Pédocriminalité dans le clergé catholique : l'Italie face à la loi du silence

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Par Giorgia Orlandi
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Alors que certains pays ont entamé des enquêtes approfondies sur le scandale des abus sexuels sur mineurs commis par des religieux catholiques, l'Italie reste très en retard dans ce dossier, probablement lestée par les hésitations du Vatican.

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La loi du silence semble encore dominer en Italie concernant la pédocriminalité dans le clergé catholique.

Le Vatican a souvent été accusé de ne pas en faire assez malgré la tenue il y a quatre ans à la demande du pape François, d'un sommet mondial sur le problème et la promesse de mettre fin aux dissimulations.

"Cette volonté de sauver la réputation de l'Église"

De même, la Commission pontificale pour la protection des mineurs créée en 2014 a été critiquée. L'une de ses membres, l'Irlandaise Marie Collins l'a quittée en 2017 pour dénoncer l'immobilisme des instances religieuses. Selon cette ancienne victime de religieux dans sa jeunesse, très peu de choses sont ressorties de cette Commission depuis.

"Quand j'ai démissionné, je voulais que l'on sache qu'il y avait une résistance ; que la Commission avait essayé de faire son travail, mais que des personnes de la Curie lui avaient mis des bâtons dans les roues," raconte Marie Collins à euronews. "Le pouvoir et la politique du Vatican étaient ce qu'ils étaient : ils voulaient contrôler la Commission pour nous priver de notre indépendance, ils avaient peur de tout changement et cela nous ramène au cœur du problème, à cette volonté de sauver la réputation de l'Église," dénonce-t-elle.

Près d'un million de victimes italiennes selon des estimations

Contrairement à d'autres pays, l'Italie a peu avancé sur cette question. En l'absence d'une enquête indépendante, de chiffres officiels et d'un engagement de l'État italien sur le sujet, il a été laissé au seul groupe militant du pays, la tâche de compiler ce qu'il pouvait.

Nous avons pu rencontrer le président de cette ONG appelé Rete L'Abuso, Francesco Zanardi, lui-même survivant d'abus, dans le nord de l'Italie.

Le dernier rapport de l'ONG, envoyé aux autorités italiennes, recense plus de 400 victimes, mais celles-ci seraient près d'un million selon des estimations.

"Comparé à un laïc, le nombre total de victimes potentielles qu'un prêtre peut agresser sexuellement est plus important," explique Francesco Zanardi, "principalement en raison des dissimulations, mais aussi parce que le prêtre, au lieu d'être dénoncé à la police, est souvent déplacé d'une église à l'autre : ce qui fait plus de victimes. En Italie, le nombre total de prêtres est trois fois supérieur à celui de la France," fait-il remarquer - en référence au nombre de 330 000 cas recensés en France de 1950 à 2020 par la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l'Église (CIASE) -.

"Chaque Italien a un lien avec l'Église catholique"

La Conférence épiscopale italienne a publié un rapport sur les plaintes recueillies récemment par les "centres d'écoute" des diocèses. Ce qui semble bien peu...

"L'Italie reste un pays très homogène d'un point de vue culturel et social," fait remarquer Iacopo Scaramuzzi, correspondant au Vatican pour "La Repubblica", avant d'ajouter : "Je ne dis pas que nous sommes tous catholiques, mais chaque Italien a un lien avec l'Église catholique, du fait de sa famille ou de son passé. C'est pourquoi ici, il faut plus de temps et il est plus difficile pour les gens en général de prendre conscience de ce qui se passe," estime-t-il.

En Italie, beaucoup espèrent qu'elle suivra l'exemple de ces voisins où ces crimes ont déjà fait l'objet d'enquêtes approfondies.

Journaliste • Giorgia Orlandi

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