Notre débat à Davos : le Pacte vert européen est-il vraiment une priorité économique ?

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Par Oleksandra Vakulina
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Lors d'un débat organisé par Euronews au Forum économique mondial à Davos, des responsables politiques et des chefs d'entreprise nous livrent leur point de vue sur la manière dont le Pacte vert européen conserve ou non un intérêt économique sur fond de guerre en Ukraine.

Portée par son ambition de rendre l'Europe neutre en carbone à l'horizon 2050, la Commission européenne a mené le déploiement d'une législation verte déterminante au cours de son mandat actuel. Elle a aussi pour objectif de mobiliser au moins 1 000 milliards d'euros d'investissements durables au cours de la prochaine décennie. Alors que le Pacte vert européen est confronté à des vents contraires au plan politique, à l'approche des élections de 2024, et que la guerre menée par la Russie en Ukraine change la donne, à quoi ressemble son avenir ?

Nous en parlons en marge de la réunion annuelle 2024 du Forum économique mondial (WEF selon l'acronyme anglais) avec le Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, le vice-président exécutif chargé du Pacte vert pour l'Europe de la Commission européenne, Maroš Šefčovič, Ester Baiget, présidente et directrice générale de Novozymes (Danemark) et membre de l'Alliance of CEO Climate Leaders, et Maxim Timchenko, PDG de DTEK, le plus grand fournisseur privé d'électricité en Ukraine.

Kyriákos Mitsotákis : "Certains des solutions du Pacte vert ont une signification économique profonde"

Le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis reste "optimiste quant à l'avenir du Pacte vert". Citant les inondations que son pays a subies l'an dernier, il assure que de tels événements "soulignent la nécessité de jouer un rôle de premier plan dans cette transition"

"Depuis [le début des discussions sur le Pacte vert], nous avons subi un choc géopolitique et il est apparu très clairement que certaines des solutions [qu'il offre] ont également une signification économique profonde," estime-t-il. "Il suffit de regarder la Grèce par exemple : notre taux de pénétration des énergies renouvelables et leur faible coût ; ainsi, il y a des heures dans la journée où nous avons des prix négatifs," indique-t-il. "Je pense donc que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut aller de l'avant dans le cadre de cet agenda," souligne le responsable politique grec.

Ester Baiget : "Des obstacles inutiles" pour les entreprises qui innovent dans les solutions vertes

La présidente et directrice générale de Novozymes l'assure : "Le Pacte vert nous fait tous avancer dans la bonne direction."

Ester Baiget poursuit : "Les investissements doivent donc être orientés vers l'avenir. Chaque investissement doit être consacré aux énergies vertes, pour le solaire, l'éolien, le méthane et le "Power to X" (...) Il faut que ce soit une évolution progressive et cela générera de la croissance et des emplois," estime-t-elle. 

"En tant qu'entreprises, nous avons la responsabilité de nous asseoir autour de la table et de montrer ce que nous pensons être de bonnes solutions, mais il y a des obstacles inutiles qui nous compliquent les choses pour rien," tempère-t-elle, avant de citer la lourdeur des réglementations européennes : "Il faut six ans pour obtenir un permis pour une éolienne et six à huit ans pour faire enregistrer un microbe destiné à remplacer les engrais et à favoriser l'agriculture durable, contre deux ans [pour la même démarche] aux États-Unis," fait-elle remarquer. 

Ester Baiget évoque également la "concurrence avecl'IRA [Inflation Reduction Act], du point de vue des subventions. Il y a un afflux d'investissements européens aux États-Unis; en tant qu'entreprise européenne, nous investissons aux États-Unis, mais ce n'est pas à cause des subventions, c'est à cause de la demande et parce que c'est plus rapide là-bas," souligne la cheffe d'entreprise.

Maroš Šefčovič : "L'UE est à l'écoute des PDG des entreprises européennes"

Alors que le vice-président exécutif chargé du Pacte vert pour l'Europe de la Commission européenne se qualifie de "guerrier heureux" en tant qu'ardent défenseur de l'agenda durable de l'UE, Maroš Šefčovič rappelle que le Pacte vert est "notre stratégie de croissance" tout en reconnaissant l'existence d'une "énorme concurrence internationale sur ce que je décrirais comme les technologies orientées vers l'avenir"

Mentionnant les subventions massives offertes par l'IRA aux États-Unis, mais aussi, bien sûr, celles par lesquelles la Chine soutient ses exportations, le vice-président assure que l'UE "ajuste" ses politiques, avant d'en donner un exemple : "J'ai été très content que [récemment] nous ayons pris cette première décision historique, en autorisant une aide d'État à l'entreprise Northvolt pour qu'elle construise sa prochaine "giga-usine" en Europe et non aux États-Unis."

Enfin, Maroš Šefčovič a assuré être à l'écoute des "PDG des entreprises européennes" concernant les "blocages technologiques" auxquels ils peuvent être confrontés dans l'UE.

"Nous avons proposé la loi appelée règlement pour une industrie "zéro net" : une grande partie de ce texte évoque ce que nous pouvons faire pour accélérer les procédures d'octroi de permis," indique-t-il. "Nous voulons utiliser le principe de l'intérêt public supérieur, ce qui nous aiderait à aller beaucoup plus vite," assure-t-il. 

Maxim Timchenko : " Le Pacte vert sera un moteur pour l'Ukraine"

PDG du fournisseur ukrainien d'électricité DTEK, Maxim Timchenko assure que "toutes les sociétés d'énergie européennes [dont la sienne] ont intégré les objectifs et les mécanismes du Pacte vert dans leur stratégie. Mais, du point de vue de l'Ukraine, c'est encore plus important," poursuit-il. "Au cours du deuxième mois de l'invasion à grande échelle, nous avons demandé au monde de nous aider, en particulier dans la synchronisation de notre électricité et de la connexion de l'électricité ukrainienne avec les Européens," rappelle-t-il avant d'ajouter : "La demande était la suivante : S'il vous plaît, aidez-nous maintenant et nous vous aiderons à l'avenir, à renforcer la sécurité énergétique de l'UE et à faire venir plus d'énergie verte d'Ukraine."

"Nous disposons d'un énorme potentiel en matière d'énergie éolienne et solaire, nous avons développé des infrastructures, notre entreprise a construit un parc éolien de 140 mégawatts pendant la guerre, en investissant 200 millions d'euros et il y a tout juste un mois, nous avons annoncé la deuxième phase de ce parc éolien, en investissant 450 millions, avec le soutien du Danemark et la fourniture d'éoliennes de Vestas," décrit-il.

Maxim Timchenko conclut : "Le Pacte vert et tous [ses] objectifs seront un moteur pour l'Ukraine et je pense que la plupart des réformes économiques que nous devons mener, d'une manière ou d'une autre, sont liées au Pacte vert européen. Il s'agit là essentiellement, des fondations de notre avenir," affirme-t-il.

Visionnez notre débat en intégralité dans le lecteur vidéo ci-dessus.

Journaliste • Oleksandra Vakulina

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