Vladimir Poutine pourrait-il être poursuivi pour "crimes de guerre" en Ukraine ?

Vladimir Poutine pourrait-il être poursuivi pour "crimes de guerre" en Ukraine ?
Tous droits réservés Mikhail Klimentyev, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP
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Par Yolaine De Kerchove Dexaerde
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La Cour pénale internationale a ouvert une enquête pour crimes de guerre en Ukraine. Que risque le président russe?

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Que peut faire la Cour pénale internationale (CPI) face au chef d'Etat russe? La condamnation pour "crimes de guerre" semble compliquée, mais pas impossible.

Le nombre croissant de victimes civiles en Ukraine suscite des accusations selon lesquelles Moscou aurait commis des crimes de guerre en bombardant sans relâche des cibles non militaires dans les villes et en utilisant des armes qui augmentent le risque de décès et de blessures pour les non-combattants.

En quête de preuves, le gouvernement ukrainien a ouvert un nouveau front dans le conflit, en envoyant des équipes visuelles sur les sites bombardés afin de monter un dossier contre la Russie devant la Cour pénale internationale de La Haye.

Le mois dernier, le procureur de la CPI a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les éventuels crimes de guerre perpétrés en Ukraine. Une décision saluée par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne lors de leur sommet à Versailles vendredi.

La chasse aux preuves

En vertu du droit international, les crimes de guerre comprennent le fait de prendre pour cible des civils, ainsi que les attaques qui causent des pertes civiles disproportionnées par rapport à l'objectif militaire. Cela inclut les attaques contre des hôpitaux, des cliniques, des écoles, des monuments historiques et d'autres sites civils essentiels, ainsi que l'attaque ou le bombardement de villes, de villages ou d'habitations qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires.

Pourtant, de nombreux actes de violence horribles qui entraînent la mort de non-combattants ne répondraient pas à ces critères. Et dans la plupart des cas, il est très difficile de prouver que les meurtres de civils constituent un crime de guerre.

Les critères de condamnation dans une cour pénale internationale sont extrêmement élevés.
Marti Flacks
directrice de l'Initiative pour les droits de l'homme au Centre d'études stratégiques et internationales à Washington

"L'attente pour poursuivre quelqu'un pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité est de pouvoir démontrer une responsabilité individuelle et de pouvoir démontrer qu'ils dirigent ou sont responsables d'une politique visant à commettre ces crimes. Et cela peut être très difficile, surtout lorsque vous n'avez pas la coopération de l'État dont cette personne est originaire, ce que nous n'aurions évidemment pas dans le cas de la Russie."

Pour pouvoir inculper quelqu'un, le procureur de la CPI doit prouver que les crimes présumés sont des crimes d'atrocité : génocide, crimes contre l'humanité ou crimes de guerre. Le procureur détermine la gravité en examinant l'échelle, la nature, la manière et l'impact des crimes présumés.

La Cour pénale internationale juge des individus. Elle ne juge pas les États. Par exemple, dans le conflit actuel, la Russie ne serait pas l'accusée, mais Vladimir Poutine pourrait l'être.

Un mandat d'arrêt peut-il être émis contre Poutine ?

Une fois que les preuves sont suffisantes pour démontrer que des crimes d'atrocité ont été commis, le procureur peut demander à une chambre de la CPI de délivrer un mandat d'arrêt à l'encontre de Poutine. Mais il pourrait être compliqué de monter un dossier dans les circonstances actuelles.

"De toute évidence, toute poursuite pénale nécessite un certain nombre d'étapes, notamment la collecte de preuves matérielles, l'audition et le recueil de témoignages, la collecte d'informations contextuelles et de documents expliquant les circonstances dans lesquelles les crimes ont été commis. Et essayer de faire cela dans le contexte d'une guerre active en cours rend la tâche difficile", déclare M. Flacks.

Si la CPI délivrait un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine, sa capacité à voyager serait sévèrement limitée. "Si Poutine ou un de ses dirigeants était recherché par la CPI, les 123 membres du Statut de Rome de la Cour pénale internationale seraient obligés de les livrer à la CPI", ajoute M. Flacks.

Concrètement, pour que Vladimir Poutine et d'autres hauts responsables soient inculpés, il faudrait un changement de régime en Russie. L'idée que Vladimir Poutine soit arrêté par son propre gouvernement n'est tout simplement pas concevable.

Quel est le temps nécessaire pour poursuivre un chef d'État ?

S'il devait y avoir des charges, et si Vladimir Poutine reste chef d'État, cela devient très compliqué, comme cela a été le cas avec d'autres chefs d'État qui ont été inculpés puis n'ont pas été traduits devant la CPI pendant des années parce qu'ils prenaient des mesures pour éviter la présence physique devant la cour. Ce point est important, car la CPI ne juge pas les individus par contumace.

Que Vladimir Poutine et d'autres hauts responsables militaires et politiques soient un jour mis en accusation ou non, il faudra probablement des années pour aboutir à un verdict.

"Les poursuites de la CPI peuvent durer très longtemps. L'affaire sur laquelle la CPI a commencé à enquêter pour l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2014 est toujours en cours", déclare M. Flacks. "Et nous savons que des poursuites qui ont commencé aux premiers jours de la CPI, au début des années 2000, sont dans certains cas toujours en cours aujourd'hui."

L'Ukraine poursuit également une autre voie pour tenir la Russie responsable du crime d'agression par le biais de la Cour internationale de justice (CIJ), qui a prévu des audiences publiques. Cette cour de l'ONU s'occupe des litiges entre pays, et n'entraînerait donc pas de poursuites pénales contre Vladimir Poutine en tant qu'individu.

Journaliste • Stefan Grobe

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