Emmanuel Poulet : alerte sur une hausse potentielle des gestes suicidaires

euronews
euronews Tous droits réservés 
Tous droits réservés 
Par Valérie Gauriat
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Emmanuel Poulet est responsable des Urgences psychiatriques de l’Hôpital Edouard Herriot à Lyon. Au micro de Valérie Gauriat, il souligne la nécessité pour les professionnels de la santé mentale d’anticiper ce qui pourrait être une « quatrième vague psychiatrique » de la crise de la Covid-19

Emmanuel Poulet est psychiatre, responsable des Urgences psychiatriques de l’Hôpital Edouard Herriot à Lyon. Au micro de Valérie Gauriat, il souligne la nécessité pour les professionnels de la santé mentale d’anticiper ce qui pourrait être une « quatrième vague psychiatrique » de la crise de la Covid-19, face à la mobilisation s’organise.

Emmanuel Poulet : « Depuis le début de ce phénomène épidémique, la population et l'ensemble de la population, mais aussi des personnes vulnérables, sont soumis à un niveau de stress qui est considérable.

Donc, on sait bien que ce niveau de stress peut être générateur de.

On sait que ce stress chronique nous a favorisé la survenue de troubles anxieux, d'un niveau d'anxiété et d'insécurité des sujets. Du coup, on voit très clairement les patients qui arrivent des fois en crise pour un grand nombre, une situation de stress qui fait décompenser..

Les patients qui font une infection à la Covid 19 sont plus insécurisés. et développent des troubles anxieux derrière. La peur de l'épidémie, la peur d'être infecté constitue une pensée qui est assez forte et qui est aussi favorisée par la recherche d'informations.

On cherche de l'information pour se rassurer. En fait, on fabrique de l'anxiété. Et cette anxiété. Si on a une fragilité, si on est vulnérable, à un moment, on développe un trouble anxieux.

Les patients qui ont fait le Covid 19 on voit aussi un certain nombre développent des troubles mentaux derrière, dépressifs ou anxieux. Les patients qui sont passés en réanimation. On a un taux important, un taux de l'ordre de 25% dans certaines études de déclenchement d'états de stress.

Ce qu'on appelle des états de stress post-traumatique, c'est finalement un climat de peur, d'insécurité et d'hyper vigilance, avec des cauchemars, des réminiscences d'épisodes qui font suite à ce passage en réanimation.

Par rapport à la crise suicidaire notamment, c’est une accumulation de facteurs. Les personnes entendent parler de l'infection. On en parle de partout, on a des changements de nos habitudes. On n'a plus les espaces pour pouvoir évacuer le stress. C'est le cas pour les professionnels en particulier. Donc, on n'a pas le temps de récupérer.

On est enfermé devant un ordinateur toute la journée. On voit bien que c'est des changements du mode de vie et le changement du mode de vie chez quelqu'un qui est un peu fragile, ça génère le développement potentiel de maladies anxieuses et éventuellement de maladies dépressives.

Il y a des populations plus vulnérables. Les précaires, les étudiants, selon certaines conditions, parce qu'ils sont isolés. Il y a la question des examens. Il y a la question des petits boulots. On en parle beaucoup. Il y a des populations vulnérables. Il faut les repérer. »

Valérie Gauriat : « Est ce que c'est un phénomène potentiellement durable ? »

Emmanuel Poulet : « Je ne suis pas devin, mais par contre, il y a une accumulation de tellement de paramètres. Le contexte actuel, la précarisation, la crise économique, la crise sociale.

Que certains parlent d'une troisième, d'une quatrième vague qui sera psychiatrique. On est en droit, en tout cas, de le craindre. Si les chiffres aujourd'hui ne montrent pas une augmentation probante, il y a quand même une tendance. Il y a une alerte sur la question d'une augmentation potentielle des tentatives de suicide qui n'est pas encore probante.

Mais en tout cas, la question, c'est vraiment d'alerter. En France, il y a en tout cas une vigilance très importante par rapport à la question du suicide et de la prévention du suicide. Et il y a des dispositifs qui sont portés sur le territoire au niveau national pour essayer de diminuer ce risque. Ce qu'on appelle des dispositifs de veille, comme le dispositif Vigilans qui est déployé sur le territoire en France.

Tout ça, c'est des moyens d'essayer de diminuer, en tout cas, cet impact en termes de stress, et du coup, de déclenchement de maladies mentales qu'il faut repérer tôt pour les soigner rapidement pour bien les soigner de façon à éviter que le phénomène perdure.

Ce qu'on peut craindre, en tout cas, c'est que étant donné l'ensemble de ces paramètres d'instabilité et de stress épidémiques, sociologiques, économiques, on est en droit de penser qu'il va y avoir une augmentation significative des troubles dépressifs et des troubles anxieux. On commence à avoir déjà des crises suicidaires aussi. On commence à le voir déjà. Certains parlent d'une quatrième vague qui serait psychiatrique. Mais on n'a pas idée d'un calendrier. On n'a pas idée à quel moment cela va arriver. Il est important en tout cas de le prévenir et d'anticiper les choses. »

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Aide aux victimes : les leçons tirées des attentats du 13 novembre 2015 à Paris

Allemagne : la transition énergétique face aux résistances locales et aux lourdeurs administratives

Un fromage pour réconcilier Chypre : le halloumi obtient son label AOP