Riace, village modèle d'intégration devenu emblème de l'extrême droite en Italie

Le panneau à l'entrée du village de Riace en Italie, le 4 juin 2019
Le panneau à l'entrée du village de Riace en Italie, le 4 juin 2019 Tous droits réservés Alberto PIZZOLI
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La banderole est toujours là, bien visible à l'entrée du village: "Riace, ville de l'accueil".

Mais aujourd'hui, ce petit bourg de Calabre (sud) est devenu, en l'espace d'une élection, le symbole de la victoire de l'extrême droite de Matteo Salvini, et de son slogan "les Italiens d'abord", après avoir été longtemps un modèle d'intégration pour des milliers de migrants.

Antonio Trifoli, le nouveau maire, vainqueur des élections municipales du 26 mai, avec l'appui de la Ligue de Salvini, n'a pas encore décidé de la décrocher.

"Nous accueillerons de nouveau les migrants", assure-t-il à l'AFP, "mais on ne peut pas se permettre d'avoir 500 ou 600 demandeurs d'asile dans un centre ville où résident 1.500 personnes", explique cet ancien policier municipal.

Elu à la tête d'une liste citoyenne, "Riace renaît", il a obtenu 41,8% des voix, dont une bonne partie proviennent de sympathisants de la Ligue, un mouvement qui, il y a encore quelques années, méprisait les "terroni" (les cul-terreux), du sud de l'Italie.

"Le problème, c'est que nous avons reçu trop de migrants et l'esprit d'ouverture qui prévalait à l'origine s'est perdu. Tout un système économique s'est développé avec les migrants, mais sans que cela redynamise le village (...) le modèle s'est auto-détruit", assure M. Trifoli.

L'ancien maire de Riace, Mimmo Lucano, avait encouragé l'accueil de migrants dans ce village perdu et déshérité, dans l'espoir d'y relancer l'activité économique et d'en faire un modèle d'intégration.

L'expérience avait inspiré le cinéaste Wim Wenders, auteur d'un documentaire sur Mimmo Lucano, avant que ce dernier ne soit poursuivi par la justice pour aide présumée à l'immigration clandestine.

Aujourd'hui, les ateliers et les magasins autrefois occupés par des migrants, sont tous fermés. Le silence règne dans les rues pavées du petit centre historique, troublé parfois par la musique d'une fanfare accompagnant des funérailles.

Les affiches murales pleines de couleur et de visages multi-ethniques sont encore visibles par endroits, comme autant de témoignages de cette expérience qui a suscité beaucoup d'espoir en Italie et au-delà, avant son échec faute d'adhésion de la part de la population, et de soupçons de détournement de fonds.

- 'Ordre et discipline' -

"Ici on a besoin d'ordre et de discipline", assure l'ingénieur agronome milanais Claudio Falchi, qui a choisi de vivre en Calabre il y a 25 ans, avant de devenir leader de la Ligue à Riace il y a trois ans.

"Ils se battaient entre eux (les migrants), ils ne voulaient pas du crucifix, ni de la crèche. Ce n'est pas du racisme, c'est simplement qu'ici c'est chez nous. Nous on les accueille et après ils créent des problèmes", explique M. Falchi.

Les habitants de Riace se montrent réticents à parler du passé ou à évoquer la situation de leur village qui, comme tant d'autres en Calabre, voient ses jeunes partir et les anciens mourir peu à peu.

"Les gens voulaient que ça change. Après quinze ans à parler seulement d'accueil et de réfugiés, ils se sont lassés. L'accueil a donné du prestige à Riace dans le monde entier, mais ses habitants s'en sont désintéressés", affirme le nouveau maire.

Le modèle de tolérance et d'inclusion, qui avait permis l'intégration de quelque 6.000 migrants, l'ouverture de nombreux commerces, ateliers, et même le lancement d'une "monnaie" locale à l'effigie de Nelson Mandela ou Martin Luther King, a aujourd'hui totalement disparu.

L'ancien maire n'est même plus membre du conseil municipal après la défaite de sa liste soutenue par la gauche le 26 mai.

Pire, interdit de séjour dans la commune, il doit comparaître la semaine prochaine devant la justice, après avoir été accusé d'avoir organisé des mariages de convenance en faveur de migrants.

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"Presque tout le monde est parti, il n'y a même plus d'enfants", regrette Daniel, un Ghanéen de 37 ans dans un italien parfait.

Riace n'est pas le seul mythe qui s'est écroulé sous la poussée de la Ligue, devenu premier parti d'Italie avec plus de 34% des voix aux élections européennes du 26 mai.

A Lampedusa, île symbole de l'accueil des migrants en Méditerranée, la Ligue a obtenu plus de 45% des voix.

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