe ?

Plus de compétitivité et de sécurité dans la construction grâce aux robots à câble

Une nanotechnologie qui cible le cancer du sein décroche le prix européen Radar de l'Innovation