Pologne : la campagne présidentielle bat son plein

Pologne : la campagne présidentielle bat son plein
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Par Ewa Dwernicki
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L’année 2015 se déroulera en Pologne sous le signe de rendez-vous démocratiques de première importance. Dès le mois de mai, les Polonais seront invités à élire le nouveau chef de l’Etat, puis ils retourneront aux urnes à l’automne pour choisir leurs députés.

Le premier tour des élections présidentielles étant prévu pour le 10 mai, la campagne bat déjà son plein. Même si le scrutin présidentiel n’est pas primordial dans le système électoral polonais, il définit néanmoins la position de départ des forces politiques pour la principale compétition qui est le scrutin législatif. Pour cette raison, la campagne présidentielle en cours suscite un intérêt certain : selon les derniers sondages d’opinion, 61 % des électeurs déclarent leur intention de participer au vote.

Entre autorité politique et représentation suprême, quel rôle pour le président ?

Le chef de l’Etat polonais est élu par les citoyens polonais, au scrutin universel direct, pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. La Pologne étant une république parlementaire, les pouvoirs du président ne sont guère étendus et il fait plus figure d’autorité politique et morale qu’il ne dirige réellement les affaires de l’Etat. Il nomme le président du Conseil (Premier ministre) mais, dans la pratique, c’est au chef de la majorité parlementaire qu’incombe la mission de former le gouvernement. Le chef de l’exécutif dispose néanmoins de l’initiative législative et peut l’influencer directement en utilisant son droit de veto. Cela lui permet, par exemple, de bloquer un projet de loi même si son veto peut être annulé par une majorité des trois cinquième au parlement (la Diète). Représentant suprême de l’Etat polonais, il est aussi le commandant en chef des forces armées.

Jeunesse et sécurité au centre des débats électoraux

Trois thèmes dominent la campagne présidentielle en Pologne. Tout d’abord, la crise démographique qui frappe le pays et le chômage des jeunes, de plus en plus nombreux à choisir la voie de l’émigration, placent la jeune génération au centre des débats politiques.

Viennent ensuite les questions de sécurité et de positionnement de la Pologne sur la scène internationale. Elles suscitent beaucoup d’intérêt de la part des électeurs, inquiets par la guerre civile qui se déroule chez le voisin ukrainien.

Enfin, dans un pays où le poids de l’Eglise reste toujours très fort, les questions touchant aux libertés de conscience, telles que la fécondation in vitro ou l’avortement, occupent une place de taille dans les batailles électorales. Elles passionnent une grande partie de la population polonaise et deviennent facilement le point focal guidant le choix des électeurs.

Réélection possible du président ?

Onze candidats vont briguer la fonction présidentielle mais, suivant les sondages d’opinion, seuls deux d’entre eux peuvent prétendre atteindre le second tour du scrutin.

Le président sortant, Bronislaw Komorowski (62 ans), en poste depuis 2010, est le grand favori de ce scrutin. Proche du parti de la droite libérale au pouvoir (PO, Plateforme civique), il bénéficie du soutien de cette formation politique sans être son candidat car, comme il l’a déclaré au début de la campagne, il « souhaite aujourd’hui être le candidat de tous les citoyens » et « être un président qui dépasse les barrières des divisions politiques ». En déclarant sa volonté de briguer un nouveau mandat, il s’est dit « encouragé par une bonne perception» de son premier quinquennat par les Polonais et par « le taux de confiance élevé » dont il est crédité. Il jouit, en effet, d’une grande popularité auprès de ses compatriotes en dépit de son manque de charisme.

La famille et la lutte contre la crise démographique, la modernisation et l’amélioration de la compétitivité économique ainsi que la sécurité du pays, basée sur une coopération étroite avec l’Union européenne et l’OTAN, sont les trois principaux axes de sa campagne. Ministre de la Défense en 2000-2001, il met en avant ses compétences et son expérience pour assumer le rôle de chef des forces armées.

Les sondages publiés au départ de la campagne créditaient Bronislaw Komorowski d’environ 60% des intentions de vote, ce qui confirmait l’avis de certains analystes sur une possible réélection dès le premier tour du scrutin, le 10 mai. Depuis lors, son principal rival, le conservateur Andrzej Duda, représentant du parti d’opposition Droit et Justice (PiS), a refait une partie de son retard.

Le candidat de la droite catholique, seul à pouvoir défier le président sortant

En 2010, B. Komorowski avait battu au second tour du scrutin le chef de Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau de l’ex-président Lech Kaczynski mort en 2010 dans l’accident d’avion de Smolensk, en Russie. Il a décidé, cette fois-ci, de ne pas se présenter et d’appuyer un jeune candidat quasi inconnu. Se présentant comme le « candidat de tous les patriotes polonais », le député européen Andrzej Duda (42 ans) veut suivre la voie de son mentor Lech Kaczynski, connu pour son ultra conservatisme et son euroscepticisme. Il n’a cependant ni son expérience politique, ni sa légitimité passée de militant de « Solidarnosc » et le programme qu’il propose semble être basé essentiellement sur une critique en bloc de la politique menée par la coalition en place.

Considéré par ses détracteurs comme un homme politique de troisième rang, il multiplie les promesses populistes, souvent dans des domaines qui ne font même pas partie des prérogatives du président. En ce qui concerne sa vision de la politique étrangère, elle ne diffère pas beaucoup de celle de l’actuel président.

Soutenu par un électorat catholique et conservateur, le candidat Duda désapprouve toutes les propositions de loi progressistes dans le domaine de libertés individuelles (la fécondation in vitro, l’avortement ou la défense des droits des femmes), se coupant ainsi de l’électorat centriste largement favorable aux changements dans ce domaine. Il va donc devoir redoubler d’efforts pour rivaliser avec le candidat du Parti paysan polonais (PSL), Adam Jarubas, et tenter de conquérir au moins une partie de l’électorat des campagnes. Ce jeune politique (40 ans), également méconnu, se définissant lui-même comme « le porte-parole de la Pologne de province », tente de bâtir son capital électoral sur les craintes des Polonais face à un conflit potentiel avec la Russie. Sa campagne, basée sur une critique virulente de la politique étrangère de la coalition en place (dont sa formation politique fait partie !), reste pour le moment peu convaincante. Il est crédité de 2% d’intentions de vote.

Marketing politique à l’américaine pour la gauche postcommuniste

La troisième place dans les sondages revient à la candidate désignée par l’Alliance Démocratique de Gauche (SLD, anciens communistes), Magdalena Ogorek. Cette jeune (36 ans) spécialiste de l’histoire de l’Eglise a une notoriété restreinte auprès du grand public. Sa candidature surprend et étonne. Sortie tout droit du chapeau du leader du parti, Leszek Miller, et présentée comme une candidate d’ouverture tournée vers les nouvelles générations de Polonais, progressistes et pro-européennes, la jeune femme aux allures de mannequin apparaît plutôt comme la dernière carte que les dirigeants du SLD veulent jouer pour sauver une formation en crise.

Selon de nombreux observateurs, utiliser la candidature de Magdalena Ogorek, qui tranche sensiblement avec celle de Bronislaw Komorowski, ferait partie de la stratégie marketing du parti. A travers cette candidature-gadget, c’est la conquête de l’électorat jeune en vue des prochaines élections parlementaires qui est visée. Les mêmes experts doutent pourtant fortement du succès de ces calculs politiques. Ils alertent plutôt sur le risque que court le parti d’affaiblir davantage encore son électorat traditionnel (constitué de la génération des plus de 50 ans) complètement désorienté par les propos incohérents de la candidate.

Totalement dépourvue d’expérience en politique et mélangeant dans sa campagne des slogans de centre-droit (facilités accordées aux entrepreneurs, création d’une Garde nationale) et de gauche (fécondation in vitro, question des retraites), Magdalena Ogorek paraît peu crédible. Son discours populiste (« la refondation de la loi polonaise »), son total manque d’idées neuves correspondant aux valeurs de la gauche ou sa manière d’esquiver les questions importantes (comme celle de la séparation de l’Eglise et de l’Etat) font qu’au lieu de rassembler la gauche, elle participe à sa division.

Les outsiders de la présidentielle 2015 peu convaincants

Les élections présidentielles drainent toujours leur lot de candidats improbables qui y trouvent l’occasion de promouvoir leur programme politique et de porter sur la scène nationale des idées jusque-là restées marginales. C’est le cas du chanteur Pawel Kukiz. D’autres, comme Janusz Palikot, révélation des présidentielles de 2010, ou Janusz Korwin-Mikke, eurodéputé d’extrême-droite, tentent de se maintenir sur l’échiquier politique, même sans réelle base militante.

Il est difficile à l’heure actuelle de prévoir si le premier tour de l’élection présidentielle sera suffisant à Bronislaw Komorowski pour s’imposer une nouvelle fois. Suivant les derniers sondages d’opinion, rien n’est moins sûr.

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