Le film de la semaine : "La Rivière" de Dominique Marchais, Prix Jean-Vigo 2023

"La Rivière" de Dominique Marchais
"La Rivière" de Dominique Marchais Tous droits réservés Météore Films
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Par Frédéric Ponsard
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C'est un documentaire à montrer le plus largement possible : "La Rivière" nous emmène sur les rives enchanteresses des gaves des Pyrénées, gravement menacées par l'homme. Un film d'une grande richesse esthétique et humaine.

La Rivière, Dominique Marchais

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France (1h44, documentaire)

Face à Napoléon, notre film de la semaine est beaucoup plus modeste mais il vous laissera des traces plus profondes. En plongeant dans « La Rivière », le spectateur est invité à un voyage aussi bien esthétique que politique, en éveillant nos sens comme nos consciences.

Water Get Enemy

Ce n’est pas un hasard si « La Rivière » vient de recevoir de Prix-Jean-Vigo qui distingue un ou une cinéaste pour son originalité, son audace, son indépendance d’esprit et la qualité de sa réalisation. Dominique Marchais coche toutes les cases et succède ainsi à Alice Diop et son "Saint-Omer", récompensé à Venise et qui fut aussi le candidat français pour les Oscars l’an dernier. Le documentaire est en effet le parfait exemple de la réussite de la rencontre de l’esthétique et du politique. Avec cette grande attention à l’image et à la construction du récit avec, sans cesse, les préoccupations écologiques et environnementales qui suintent littéralement des témoignages qui se succèderont tout au long du film. On est en présence d’un film qui va changer notre regard en l’aiguisant, en faisant confiance à l’intelligence du spectateur pour qu’il s’approprie les propos du film et se fonde lui aussi dans le décor.

Et au milieu, la rivière coule

Les gaves du Pays basque sont ces multiples petites rivières qui sépare la confluence du gave de Pau, d'Oloron, de la confluence avec l'Adour pour se jeter in fini dans l’infini Océan Atlantique, des cours d’eau qui naissent aux pieds des grands sommets des Pyrénées et que remontent depuis des millénaires les saumons, réceptacle d’un brassage biologique incroyable qui font se rencontrer les torrents et les marées. Dans cet éden, l’homme y laisse des traces dont certaines sont devenus indélébiles et préjudiciables pour la nature et l’environnement. Et donc aussi pour l’homme dans une boucle circulaire vicieuse qui appauvrit la terre et ses ressources.

L'eau, sur un fil

A travers le vécu d’hommes et de femmes qui sont concernés par « la rivière » (terme qui devient générique pour les gaves dans ce film), soit parce qu’ils ont grandi sur ces rives, pêcher ses poissons (comme la passionnée et lucide Manon Delbeck, garde-pêche et membre de l’association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques) ou tout simplement par l’agrément d’une nature abondante et généreuse ou parce qu’elle est leur objet d’études et de travail (comme Dominique Nuques, directeur du Parc National des Pyrénées et aussi enfant du pays), Dominique Marchais dessine au fil de l’eau un portrait impressionniste d’un paysage qui nous apparaît non pas dans une vérité mais comme une image assez fidèle de la réalité, et c’est bien là le tour de force (motrice) du film.

Passer sous la surface

Le documentaire est aujourd’hui devenu un vecteur essentiel de transmission du savoir, de la connaissance, mais aussi et surtout de la mémoire des hommes et de ses paysages. Avec « La Rivière », Dominique Marchais passe sous la surface des choses et de l’eau, physiquement et métaphoriquement. Il rythme en effet les rencontres de chacun de ses personnages par des séquences contemplatives de la rivière, de l’eau qui coule et qui n’a pas d’ennemi, sauf lorsque l’homme agit contre elle en ne pensant qu’à jouer pour lui. La magie s’opère lorsque notre regard flotte entre deux eaux, lorsqu’un saumon surgit en remontant à la surface d’une ligne. On pénètre alors littéralement l’eau, la transperce pour essayer d’en saisir ses mystères, ces ombres et ses ondes. Le film a cette double vertu d’aiguiser notre regard comme notre savoir. Le constat du film est en tout cas sans appel, mais pas sans espoir : les hommes ont fait n’importe quoi, continue allègrement, mais d’autres hommes (et femmes !) essayent à leur échelle de préserver, d’avertir et de lutter pour qu’un jour la source incroyable de vie qu’est une rivière ne se tarissent pas pour de bon. Cela ne semble plus couler de source.

L'interview de Dominique Marchais ici.

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