Il y a trente ans explosait la navette spatiale Challenger

Il y a tout juste trente ans, le 28 janvier 1986, explosait, devant le monde entier, la navette spatiale Challenger, un peu plus d’une minute après son décollage de Cap Canaveral en Floride. L’effroi est total. Les sept astronautes à bord, dont une passagère non-professionnelle, périssent dans l’accident, qui est diffusé en direct à la télévision. La perte d‘étanchéité d’un joint de l’un des propulseurs est à l’origine de la catastrophe. Trente ans après, euronews revient sur l’une des plus grandes tragédies de l’histoire spatiale. Nous avons interviewé Dominique Détain, de l’Agence spatiale européenne et le Docteur Lance Bush du Centre Challenger, une organisation créée par les familles des victimes. Comment avez-vous appris l’accident de la navette Challenger? Dominique Detain “J‘étais en Guyane, je travaillais pour RFO comme journaliste spécialiste de l’Espace. Ce jour-là, j‘étais en mission dans la jungle. C’est l’armée qui m’a informé. Les militaires m’ont dit d’appeler le quartier général, car il y avait eu un très grave accident. Il n’y avait pas de téléphones portables à l‘époque.” Dr Lance Bush “Le 28 janvier 1986, j‘étais un jeune ingénieur à la Nasa, j’apprenais mon métier avec des créateurs légendaires de véhicules spatiaux, des hommes qui ont conçu Mercury, Gemini et Apollo. J’ai rejoint cette équipe qui avait pour mission de concevoir la nouvelle génération d’engins spatiaux.” “J’avais conscience déjà, en tant qu’ingénieur, de notre immense responsabilité, que des vies dépendaient de notre travail et des décisions qui sont prises. Au moment de l’explosion, cet aspect a surgi profondément en moi.” “A la Nasa, nous avons tous le sens du travail en équipe, car nous savons que notre réussite et les vies de nos collègues dépendent l’une de l’autre.” Footage of the disaster. Blast-off from 7m 18s Qu’avez-vous ressenti? Dominique Detain “Nous étions tous très tristes, car nous admirions – et nous admirons toujours – ce que la Nasa et ses astronautes avaient accompli dans l’espace.” “Cette catastrophe a mis un coup d’arrêt à l’enthousiasme, peut-être à un enthousiasme aveugle, et a rappelé à chacun que la sécurité est fragile dans l’espace, que personne n’est à l’abri d’un problème technique.” “Il y avait eu un épisode de gel en Floride, ce qui n’est pas commun dans la région, et la conséquence fut ce tragique accident.” Dr Lance Bush “A l‘époque, je savais ce que représentait d‘être confronté à la mort tragique et soudaine d’un membre de sa famille. J’ai compris ce que cela signifiait pour les proches des astronautes et pour les enfants qui regardaient.” “Je suis content aujourd’hui de préserver l’héritage de l‘équipage, d’aider les membres des familles des victimes, d’aider les enfants.” A quel point cet accident a-t-il impacté l’exploration spatiale à l‘époque ? Dominique Detain “C‘était un choc pour chacun d’entre nous. A l‘époque, la Nasa pensait qu’elle pouvait envoyer dans l’espace une navette par mois. L’accident à faire prendre conscience à chacun qu’envoyer des astronautes dans l’espace n’est pas quelque chose d’acquis.” “A travers cet accident, les ingénieurs spatiaux ont compris que ce n‘était pas une bonne idée d’envoyer en même temps et systématiquement des satellites et des astronautes.” The victims of the disaster. Credit: NASA “Au moment de l’accident, il n’y avait pas de destination comme la Station spatiale internationale, pas de voyages vers la Lune, les astronautes étaient mis sur orbite un certain temps puis ils rentraient à la maison. Les missions étaient destinées soit à mettre des satellites en orbite soit à les enlever.” Dr Lance Bush “L‘équipage et toutes les personnes qui ont travaillé sur la mission Challenger se sont consacrées à l’exploration pour le bénéfice de l’humanité et pour inspirer les générations à venir. Ce dévouement a accompagné les vies de tant de personnes qui se sont consacrées à la création d’un héritage vivant.” “Trente ans après, nous avons touché les vies de quelque 4,5 millions d’enfants, inspiré des étudiants dans nos 40 centres Challengers répartis dans 27 États et quatre pays. Ces jeunes sont pleins d‘énergie et conscients qu’ils peuvent prendre le relais.” Comment a réagi l’opinion à l’accident de Challenger ? Dominique Detain “L’accident de Challenger était particulièrement choquant car il s’est produit en direct à la télévision.De plus, la Nasa avait invité à bord Christa McAuliffe, une enseignante de 36 ans. C‘était la première fois qu’une astronaute non-professionnelle était embarquée. Elle devait donner des cours aux élèves depuis l’espace. Il y avait tout un plan de communication autour, pour montrer à quel point l’espace était beau.” “Une compagnie d’assurances avait même placé une assurance-vie sur la tête de Christa McAuliffe. Et évidemment, elle a payé le prix le lendemain. Cette anecdote montre à quel point on ne s’attendait pas à une issue aussi catastrophique.’‘ “A l‘époque, il y avait une certaine euphorie autour de l’exploration spatiale, tout semblait fonctionner parfaitement bien. L’accident a rappelé à tous que le spatial est une aventure dangereuse. On prend toujours un risque quand on s’arrache à la gravité terrestre.” Quelles ont été les conséquences à long terme pour l’exploration spatiale? Dominique Detain “La communauté spatiale a dû revoir toute sa stratégie après l’accident de Challenger. Nous avons réalisé qu’il n’y avait pas de missions de routine. Dans le cas de Challenger, c‘était un petit problème, presque invisible, sur un joint d’un des propulseurs de la fusée. Il y avait eu des températures négatives, le jour du décollage. “Cela a aussi ouvert la voie au programme Ariane de l’Agence spatiale européenne, qui venait juste d’apparaître sur le devant de la scène. C‘était un programme moins cher, sans équipage à bord. Mais Ariane n’a pas profité entièrement de la situation, car la fusée avait ses propres défauts. Peu de temps après l’accident de Challenger, le vol numéro 18 d’Ariane a perdu un satellite Intelsat.” “Quand on regarde en arrière, on réalise que la Nasa avait fait l’erreur de mettre tous ses efforts sur les navettes. En Europe, nous avons compris ensuite que les capsules spatiales étaient moins chères et plus sûres.” “Aujourd’hui, les Américains conçoivent leur propre programme de capsule spatiale, Orion. Ils ont réalisé que c’est le moyen le plus sûr pour aller dans l’espace, même si c’est moins confortable.” “Il y a toujours une part de risque dans un programme spatial. Cela fait partie du charme de ce secteur. Rien n’est jamais acquis.” Partagez vos souvenirs Cliquez sur l’image ci-dessous et laissez vos commentaires sur notre page Facebook. 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