Financement libyen : personnages et nébuleuses

REUTERS/Patrick Hertzog/Pool/File Photo
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Par Anne-Lise Fantino
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Les accusations qui visent Nicolas Sarkozy emportent dans leur sillage des personnages-clés de sa garde rapprochée, et sont nourries en toile de fond par d'anciens dignitaires du régime libyen, avec des personnages au rôle d'intermédiaire.

EN DATES

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Un aperçu des dates-clés qui ont jalonné le dossier des fonds libyens, dans lequel l'ancien président Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue ce mardi, en raison de soupçons autour du financement de sa campagne présidentielle de 2007.

L'affaire a éclaté en 2012 après la publication par Médiapart d'une note attribuée à Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, laissant penser à un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy.

Le 12 mars 2012, Mediapart publie une note laissant penser que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi aurait financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007 à hauteur de 50 millions d'euros. "Grotesque", selon Sarkozy, alors président et candidat à sa réélection en avril.

Mediapart publie ensuite un document attribué à un ex-chef des services de renseignement libyens, affirmant que la Libye a accepté en 2006 de financer pour 50 millions d'euros la campagne de Sarkozy, lequel porte plainte pour faux.

Bachir Saleh, ex-directeur de cabinet de Kadhafi, dément avoir été destinataire du document, que le signataire présumé qualifie de faux. Le parquet de Paris ouvre une enquête pour faux, usage de faux et publication de fausse nouvelle. Un non-lieu sera prononcé en 2016, confirmé en appel en 2017. Nicolas Sarkozy s'est pourvu en cassation.

Le 12 avril 2013, l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine réaffirme qu'il existe des "preuves" d'un financement de la campagne par la Libye, sans en dévoiler.

Le 19 avril 2013, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X pour "corruption active et passive", "trafic d'influence", "faux et usage de faux", "abus de biens sociaux", "blanchiment, complicité et recel de ces délits".

Dix jours plus tard, le Canard Enchaîné dévoile la découverte en février de versements pour 500 000 euros depuis l'étranger sur un compte de Claude Guéant, proche collaborateur de Sarkozy. Guéant dément tout lien avec un financement libyen de la campagne, déclarant avoir vendu des toiles de maître à un avocat malaisien.

Le 7 mars 2015, Claude Guéant est mis en examen dans l'affaire des tableaux pour faux et usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. Ses biens immobiliers seront saisis en 2017. Un homme d'affaires saoudien est également mis en examen, soupçonné d'avoir joué un rôle dans le versement des 500.000 euros.

Le 27 septembre, le carnet d'un ex-dignitaire libyen, mentionnant trois versements en 2007 destinés à Nicolas Sarkozy pour au moins 6,5 millions d'euros, est transmis aux enquêteurs.

Le 15 novembre 2016, Ziad Takieddine affirme avoir remis à l'ex-chef de l'Etat et à son camp 5 millions d'euros provenant de Mouammar Kadhafi entre 2006 et 2007. Nicolas Sarkozy dément.

Le 8 janvier 2018, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri, personnage-clé de l'enquête, qui ne s'est pas présenté à une convocation de la justice française en 2016, est arrêté à Londres. Il est en détention provisoire depuis février et fait l'objet d'une demande d'extradition vers la France, qui sera examinée en juillet.

Le 25 février suivant, Bachir Saleh, ex-argentier de Kadhafi exilé en Afrique du Sud, que la justice française souhaite aussi interroger, est blessé par balle.

Le 20 mars 2018, Nicolas Sarkozy est placé en garde à vue. Brice Hortefeux, un très proche de l'ex-chef de l'Etat, ministre de l'Intérieur durant son quinquennat, est entendu en audition libre.

(avec AFP)

La garde rapprochée de Nicolas Sarkozy dans le collimateur de la justice

Claude Guéant

L'ancien secrétaire général de l'Élysée Claude Guéant a été mis en examen pour faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée.

La justice tente de faire la lumière sur un virement de 500 000 euros perçu par Claude Guéant en mars 2008, qui persiste à affirmer qu'il s'agissait du fruit de la vente de deux tableaux de maître.

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Brice Hortefeux

Le bras droit de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, était également entendu ce mardi par la police judiciaire de Nanterre. L'ancien ministre de l'intérieur, aujourd'hui député européen, témoignait sous le statut de l'audition libre.

Les intermédiaires

Ziad Takkiedine

L'homme d'affaires franco-libanais a joué le rôle d'intermédiaire-clé entre Paris et Tripoli. Selon Médiapart, c'est lui qui dès 2005 aurait organisé les voyages de Nicolas Sarkozy et de ses proches en Libye, avant que celui-ci ne brigue le fauteuil présidentiel.

En novembre 2016, il a révélé avoir versé cinq millions d'euros en liquide à Claude Guéant, puis à Nicolas Sarkozy. Il a fait l'objet d'une mise dans cette affaire en examen en décembre 2016.

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Alexandre Djouhri

L'homme d'affaires âgé de de 59 ans, et visé par un mandat d'arrêt européen, a été interpellé à Londres en janvier dernier. Au mois de mars, la justice anglaise a reporté l'audience d'extradition au 9 juillet, alors qu'elle devait avoir lieu initialement en avril.

La justice française entendait vérifier les accusations lancées deux ans plus tôt par l'ancien président libyen Mouammar Kadhafi et son fils Seif el-Islam, selon lesquelles l'ancien président français avait bénéficié de leurs fonds pour financer sa campagne électorale de 2007.

La sphère libyenne

Choukri Ghanem

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Les circonstances précises de sa mort n'ont toujours pas été élucidées. Mais ses écrits, eux, sont restés, et c'est un précieux carnet qui a été transmis par la justice norvégienne aux enquêteurs français. Un carnet dans lequel il aurait tenu une comptabilité des versements effectués en faveur de Nicolas Sarkozy.

Le corps de cet ancien fidèle de Kadhafi a été retrouvé en avril 2012 dans le Danube

Seif Al-Islam Kadhafi

Le fils de Mouammar Kadhafi, deuxième des neuf enfants de l'ancien dictateur, avait accordé un entretien exclusif au journaliste d'Euronews Riad Muasses, le 16 mars 2011.

Un entretien dans lequel il affirmait sans détour: "Il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l'on demande à ce clown, c'est de rendre l.argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu'il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement".

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En novembre de la même année, il est fait prisonnier par une milice armée libyenne, et restera incarcéré jusqu'en juin 2017. Le cadet du "Guide" est poursuivi par la Cour Pénale Internationale pour crime contre l’humanité, mais il compte se présenter à la prochaine élection présidentielle que l'ONU voudrait organiser dans le pays, qui n'a jamais renoué avec la stabilité politique depuis la mort de son père.

Béchir Saleh

Le grand argentier de Mouammar Kadhafi a été visé par des tirs, le 23 février dernier, à Johannesburg. Cet ancien dignitaire du régime libyen aurait été victime d'une agression sur la route de l'aéroport e la capitale sud-africaine, alors qu'il devait revenir du Zimbabwe. L'homme de 71 ans a été hospitalisé. La piste "crapuleuse" serait privilégiée par ses proches.

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