Un an après le rapport "Sauvé" en France, où en sont les victimes?

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Par Johan Bodinier
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Bien que les instances indépendantes mises en place par l'église pour accompagner les demandes de réparations, certaines victimes ont pu trouver l'apaisement - tandis que d'autres se battent toujours pour obtenir une juste compensation.

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Le 5 Octobre 2021, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l'Eglise (CIASE) publie son rapport : de 1950 à 2020, pas moins de 330 000 mineurs sont victimes d’abus sexuels par des clercs ou des laïcs au sein de l’Eglise.

Afin de leur porter réparations, deux instances indépendantes sont créées : l’Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation (INIRR), et la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR). Plus d'un an après, les victimes ont-elles pu trouver l’apaisement ? 

Selon Nancy Couturier, directrice de l'association "Tous Ensemble", c'est loin d'être le cas. Agressée et violée pendant plus de dix ans par trois prêtres durant son enfance, elle a été la première personne prise en charge par la Commission Reconnaissance et Réparation.

Selon elle, la compensation financière est la réponse la plus pressante à fournir aux victimes - qui bien souvent, se sont tenus dans le silence une grande partie de leur vie, par honte ou bien par peur.

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Nancy Couturier, victime d'abus sexuelsEuronews

"J'ai mis 50 ans pour pouvoir parler"

Désormais, ces victimes souhaitent sortir de leurs isolements. Pour Nancy, le plus important est que les commissions puissent reconnaître, à juste titre et en rapport avec les infractions commises, le montant du préjudice subit. 

"On demande une justice. La justice de l'argent. La justice civile, on l'a plus. La reconnaissance: qu'on prenne toutes ces victimes à la hauteur de ce qu'elles ont subies... Et qu'elles subissent encore, mentalement, moralement," explique-t-elle.

Malheureusement, le caractère exceptionnel du travail de ces commissions (et le manque de précédent) a pu donner l'impression d'un manque de sérieux. Après que la Commission Reconnaissance et Réparation ait  proposée à Nancy Couturier de payer dans un premier temps les frais vétérinaires de son chien, puis une pension chaque mois, elle s'est sentie humiliée. 

C'est alors qu'elle décide de créer son association pour aider les autres victimes à faire valoir leurs droits. 

Car elle n'est pas la seule à être en colère : certaines victimes ont reçu la décision de proposition d'indemnisation uniquement par courrier.

"Dans cette lettre, la victime est bien reconnue, les curés sont bien connus, tout les impacts qui ont eue lieu dans sa vie sont bien reconnus... Et là : 37 000 euros. C'est pas possible, 37 000 euros. Pour avoir les 60 000 euros, il faut être grabataire ? C'est dégueulasse, c'est pas normal !"

60 000 euros, c'est le plafond de réparation maximum instauré par les deux commissions. Un montant considéré comme très insuffisant pour Maître Sannier, avocat de l’association. 

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Jean Sannier, avocat de victimes d'abus sexuelsEuronews

"L'urgence est de rétablir un montant d'indemnisation en rapport avec les infractions commises"

Comme le rappelle Me. Sannier, la prescription des faits rend toute justice devant un tribunal judiciaire impossible. Ce qui a permit de plafonner les demandes d'indemnisations des victimes à un certain montant. 

"Ce montant ne dépassera pas le montant que moi j'ai obtenu devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne pour un prêtre qui a mis la main aux fesses d'un garçon," ajoute-t-il.

Un problème selon lui, puisque les dépenses de soins des victimes ne sont pas du tout prises en compte par les commissions.

Lorsque l'on a dépensé plus de 60 000 euros de frais de thérapie et que l'on est plafonné à 60 000 euros, on n’aura pas d'indemnisation.
Me. Jean Sannier
Avocat

Pour maître Sannier, il s’agit là de protéger les deniers de l’Eglise.

Une déclaration que le président de la Commission Reconnaissance et Réparation, Antoine Garapon, estime tout à fait injustifiée et malhonnête. Pour lui, aucun montant ne saurait dans l’absolu réparer ces vies brisées.

"On trouve que ce serait malhonnête de faire miroiter […] une réparation totale qu'elles n'obtiendront jamais, parce que tout simplement cette réparation n'existe pas"

Pour lui, les instances de réparations sont en constante adaptation avec les besoins des victimes. Etant donné une étude au cas par cas des dossiers et une mise à jour constante des instruments utilisés, la difficulté d'effectuer une justice réparatrice n'est pas rendu aisé. Pour autant, il s'estime fier du travail effectué pour les victimes. 

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"Je pense que nous pouvons être fier du travail que nous avons accomplit jusqu'à présent. Nous avons réussis à accompagner certaines victimes, qui nous ont d'ailleurs remercié du travail que nous avons accomplit," explique-t-il. 

Moins de 1% des 200 000 victimes encore vivantes en France ont engagé une démarche de réparation

Pour autant, une inquiétude plus importante que les demandes de compensations le taraude. Pour lui, le principal problème que rencontrent les commissions à ce jour ne sont pas les demandes d'indemnisations, mais la quantité extrêmement faible de personnes.

"Je pense que là où nous avons échoué, et nous en sommes conscient, c'est dans notre capacité de communication ; nous essayons toujours de comprendre pourquoi si peu de personnes ont entammé une demande de réparation."

Journaliste • Johan Bodinier

Video editor • Johan Bodinier

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