Martin Schulz: "Je suis prêt pour la bataille"

Martin Schulz: "Je suis prêt pour la bataille"
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Par Euronews
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Martin Schulz, président du parlement européen, social-démocrate, allemand et quinquagénaire, nous livre sa vision de l’Europe, et celle qu’ont les citoyens européens selon lui. Considéré comme quelqu’un qui n’a pas sa langue dans sa poche, il est connu pour avoir eu des altercations avec Silvio Berlusconi, il a été élu à la tête de l’hémicycle européen en janvier dernier. Il restera en poste encore deux ans et demi. Qu’espère-t-il accomplir ? Il a accepté de répondre aux questions de Rudolf Herbert.

Rudolf Herbert, euronews:
“Monsieur le président du Parlement européen, bienvenue sur euronews. Ma première question: depuis deux ans, les gouvernements de l’Union européenne se battent pour tenter de trouver une solution à la crise de la dette. Ne pensez-vous pas que la perception de l’Europe par le public et devenue un problème ?

Martin Schulz:
“Je ne crois pas que ce soit le cas, mais je pense qu’il y a des doutes quant à l’efficacité de l’Union européenne. Et il y a de bonnes raisons de douter. Prenons le conseil européen par exemple: des chefs d‘états et de gouvernements sont rassemblés au sein de cet organisme de l’Union européenne. Il est dirigé par Monsieur Van Rompuy depuis deux ans, et certains disent encore: on va régler les problèmes ! Mais les problèmes n’ont pas été résolus. Au contraire, ils ont été reportés à plus tard ou les décisions n’ont pas été prises. C’est pourquoi il y a une grosse perte de confiance. Et cela nous concerne tous, parlement et commission européenne.”

euronews:
“Que faudrait-il faire pour regagner la confiance des citoyens européens ?”

M.S.:
“Une règle simple devrait être observée: on doit dire ce qu’on fait et on doit faire ce qu’on dit. Mais qu’est ce qui s’est passé ? Je vous résume: au printemps 2010, on a dit qu’il n’y avait pas d’argent pour la Grèce, mais 3 mois plus tard, on a dit qu’il y avait de l’argent mais temporairement. 3 mois plus tard encore, on a dit qu’il y a avait de l’argent pour le long terme mais sans amendement. Ensuite 3 mois plus tard, le contrat a été amendé et cela aurait dû être le point final mais à chaque fois qu’une solution est trouvée, ça change.”

euronews:
“Jusqu’ici, le nombre de citoyens européens participant aux élections européennes a baissé continuellement. Pensez-vous que cela changera? Comment remédier à cette situation?”

M.S.:
“Oui, je crois que ça changera. Je ne suis pas du même avis que ceux qui disent que le nombre d‘électeur va encore baisser. Je n’y crois pas.
Primo, pour la première fois l’Europe est devenue un sujet de discussion pan-européen. Nous parlons de politique européenne dans tous les pays et en même temps. D’après ce que je sais, ça n’a jamais existé sous cette forme. Et bien que, à cause de la peur de la crise et en partie à cause d’importantes décisions, il y a une connotation négative sur les élections européennes, pour la première fois, nous avons à faire à un vrai public européen.

Secondo, en accord avec le Traité de Lisbonne, pour la prochaine élection du Président de la Commission européenne, les résultats de l‘élection européenne seront pris en considération. Et je suppose que les partis, les principaux partis européens vont concourir avec un candidat pan-européen pour le poste de président de la commission. Ensuite les gens entreront en compétition avec leurs programmes respectifs, ce qui, quelque part, n’est jamais arrivé jusqu‘à maintenant lors d‘élections européennes.”

euronews:
“A propos du président, nous avons un président du Conseil européen et en même temps un président du Conseil de l’Union européenne. Comme vous le dîtes vous-même, nous avons aussi un président de la Commission européenne. Ne pensez-vous pas qu’il est difficile pour les gens de les distinguer et de savoir qui est réellement responsable de quoi en Europe?

M.S.:
“Oui, c’est vraiment le cas. Pour beaucoup de gens, c’est juste incompréhensible et on a besoin de plus de clarté et de transparence. Il y a une suggestion, qui a été faite par Van Rompuy et Barroso, de fusionner les postes de président de la commission et de président du conseil européen.

Cela signifierait que le président de la commission présiderait aussi les réunions des chefs d’Etats et de gouvernements. Je pense que c’est raisonnable de prendre cette suggetsion en considération.

Et comme je l’ai déjà dit, le président de la commission européenne, qui ets en quelque sorte le chef du gouvernement en Europe, devrait être élu par le parlement européen, parce que les citoyens sauraient alors où vont leur vote.

Donc si vous voulez un président de la commission de gauche, vous voterez pour un parti de gauche. Si vous voulez un président de droite, vous voterez pour un parti de droite. Vous saurez toujours exactement ce qui se opasse avec votre vote.”

euronews:
Environ 80%, ou même plus, des lois qui sont en vigueur dans les Etats-membres ont été votées par le parlemement européen. Pourtant ce parlement est difficilement reconnu par le public. Pourquoi ?

M.S.:
“Vous avez raison, la perception du parlement européen par le public n’est pas proportionnelle à nos compétences réelles. C’est assez facile à expliquer. Il y a une communication nationale mais pas européenne qui parle de façon cohérente des politiques européennes. Quand une loi est faite à Bruxelles, c’est discuté en Allemagne par le parlement allemand, parce que l’allemagne débat de son application. Et ensuite les électeurs ont l’impression que la loi a été créée à Berlin. Ils ne savent pas que la loi toute entière existait avant. Et c’est le devoir du président du parlement, c’est-à-dire mon devoir, de faire en sorte, entre autres choses, que notre travail devienne visible et soit entendu. J’essai avec force de le faire.”

euronews:
“Vous avez dit aussi que vous vouliez renforcer le rôle du Parlement européen. Comment proposez-vous de le faire?”

M.S.:
“En rendant clair pour les citoyens européens le fait que la place des débats controversés ou la prise de décision en Europe, est au sein de notre parlement.
Je vous donne une exemple, Viktor Orban et son gouvernement en Hongrie, peu importe votre avis, il est clair qu’il y a de nombreux débats controversés, dans tous les pays d’Europe. “

euronews:
Quels autres objectifs avez-vous en tant que président? Que voulez-vous accomplir d’autre?

M.S.:
“Je pense que les deux prochaines années et demi, si je parviens à mettre le parlement européen sous les feux des projecteurs, ce sera une grande réussite. Si nécessaire, cela pourra même se passer à travers des conflits, avec la coopération d’autres institutions. Selon mon expérience politique, les électeurs s’intéressent plus particulièrement aux discussions qui font débats.”

euronews:
“Vous êtes membres du parlement depuis 1994. Si on jette un regard en arrière, quelle est votre plus grande réussite sur la scène européenne ?

M.S.:
“Je pense que c’est l‘élargissement. Lorsque 10 Etats ont rejoint l’Union européenne le 1er mai 2004, sans parler de Malte et Chypre des Etats du centre et de l’Est de l’Europe, nous avons dépassé cette séparation artificielle du continent qui durait depuis des décennies. Nous appartenons tous culturellement et politiquement à ce même continent.

C’est une réussite historique dont on ne sera jamais trop fier. Je pense également que, aussi controversée soit-elle, l’introduction de l’euro protégera l’Europe à long terme, notamment par rapport à la pression compétitive venant des régions émergentes.
Défendre notre modèle social et le lier à une monnaie forte est capitale. C’est pourquoi je pense que ces deux choses, l‘élargissement et l’euro sont les deux grandes réussites de l’Europe.”

euronews:
“Et concernant les échecs, qu’est-ce-qui n’a pas marché selon vous?”

M.S.:
“Convaincre les citoyens que l’Europe ne leur enlève rien et leur apporte quelque chose, c’est là où l’on a échoué.
Je suis heureux de dire que moi-même, pendant des années j’ai cru aux Etats-Unis d’Europe sur le modèle amériain. Et puis finalement, ce n’est que sur le tard que j’ai compris que l’identité nationale et l’identité régionale sont importantes pour les gens. Et ce n’est pas une mauvaise chose du tout. Qui y a t-il de mauvais à avoir une identité italienne ou finlandaise ? Les différentes identités de notre peuple font la richesse de l’Europe. les cultures de notre peuple sont le grand héritage de notre continent européen.”

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