"Les mafias sont entrées dans les instances européennes"

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Par Euronews
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Le Parlement européen a approuvé le rapport que la Commission anti-mafia du Parlement européen a publié après 18 mois de travail. Il contient des propositions décisives pour lutter plus efficacement contre le crime organisé. Une première au niveau européen. La mafia étant présente dans tous les Etats-membres, stopper son infiltration au sein des institutions est une nécessité à l‘échelle de l’Union.
Nous aborderons le sujet avec Sonia Alfano, présidente de la commission anti-mafia, à l’issue de ce reportage.

Plus de vingt ans après la mort des juges anti-mafia, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, l’Italie n’en a pas fini avec ses fantômes, la justice tente toujours de résoudre les mystères qui entourent ces crimes mafieux.

Le 23 mai 1992, toute la violence de la mafia scilienne s’abat sur le juge Falcone, son épouse et trois agents de son escorte. L’organisation criminelle a pris pour cible un de ses pires ennemis: un juge scrupuleux et incorruptible.

53 jours plus tard, son ami, le juge Paolo Borsellino, et cinq de ses gardes du corps, sont assassinés à leur tour, à Palerme, la capitale sicilienne.

En 2008, l’enquête sur l’assassinat de Borsellino est ouverte à nouveau. Les magistrats ont des doutes: y aurait-il eu un pacte secret entre l’Etat italien et la mafia ? De nouvelles révélations suggèrent des complicités haut-placées.
Un procès a été ouvert pour tenter d‘éclaicir cette proximité supposée entre politique et crime organisé.

Sur le banc des accusés se trouvent entre autres, le fils de l’ancien maire de Paleme, Massimo Ciancimino, lui qui a apporté les preuves héritées de son père pour rouvrir le dossier.
On trouve également, l’ex-sénateur et bras-droit de Silvio Berlusconi, Marcello dell’Utri, déjà condamné pour complicité mafieuse en 2010.

Le journaliste et écrivain italien, Roberto Saviano, alerte depuis longtemps, sur cette capacité de la mafia a infiltrer toute la société, bien au-delà des frontières de l’Italie.

“Aujourd’hui, les organisations criminelles affectent surtout l’Europe. Aujourd’hui, les économies allemandes, anglaises ou espagnoles, par exemple, sont profondément infiltrées par les mafias, sans que les gouvernements de ces pays ne le fassent savoir à leurs citoyens. La mafia, les mafias, sont en train d’hypothéquer l’avenir de notre continent.”

Sonia Alfano, présidente de la commission anti-mafia du Parlement européen et candidate indépendante italienne aux prochaines européennes, veut faire de la lutte contre la mafia, une priorité pour l’Europe. Elle répond à euronews.

Michela Monte, euronews :
Le rapport anti-mafia établit la nécessité de lutter contre les mafias au niveau européen. Qu’ont-elles fait à l’Italie ? Qu’est-ce qui ne doit pas se répéter en Europe ?

Sonia Alfano, présidente de la commission anti-mafia du Parlement européen :
Nos mafias, sur notre territoire, ont pratiquement dévoré l‘économie et malheureusement, ont aussi infiltré le tissu social de la société civile.

Michela Monte :
S’attaquer à la richesse de la mafia revient à la désarmer. Dans ce rapport anti-mafia, les paradis fiscaux sont désignés comme des refuges pour les capitaux mafieux. Comment vos collègues autrichiens de la commission ont-ils réagi ?

Sonia Alfano :
Pas très bien. Et ils ne sont pas les seuls : les collègues allemands ont aussi essayé de mettre des obstacles aux actions de saisie et de confiscation des biens parce que pour eux, il était très important de se battre jusqu’au bout, sur certains aspects dans la mesure où ils défendent trop les droits des accusés. Bien sûr, nous voulons tous défendre les droits des accusés, mais quand il y a un accusé d’un côté et des victimes de l’autre, notre volonté de garantir les droits doit d’abord concerner les victimes.

Michela Monte :
Vous réclamez des contrôles plus approfondis pour identifier les titulaires de compte. Pourquoi ? Les truands sont-ils devenus de bons clients pour les banques européennes ?

Sonia Alfano :
Absolument. C’est pourquoi dans le rapport, nous avons aussi demandé l’abolition du secret bancaire parce que trop souvent, les banques se sont portées garantes de manière excessive à l‘égard de toutes les organisations qui sciemment y ont trouvé refuge, ont bénéficié de l’hospitalité de ces établissements.

Michela Monte :
Y a-t-il un risque réel que la mafia s’introduise dans les centres de décision européens ?

Sonia Alfano :
Malheureusement, les mafias sont déjà entrées dans les centres de décision. Elles sont parfaitement au courant – bien avant tout le monde – de ce qui se passe, d’où les choses se passent et de qui décide. Les mafieux ont leurs relations à l’intérieur des différentes instances, ils ont leurs relations au sein de la Commission européenne, du Parlement européen, du Conseil européen.
Quand je parle de mafias, je ne parle pas de la branche militaire des mafias, c’est-à-dire de ceux qui commettent des assassinats, des vols, des extorsions. Je fais référence à tous les criminels en col blanc, à tous ceux qui sont relativement intégrés dans les institutions, l’administration publique et toutes les organisations, qui ont des échanges continus avec les institutions européennes et qui savent quels leviers actionner.

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