Afghanistan : qui sont les talibans et leurs dirigeants ?

Combattants talibans après leur prise de contrôle du palais présidentiel à Kaboul, le 15 août 2021
Combattants talibans après leur prise de contrôle du palais présidentiel à Kaboul, le 15 août 2021 Tous droits réservés Zabi Karimi/AP Photo
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Par euronews avec AFP
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20 ans après sa chute, ce groupe extrémiste religieux a repris le pouvoir à Kaboul.

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Pratiquement 20 ans après avoir été chassés du pouvoir, les talibans sont de nouveaux les maîtres de l'Afghanistan. "Les talibans ont gagné", a ainsi reconnu ce dimanche soir le président afghan Ashraf Ghani, en fuite à l'étranger, tandis que les insurgés criaient victoire dans le palais présidentiel à Kaboul.

Les arcanes du mouvement taliban sont entourées de mystère, tout comme lorsqu'il dirigeait l'Afghanistan entre 1996 et 2001, en imposant une interprétation radicale de la charia.

Les origines des talibans

En 1994, le mouvement des talibans ("étudiants en religion") apparaît en Afghanistan dans un pays dévasté par la guerre contre les Soviétiques (1979-89) et confronté à une lutte fratricide entre moudjahidines depuis la chute en 1992 du régime communiste à Kaboul. 

Formés dans des madrassas (écoles coraniques) au Pakistan voisin où ces islamistes sunnites ont trouvé refuge durant le conflit avec les Soviétiques, les talibans ont alors à leur tête le mystérieux mollah Mohammad Omar, décédé en 2003. 

Comme la majorité de la population afghane, les talibans sont essentiellement Pachtounes, l'ethnie qui a dominé le pays quasi-continuellement depuis deux siècles.

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Combattants talibans, photographiés à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul, le 17 août 1998SAEED KHAN/AFP

Dotés d'un arsenal militaire et d'un important trésor de guerre qui leur permet d'acheter les commandants locaux, ils ont enchaîné les conquêtes territoriales jusqu'à Kaboul dont ils se sont emparés le 27 septembre 1996

Un régime de terreur

Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les talibans ont imposé la loi islamique la plus stricte, interdisant jeux, musique, photographies, télévision... Les femmes n'avaient plus le droit de travailler et les écoles pour filles ont été fermées.

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Combattants talibans autour d'un voleur, dont une main est en train d'être coupée, au stade national de Kaboul, le 7 août 1998.STEFAN SMITH/AFP

Mains des voleurs coupées, meurtriers exécutés en public, homosexuels écrasés sous un mur de briques, femmes adultères lapidées à mort : leurs châtiments ont été dénoncés par la communauté internationale, tout comme le dynamitage en mars 2001 des bouddhas géants de Bamiyan, dans le centre de l'Afghanistan. A leur apogée, le territoire des talibans, qui ont contrôlé jusqu'à 90% du pays devient un sanctuaire pour les djihadistes du monde entier qui s'y entraînent, notamment Al-Qaïda.

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La niche vide, où se dressait le grand bouddah de Bamiyan détruit par les talibans en 2001. Photographie du 17 juin 2009Rahmat Gul/AP Photo

Après les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis, perpétrés par Al-Qaïda, Washington et ses alliés de l'Otan lancent le 7 octobre 2001 une vaste opération militaire suite au refus du régime taliban de livrer ben Laden.

Effectifs, armes et ressources

Aujourd'hui, les effectifs exacts des talibans restent inconnus. Les experts de l'ONU les évaluaient à entre 55 000 et 85 000 combattants à la fin 2020. Depuis mai dernier, les talibans ont enchaîné les conquêtes sans rencontrer de grande résistance, à la faveur du retrait des forces américaines et de l'Otan.

Le montant et l'origine des ressources des talibans ne sont pas connus avec précision. Les experts de l'ONU estimaient l'an dernier que les talibans tiraient entre 300 millions et 1,5 milliard de dollars par an des taxes levées dans les territoires qu'ils contrôlent, mais aussi d'activités criminelles dont le trafic de drogue et le racket d'entreprises.

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Combattants talibans, armés de AK47, montant la garde à un poste de contrôle près de l'ambassade des États-Unis, à Kaboul en Afghanistan, mardi 17 août 2021.STR/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved.

Les talibans se contentent surtout d'armes légères qui ont inondé l'Afghanistan durant les décennies de conflit, comme le fusil d'assaut soviétique AK-47 (kalachnikov) et ses dérivés.

Ils possèdent également des fusils de précision, mitrailleuses, lance-roquettes et mortiers. Il tentent aussi d'utiliser des armes antiaériennes et antichars, avec des résultats mitigés, explique Antonio Giustozzi, expert des talibans, dans un livre publié en 2019.

Leurs armes les plus létales restent leurs kamikazes et leurs engins explosifs artisanaux, qui ont tué de nombreux soldats afghans et étrangers, mais aussi de nombreux civils. Les talibans ont aussi récupéré au combat certains équipements modernes des forces afghanes.

Les principaux dirigeants taliban

Haibatullah Akhundzada, le leader suprême

Le mollah Haibatullah Akhundzada a été nommé à la tête des talibans en mai 2016 lors d'une rapide transition du pouvoir, quelques jours après la mort de son prédécesseur, Mansour, tué par une frappe d'un drone américain au Pakistan.

Talibans afghans / AFP
Photo non datée diffusée en 2016 par les talibans du mollah Haibatullah AkhundzadaTalibans afghans / AFP

Avant sa nomination, on savait peu de choses d'Akhundzada, jusque-là plus versé dans les questions judiciaires et religieuses que dans l'art militaire.

Si cet érudit jouissait d'une grande influence au sein de l'insurrection, dont il dirigeait le système judiciaire, certains analystes estimaient que son rôle à la tête du mouvement serait davantage symbolique qu'opérationnel.

Fils d'un théologien, originaire de Kandahar, cœur du pays pachtoune dans le sud de l'Afghanistan et berceau des talibans, Akhundzada a rapidement obtenu une promesse de loyauté de la part d'Ayman al-Zawahiri, le chef d'Al-Qaïda.

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L’Égyptien l'a qualifié d'"émir des croyants", une appellation qui lui a permis d'asseoir sa crédibilité dans l'univers djihadiste.

Akhundzada a eu la délicate mission d'unifier les talibans, fracturés par une violente lutte pour le pouvoir après la mort de Mansour et la révélation qu'ils avaient caché pendant des années la mort du fondateur du mouvement, le mollah Omar.

Il a réussi à maintenir la cohésion du groupe et a continué à rester plutôt discret, se limitant à diffuser de rares messages annuels lors des fêtes islamiques.

Le mollah Baradar, le cofondateur

Abdul Ghani Baradar, né dans la province d'Uruzgan (sud) et qui a grandi à Kandahar, est le co-fondateur des talibans avec le mollah Omar, décédé en 2013 mais dont la mort avait été cachée deux années durant.

Comme nombre d'Afghans, sa vie a été transformée par l'invasion soviétique en 1979, qui en a fait un moujahid, et on pense qu'il a combattu aux côtés du mollah Omar.

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Le mollah Abdul Ghani Baradar, lors de pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans, organisés à à Doha au Qatar, le 18 juillet 2021.KARIM JAAFAR/AFP or licensors

En 2001, après l'intervention américaine et la chute du régime taliban, il aurait fait partie d'un petit groupe d'insurgés prêts à un accord dans lequel ils reconnaissaient l'administration de Kaboul. Mais cette initiative s'est révélée infructueuse.

Il était le chef militaire des talibans quand il a été arrêté en 2010 à Karachi, au Pakistan. Il a été libéré en 2018, sous la pression en particulier de Washington.

Écouté et respecté des différentes factions talibanes, il a ensuite été nommé chef de leur bureau politique, situé au Qatar.

De là, il a conduit les négociations avec les Américains menant au retrait des forces étrangères d'Afghanistan, puis aux pourparlers de paix avec le gouvernement afghans, qui n'ont rien donné.

Sirajuddin Haqqani, le chef du réseau Haqqani

Fils d'un célèbre commandant du djihad anti-soviétique, Jalaluddin Haqqani, Sirajuddin est à la fois le numéro deux des talibans et le chef du puissant réseau portant son nom de famille.

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Le réseau Haqqani, fondé par son père, est qualifié de terroriste par Washington, qui l'a toujours considéré comme l'une des plus dangereuses factions combattant les troupes américaines et de l'Otan ces deux dernières décennies en Afghanistan.

Le réseau est connu pour son recours à des kamikazes et on lui a attribué certaines des attaques les plus violentes perpétrées en Afghanistan ces dernières années.

Il a aussi été accusé d'avoir assassiné certains hauts responsables afghans et d'avoir retenu en otage des Occidentaux, avant de les libérer contre rançon ou des prisonniers, comme le soldat américain Bowe Bergdahl, relâché en 2014 en échange de cinq détenus afghans de la prison de Guantanamo.

Connus pour leur indépendance, leur habileté au combat et leurs affaires juteuses, les Haqqani seraient en charge des opérations talibanes dans les zones montagneuses de l'est afghan, et auraient une forte influence sur les décisions du mouvement.

Le mollah Yaqoub, l'héritier

Fils du mollah Omar, Yaqoub est le chef de la puissante commission militaire des talibans, qui décide des orientations stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan.

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Son ascendance et ses liens avec son père, qui faisait l'objet d'un véritable culte en tant que chef des talibans, en font une figure unificatrice au sein d'un mouvement large et diverse.

Les spéculations sur son rôle exact dans le mouvement sont toutefois persistantes. Certains analystes estiment que sa nomination à la tête de cette commission en 2020 n'était que purement symbolique.

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