Un rapport concernant les auteurs de ces agressions sexuels et ces viols sur des mineures révèle que les hommes d'origine asiatiques sont surreprésentés parmi les pédocriminels. Sous pression, le gouvernement a décidé de prendre de nouvelles mesures.
Le scandale des "grooming gangs", ces réseaux de pédocriminels ayant exploité plusieurs milliers de jeunes filles pendant des décennies depuis les années 1990, n'a pas fini de faire parler outre-Manche. Lundi 16 juin, le gouvernement britannique a décidé de prendre de nouvelles mesures dans cette affaire d'abus et d'exploitation sexuels de mineurs. La police anglaise et galloise seront désormais tenues de recueillir l'origine ethnique et la nationalité des suspects.
Une décision rendue publique par Yvette Cooper, ministre de l'Intérieur, après la publication d'un rapport accablant sur la gestion de l'État. Cette mesure s'inscrit dans le cadre d'une tentative visant à répondre aux accusations de longue date selon lesquelles les autorités ont évité d'aborder correctement la question de l'origine ethnique lors des enquêtes ce type d'affaires.
Cette enquête, supervisée par Louise Casey, experte en droits des victimes et en protection sociale, assure que les données relatives à l'origine ethnique avaient été "passées sous silence, par crainte de paraître racistes ou de susciter des tensions communautaires", a affirmé Yvette Cooper. Ces renseignements n'ont pas été enregistrées pour les deux-tiers des auteurs ou suspects.
L'étude révèle également la surreprésentation d'hommes d'origine asiatique, dont beaucoup du Pakistan, parmi les pédocriminels. "L'absence consternante de données sur l'appartenance ethnique dans l'enregistrement des crimes constitue à elle seule un échec majeur au cours des dix dernières années ou plus. [...] L'exploitation sexuelle des enfants est horrible, quel qu'en soit l'auteur, mais il y a eu suffisamment de condamnations de groupes d'hommes d'origine asiatique pour justifier un examen plus approfondi", est-il écrit dans le rapport.
L'étude critique également les termes employés par les différents gouvernements. Les auteurs estiment que l'expression "exploitation sexuelle" aseptise ce que les victimes, dont certaines n'avaient que 11 ans, ont subi. La majorité d'entre elles ont été battues, victimes de viols collectifs, mises enceintes par leurs agresseurs et séparées de leur bébé à la naissance.
Des décennies d'abus
Le mode opératoire des auteurs était souvent le même : ils ciblaient de jeunes filles fragiles, celles en rupture familiale, vivant dans des foyers sociaux, victimes de négligence ou de maltraitance ou présentant un handicap physique ou mental. Ils leur offraient alors des cadeaux (alcool, drogue, trajets gratuits en taxi) et se faisaient parfois passer pour leur petit ami avant de les agresser et de les prostituer.
Parmi les cas les plus graves, on trouve des gangs opérant dans les villes de Rotherham et de Rochdale, dans le nord du pays, mais beaucoup d'autres cas ont été révélés au cours de la dernière décennie dans de nombreuses villes : Oldham, Oxford, Telford, Peterborough...
L'affaire de Rotherham, où près de 1 500 mineures ont été identifiées, est particulièrement bien ancrée dans la mémoire nationale, en raison à la fois de son ampleur et de l'enquête publique menée par Alexis Jay, travailleuse sociale. Son rapport, publié en 2014 à la demande du gouvernement, explique comment une bande organisée active dans la ville a abusé de jeunes filles en les faisant passer par de nombreuses villes et en allant parfois les chercher dans des taxis à la sortie de foyers pour enfants, sans chercher à cacher ce qu'ils faisaient.
Pire encore, la professeure Alexis Jay et d'autres enquêteurs ont constaté que de nombreuses personnes travaillant avec les enfants exploités avaient identifié les problèmes et les avaient signalés, sans que la police et les responsables politiques n'aient tenu compte de leurs avertissements.
À Rotherham, une dizaine d'hommes ont été condamnés.
Aujourd'hui, les autorités estiment à plusieurs milliers le nombre total de mineurs abusés, et certains groupes ont pu opérer pendant des décennies. À l'instar de Becky Riggs, cheffe adjointe de la police nationale en charge de la protection de l'enfance, certains ministres et membres de l'opposition estiment que certains gangs continuent d'opérer.
Réouverte des affaires non-résolues
La question a refait surface en janvier après qu'Elon Musk a critiqué la manière dont le gouvernement britannique avait traité ces affaires. Outre Keir Starmer, il a ciblé Jess Philipps, ministre de la Protection de la jeunesse, qui avait rejeté les demandes d'enquête nationale, estimant qu'elle devait être menée au niveau local.
Le sujet a également été repris par des hommes politiques de centre droit, dont Nigel Farage, leader du Parti réformiste britannique, qui a établi un lien entre les abus sexuels commis sur des enfants et l'immigration.
Yvette Cooper a déclaré que les lois seront modifiées de manière à ce que tout adulte ayant des relations sexuelles avec pénétration avec un enfant de moins de 16 ans soit obligatoirement inculpé de viol. Le gouvernement va aussi demander à l'Agence nationale de lutte contre la criminalité suivra les quelque 1 000 affaires non résolues. Une série de réformes visant à mieux protéger les mineurs sera également adoptée.