Fabiola Gianotti du CERN : "95% de l'Univers nous sont inconnus"

Fabiola Gianotti du CERN : "95% de l'Univers nous sont inconnus"
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Par Euronews
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Le CERN de Genève franchit une nouvelle étape dans ses recherches sur la matière. Interview de sa directrice générale Fabiola Gianotti.

Étudier l’infiniment petit pour comprendre l’infiniment grand. C’est le leitmotiv des chercheurs du CERN à Genève. Dans cette édition de The Global Conversation enregistrée au sein du CERN, Fabiola Gianotti, sa directrice générale, évoque la relance du Grand Collisionneur de Hadrons, ses espoirs d’avancées dans l‘étude de la matière et de l‘énergie sombres de notre Univers, mais aussi ses rêves d’enfant.

Claudio Rosmino, euronews :
“L’accélérateur de particules a repris son activité ces derniers jours après quelques mois d’arrêt technique. Pourriez-vous nous expliquer comment fonctionne cette machine gigantesque qui tente de percer les mystères de la matière qui constitue notre Univers ?”

Fabiola Gianotti, directrice générale du CERN :
“Le LHC – le Grand Collisionneur de Hadrons -, c’est l’accélérateur le plus puissant jamais construit. Il permet d’accélérer des faisceaux de protons dans des directions opposées à l’intérieur d’un anneau de 27 kilomètres et de les faire entrer en collision à quatre endroits où de grands détecteurs sont installés.
Grâce à ces collisions, nous pouvons étudier les éléments fondamentaux de la matière et de l’Univers, mais aussi mieux comprendre les éléments fondamentaux de tout ce qui se trouve dans la nature, ainsi que la structure et l‘évolution de l’Univers.”

Voici les images des premières collisions pour la physique de cette année, cliquez et admirez\#WhatsUpLHChttps://t.co/SkEiftEktHpic.twitter.com/rzipZEjqmp

— CERNpress (@CERNpress) 24 mai 2017

Claudio Rosmino :
“Aujourd’hui, le LHC dispose d’un niveau d‘énergie plus élevé que lors de l’identification du boson de Higgs. Quels sont vos objectifs scientifiques désormais ? Qu’espèrez-vous découvrir ?”

Fabiola Gianotti :
“C’est par exemple, comprendre ce qui compose la partie sombre de l’Univers. En réalité, ce qui est visible – les étoiles, les planètes et les galaxies – ne représente que 5% de l’Univers, les 95% restants sont constitués de formes de matière et d‘énergie que nous ne connaissons pas.
C’est un grand point d’interrogation pour nous et c’est pour cela que nous disons que cette matière et cette énergie sont “sombres”. Cela fait référence au fait qu’elles nous sont inconnues, mais cela indique aussi que ces formes de matière et d‘énergie n’interagissent pas directement avec nos instruments comme les téléscopes par exemple. Donc on déduit leur présence d’observations et d’indices indirects.”

Claudio Rosmino :
“Vous êtes directrice générale du CERN depuis janvier 2016. Quel regard portez-vous sur ce qui a été accompli depuis votre prise de fonction ? Dans une interview, vous avez dit que c’est comme si vous étiez le maire d’un petit village.”

Fabiola Gianotti :
“C’est un travail enrichissant et stimulant qui permet de gérer des aspects très différents. Il y a le côté scientifique qui est bien sûr, ma priorité et me prend la plupart de mon temps : suivre les projets scientifiques, planifier l’avenir… Mais il y a aussi d’autres aspects dont je m’occupe comme le budget, le personnel, les relations internationales…
Donc c’est un travail enrichissant et varié et ce que j’apprécie le plus, c’est d’apprendre quelque chose tous les jours. Pour moi, il n’y a rien de plus gratifiant que de rentrer chez soi le soir et de pouvoir se dire : ‘J’ai appris tant de choses aujourd’hui’.”

Découverte du boson de Higgs : “Un moment de grande émotion”

Claudio Rosmino :
“Revenons à ce 4 juillet 2012 quand au CERN, a été annoncée au monde entier la découverte du boson de Higgs, essentiel pour comprendre l’origine de la masse des particules. Quel souvenir gardez-vous de ce jour-là ?”

Fabiola Gianotti :
“Il est clair que c‘était un jour merveilleux d’un point de vue professionnel, voire peut-être le jour le plus palpitant de ma vie.Ce jour-là, je représentais une communauté de physiciens de toute la planète, mais aussi de nombreux jeunes qui ont travaillé avec enthousiasme et application à la construction de notre machine et ensuite à l’analyse des données. Donc j‘étais fière de pouvoir dire : ‘Aujourd’hui, nous avons contribué à faire avancer d’un petit pas, les connaissances de l’humanité.' C‘était vraiment un moment de grande émotion.”

Claudio Rosmino :
“Grâce à cette incroyable machine qu’est le LHC, êtes-vous tout proche de comprendre le Big Bang ?”

Fabiola Gianotti :
“Nous touchons du doigt, les caractéristiques et l‘évolution de l’Univers tel qu’il était juste après le Big Bang. Nos connaissances se situent à un millionième de millionième de seconde après le Big Bang. Cela semble peu, mais en fait beaucoup de choses se sont produites entre temps.
Nous sommes encore loin de comprendre ce qui s’est vraiment passé au moment exact du Big Bang. Aujourd’hui, nous avons des hypothèses diverses, nous avons fait d’importants progrès pour nous faire une idée de ce qui s’est vraiment passé de manière globale dans les toutes premières phases de l‘évolution de l’Univers.”

“La créativité et l’imagination sont fondamentales”

Claudio Rosmino :
“Quelle est votre vision de la recherche scientifique en Europe ? Y a-t-il assez d’opportunités pour les jeunes chercheurs ?”

Fabiola Gianotti :
“En général, il existe un problème d’accès aux fonds pour la recherche fondamentale. Ces financements devraient être encore plus importants dans certains pays. La recherche appliquée a tendance à trouver plus facilement des fonds parce qu’elle donne des résultats à court terme.
C’est important de financer la recherche appliquée – bien entendu -, mais il est essentiel de ne pas oublier que la recherche fondamentale est tout aussi importante même si ses résultats ne sont pas visibles immédiatement, mais plutôt à long terme.”

Claudio Rosmino :
“Einstein a dit : ‘La logique vous conduira d’un point A à un point B, l’imagination vous emmènera où vous voulez.’ Quel rôle jouent l’imagination et la passion dans le travail d’un scientifique ?”

Fabiola Gianotti :
“Elles sont fondamentales. La science et la recherche s’appuient sur les idées et la créativité. Les idées, la créativité et l’imagination sont fondamentales, mais elles doivent s’accompagner d’une grande implication pour être capable de mettre ces idées en pratique. La passion, la motivation et la créativité sont fondamentales pour ce que nous faisons ici.”

Pressrelease: Article in Nature Physics. New #ALICEexperiment resultsshow novelphenomenain proton collisions. https://t.co/xXJJu7RA3fpic.twitter.com/SmeaEDxEwL

— ALICE Experiment(@ALICEexperiment) 24 avril 2017“Cette quête de réponses”

Claudio Rosmino :
“De l’imagination aux rêves, il n’y a qu’un pas. Qu’est-ce qui vous faisait rêver quand vous étiez enfant ? Quand avez-vous réalisé que vous vouliez devenir scientifique ?”

Fabiola Gianotti :
“Quand j‘étais enfant, j’avais l’habitude de faire des rêves farfelus qui n‘étaient peut-être pas évidents à réaliser. A une époque quand je faisais de la danse classique, je voulais devenir danseuse. Ensuite, j’ai fait du piano et j’ai pensé à faire carrière dans la musique. La musique occupe encore une place importante dans ma vie. J‘étais une petite fille très curieuse et souvent, je posais beaucoup de questions.
A un moment donné, grâce aux cours de physique et de maths au lycée, j’ai découvert que travailler dans le domaine de la physique – peut-être la matière scientifique la plus fondamentale de toutes – me permettrait de satisfaire cette quête de réponses, cette curiosité naturelle.”

Claudio Rosmino :
“Au CERN, vous êtes entourée de machines extrêmement perfectionnées, mais dans la vie de tous les jours, quel est votre rapport à la technologie ?”

Fabiola Gianotti :
“Je l’utilise habituellement comme un outil qui nous rend la vie plus facile et plus agréable. Mais la technologie a aussi un impact négatif sur notre vie quotidienne : parfois, elle nous rend esclaves d’une certaine manière puisqu’aujourd’hui, nous devons être tout le temps joignables au téléphone, par mail ou sms. Il faut donc faire attention à ne pas laisser trop de place à ces innovations et à ne pas en devenir accroc.”

Veryinterestinginterview with#Cern DG Fabiola #Gianotti. Sheisa veryhigh-leveland passionatescientist. Soonon euronews</a> <a href="https://t.co/wkewWLDUuA">pic.twitter.com/wkewWLDUuA</a></p>&mdash; stroclaudio(@RosmiNow) 24 mai 2017

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