La France et l'Allemagne souhaitent identifier la provenance de leurs objets d'art africains

Un visiteur regarde des statues royales en bois du royaume du Dahomey, dans l'actuel Bénin, datées du XIXème siècle, au musée du Quai Branly à Paris en 2018.
Un visiteur regarde des statues royales en bois du royaume du Dahomey, dans l'actuel Bénin, datées du XIXème siècle, au musée du Quai Branly à Paris en 2018. Tous droits réservés AP Photo
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Par Anca Ulea
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Cet article a été initialement publié en anglais

Un nouveau fonds de 2,1 millions d'euros financera pendant trois ans des recherches visant à déterminer si les objets d'art africains conservés dans les musées nationaux français et allemands ont été obtenus à juste titre.

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Alors que le mouvement de "décolonisation" des musées gagne du terrain en Europe, la France et l'Allemagne ont lancé un fonds de recherche de 2,1 millions d'euros pour étudier la provenance des objets culturels africains dans leurs institutions nationales.

Le nouveau fonds vise à financer des projets de recherche portant sur des objets culturels provenant de toute l'Afrique subsaharienne. Les anciennes colonies françaises et allemandes telles que le Cameroun et le Togo seront prioritaires.

Chaque pays contribuera à hauteur de 360 000 € par an au fonds triennal, qui fonctionnera sur la base d'une demande de projets.

L'initiative a été annoncée par les ministères de la Culture de la France et de l'Allemagne au début du mois. Les formulaires de soumission pour les projets éligibles seront disponibles en ligne cette semaine et jusqu'au 30 avril.

Le Centre Marc Bloch, un centre de recherche franco-allemand en sciences sociales et humaines situé à Berlin, gérera le versement des fonds.

"La première année sera expérimentale", précise Julie Sissia, chef de projet scientifique du fonds et chercheuse au Centre Marc Bloch. "Nous avons donné le moins de contraintes budgétaires et thématiques possibles pour les critères d'éligibilité afin de rester le plus ouvert possible".

Pour bénéficier d'un financement, les projets doivent comporter une équipe institutionnelle franco-allemande, entretenir des relations étroites avec un partenaire en Afrique et porter à la fois sur la recherche muséale et universitaire, explique Julie Sissia.

"Nous voulons voir comment, d'un point de vue franco-allemand, de nouvelles équipes et de nouvelles méthodes peuvent émerger de ce format", déclare la chercheuse à Euronews Culture.

Selon elle, il s'agit du premier fonds consacré à la coopération internationale en matière de recherche sur la provenance, ce qui représente un grand pas en avant vers une collaboration à l'échelle européenne sur cette question cruciale.

"Cette initiative montre que la collaboration franco-allemande fonctionne bien dans le domaine culturel aujourd'hui, et elle pourrait faire office de projet pilote car les ministères de la Culture allemand et français envisagent d'étendre cette collaboration au niveau européen une fois que la phase expérimentale de trois ans sera terminée", conclut Julie Sissia.

Sculptures connues sous le nom de "Bronzes du Bénin" exposées au Linden Museum de Stuttgart, en Allemagne, en 2022.
Sculptures connues sous le nom de "Bronzes du Bénin" exposées au Linden Museum de Stuttgart, en Allemagne, en 2022.Bernd Weissbrod/dpa via AP Photo

Un engagement croissant en faveur de la restitution des oeuvres en Europe

Les musées d'Europe et d'Amérique du Nord sont de plus en plus sollicités pour revoir leur approche des objets culturels indigènes et coloniaux en leur possession.

Tout récemment, le Musée américain d'histoire naturelle a annoncé la fermeture de deux grandes ailes exposant des objets amérindiens, après que de nouvelles réglementations fédérales ont exigé des musées qu'ils obtiennent le consentement des tribus avant d'exposer leurs objets culturels ou d'effectuer des recherches à leur sujet.

La France et l'Allemagne travaillent toutes deux à la mise en place d'un cadre pour la restitution d'objets africains, une question qui est devenue une nouvelle priorité pour les décideurs politiques nationaux.

En France, l'impulsion a été donnée après un discours prononcé en 2017 par le président Emmanuel Macron, dans lequel il promettait de rétablir des relations avec les anciennes colonies de la France en Afrique subsaharienne.

Il avait alors déclaré que la restitution ou le prêt d'objets africains détenus dans des institutions culturelles françaises était une _"_priorité absolue" pour son administration.

"Le patrimoine africain ne peut pas être prisonnier des musées européens", avançait Emmanuel Macron dans un tweet après son voyage au Burkina Faso, au Ghana et en Côte d'Ivoire.

La France a restitué 26 objets d'art au Bénin en 2021, mais les efforts de restitution se sont enlisés ces dernières années, une loi visant à établir un cadre pour la restitution des objets d'art africains ayant été bloquée par le Parlement à la fin de l'année dernière.

L'Allemagne a également progressé dans ce domaine en signant un accord pour la restitution de centaines d'objets connus sous le nom de "Bronzes du Bénin", qui avaient été pillés par une expédition coloniale britannique.

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Jusqu'à présent, Berlin a restitué au Nigeria une vingtaine de bronzes qui étaient auparavant exposés dans les musées nationaux allemands. La collection nationale allemande possède l'un des plus grands nombres d'objets africains au monde.

Selon Julie Sissia, le nouveau fonds franco-allemand permettra également de mener de nouvelles recherches sur la circulation des objets culturels en provenance d'Afrique, en mettant en lumière la manière dont les objets traversent les frontières par l'intermédiaire de marchands d'art et d'institutions culturelles internationales.

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