La biodiversité marine en Europe, condamnée à disparaître ?

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Par Denis LoctierEuronews
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Selon l’UNESCO, sans changements importants, plus de la moitié des espèces marines du monde seront menacées d’extinction d’ici la fin de ce siècle.

La biodiversité des océans est en train de subir un déclin dangereux. Selon l’UNESCO, sans changement important, plus de la moitié des espèces marines du monde seront menacées d’extinction d’ici la fin de ce siècle. En Méditerranée orientale, les biologistes marins voient des changements dramatiques susceptibles de se propager à travers le monde.

"Il y a moins d'espèces qu'avant, nous avons également de nouveaux arrivants, d'année en année de nouvelles espèces arrivent et s'établissent" analyse Thanos Dailianis, biologiste marin en Crète. Il souligne que la biodiversité évolue rapidement "en particulier dans les écosystèmes peu profonds".

Comparer le nombre d'espèces sous-marines sur le long terme

Notre journaliste Denis Loctier a accompagné le scientifique lors d'une plongée au large de l'île pour pour constater la stérilité avancée des fonds marins. Illustration de ce phénomène, une espèce protégée de palourde - la grande nacre - a disparu au cours des deux dernières années, à cause d'une bactérie mortelle et des activités de braconnage. La moitié des auvents d'algues, cet habitat adapté à la survie de nombreuses espèces marines a disparu et les causes ne sont pas claires. Les chercheurs tentent de comprendre la cause de ce phénomène. "Pour notre travail, le plus important est de se mettre à l'eau et d'observer le nombre d'espèces" souligne Thanos Dailianis. "Admettons que dans dix ans, le cliché soit différent, nous savons quel était le cliché précédent, et c'est très important pour comprendre ce qui se passe".

Les chercheurs collectent des données pour plusieurs projets financés par l'UE visant à protéger et restaurer les écosystèmes marins du continent. Les grottes sous-marines de Crète sont riches en éponges et en coraux. Agrippés aux rochers, ces animaux ne peuvent pas échapper aux conditions extrêmes de leur environnement. En observant leur santé, les scientifiques rédigent un «dossier clinique» des communautés marines.

Capture d'écran / Euronews
Un plongeur observe une méduse, Crète GrèceCapture d'écran / Euronews

Les images prises sous l'eau sont ensuite analysées dans un Institut de biologie marine, biotechnologie et aquaculture : les chercheurs utilisent un logiciel spécial pour tracer et classifier les espèces.

"Nous prenons des photos de manière à pouvoir quantifier plus tard la couverture de surface des organismes. Notre objectif est donc de pouvoir revisiter les grottes à l'avenir et voir s'il y a des changements dans les communautés benthiques" indique Vasilis Gerovasileiou, chercheur à l''institut HCMR-IMBBC, en Crète.

Nous pouvons utiliser la mer Méditerranée [...] pour comprendre ce qui se passe dans d'autres parties du monde.
Vasilis Gerovasileiou
Chercheur à l'institut HCMR-IMBBC, en Crète

"Nous avons ici des preuves historiques, ce qui fait complètement défaut dans d'autres parties du monde. Donc, nous pouvons utiliser la mer Méditerranée, avec tous ces changements dus aux activités humaines, au tourisme, à l'augmentation du nombre d'espèces non indigènes, pour comprendre ce qui se passe dans d'autres parties du monde. "

03:10 Les plongeurs remarquent une méduse, d'autres animaux. Ils collectent et emballent des échantillons d'éponges. 03:27 Coupure au laboratoire: l'éponge est libérée dans un aquarium. Diverses espèces de coraux et de poissons dans les laboratoires CretAquarium. Panos Grigoriou dans la zone expérimentale: l'étiquette sur le réservoir indique une température et une acidité de l'eau plus élevées.

Certains échantillons sont collectés pour une analyse génétique qui montre si les espèces sont florissantes ou affaiblies. Cela permet également de révéler les organismes trop petits pour être vus à l’œil nu. Ces études européennes permettront de mieux comprendre les causes du déclin de la biodiversité, qu'il s'agisse de la pollution, de la surexploitation des ressources ou du réchauffement climatique. L'une des expériences réalisée au centre de recherche de l'Aquarium de Crète simule le changement climatique à long terme, et montre comment l'eau plus chaude et plus acide affecte les escargots de mer.

"Nous voulons voir le comportement alimentaire de l'animal, et son comportement de reproduction. Nous voulons également voir l'interaction entre une proie et son prédateur. Est ce que tout ceci est influencé par les différentes conditions aquatiques ?" s'interroge Panos Grigoriou, biologiste marin pour l'Aquarium de Crète.

L'acidification des océans, fléau pour la biodiversité

Si la concentration en CO2 dans l'atmosphère continue d'augmenter, l'océan deviendra plus acide et donc plus corrosif pour certaines espères marines. "Le changement climatique est très important en tant que facteur affectant la biodiversité, parce que si une espèce est affectée, tout l'équilibre changera" explique Eva Chatzinikolaou, biologiste marine en Crète. La chercheuse étudie les escargots de mer et leur capacité à subsister dans un milieu plus acide grâce à la tomographie micro-informatique.

Capture d'écran / Euronews
Un escargot de mer modélisé sur écran, Crète, GrèceCapture d'écran / Euronews

Un environnement acidifié rend les coquilles plus minces et plus fragiles - une mauvaise nouvelle pour les escargots de mer qui peuvent devenir des proies plus faciles pour les prédateurs à mesure que le climat change. "Peut-être que les animaux n'ont pas le temps d'évoluer pour s'adapter à ces nouvelles conditions, nous aurons donc peut-être des mortalités massives" prévient Niki Keklikoglou, biologiste marine en Crète.

Les ports, vecteurs de déstabilisation pour la biodiversité

Selon Giorgos Chatzigeorgiou, écologiste benthique sur l'île de Crète, les ports agissent "comme des portes d'entrée". 

"De nouvelles espèces se fixent sur la coque des bateaux, et ces bateaux les propagent vers de nouveaux ports. Lorsqu'elles s'établissent dans ce nouvel endroit, ces espèces entrent en concurrence avec les espèces indigènes. Et c'est un problème"

En l'absence de prédateurs locaux, les populations dites exotiques peuvent exploser en nombre, et déplacer la faune indigène. Pour surveiller ce phénomène, les chercheurs utilisent des plaques spéciales déployées dans vingt endroits à travers l'Europe. Une fois que ces plaques sont colonisées par de petites espèces marines pendant plusieurs mois, les chercheurs les analysent à l'aide du séquençage génétique et d'autres méthodes modernes.

"Certaines espèces peuvent disparaître" estime le biologiste portugais Pedro Vieira, qui étudie un ver particulier menacé dans certaines régions du Portugal. Le scientifique effectue des recherches en Crète et bénéficie des données collectées par ses homologues grecs pour comprendre des phénomènes qui se produisent ailleurs en Europe. Ces espèces peuvent "fournir de la nourriture pour les poissons, pour d'autres animaux, de sorte que l'écosystème peut en théorie s'effondrer à cause de cela" estime le chercher de l'université du Minho.

La pollution lumineuse affecte également les animaux marins

Même la pollution lumineuse des côtes pourrait nuire aux petits animaux marins. Pour étudier ce problème, les chercheurs déploient des pièges spéciaux qui attirent les espèces les plus touchées par les lampes électriques de plus en plus omniprésentes.

Crète, Grèce Capture d'écran / Euronews
Des chercheurs étudient le comportement nocturne des animaux marins face à la lumièreCrète, Grèce Capture d'écran / Euronews

"Le comportement alimentaire des animaux pourrait changer, les relations entre les espèces, les interactions, pourraient être modifiées - parce que nous affectons le comportement nocturne normal" estime Niki Keklikoglou.

"Nous voulons protéger la mer, nous devons la protéger, car de cette façon nous nous protégeons. Je pense que c'est très important pour chaque biologiste et pour chaque être humain".

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