Manifestations anti-américaines: pourquoi tant de haine dans le monde musulman?

Manifestations anti-américaines: pourquoi tant de haine dans le monde musulman?
Tous droits réservés 
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

De l’Egypte, au Pakistan en passant par la Thaïlande et l’Indonésie, une rage anti-américaine s‘étend comme une traînée de poudre dans le monde musulman. Une semaine après le début des violences alimentées par un film que Washington a pourtant condamné, une question se pose sans cesse: pourquoi ce déchaînement de haine? Une haine qui a entraîné en Libye la mort de quatre Américains dont l’ambassadeur.
Même la Tunisie qui fut le premier pays arabe en 2011 à se battre pour la démocratie et à se débarrasser d’un régime dictatorial, n’a pas été épargnée par cet élan de colère contre les Etats-Unis.
Est-ce lié à un désir de vengeance pour la guerre en Irak ou pour l’impasse dans le conflit israélo-palestinien? Les Etats-Unis, qui ont soutenu le printemps arabe, sont-ils devenus un bouc émissaire commode pour les islamistes radicaux?

“Les peuples d’Egypte, de Libye, du Yémen et de Tunisie n’ont pas troqué la tyrannie d’un dictateur pour la tyrannie des foules”, déclarait vendredi la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton.

Expert du Proche et Moyen-Orient et ancien conseiller de cinq secrétaires d’Etat américains, Aaron David Miller estime que les Etats-Unis “sont sur un parcours très agité (qui le sera) pendant les prochaines années. (…) Le contexte plus général va se maintenir: un anti-américanisme en hausse, des islamistes qui sont à la fois des extrémistes et des centristes et qui fixent désormais les priorités dans ces pays qui sont très hésitants sur la façon de se conduire face à ces défis.”

Pourtant l‘élection de Barack Obama avait suscité d‘énormes espoirs, notamment celui de réparer dans les pays arabes et musulmans le mal qu’a provoqué la guerre controversée en Irak. Dans son fameux discours au Caire en 2009, le chef de la Maison blanche soulignait que “le partenariat entre l’Amérique et l’Islam doit se fonder sur ce qu’est l’islam, et non ce qu’il n’est pas. Je considère qu’il est de ma responsabilité en tant que président des États-Unis de lutter contre les stéréotypes négatifs de l’Islam où qu’ils apparaissent”.

En trois ans, le capital sympathie d’Obama dans le monde arabe est parti en fumée, à en croire l’expert Michael O’Hanlon de la Brookings Institution. “Le monde islamique en général n’est plus fasciné désormais par Obama. Là, ses taux de popularité sont comparables à ceux de George Bush. Beaucoup des tactiques qui ont été employées pour poursuivre des efforts n’ont pas eu les résultats que nous avions espérés”.

C’est autour du conflit israélo-palestinien que l’anti-américanisme s’est beaucoup développé dans le monde arabe. Le processus de paix est au point mort depuis deux ans. La relance du dialogue direct, atteint en septembre 2010, avait échoué quelques semaines plus tard.

Mais les Etats-Unis resteront-ils les seuls cibles de ces manifestations? Au Soudan, des manifestants ont mis le feu à l’ambassade allemande vendredi. Et dans la presse internationale on évoque des manifestations anti-occidentales. Alors réactions de violence à l’égard du film « l’Innocence des muslmans », qui tourne en dérision le prophète Mahomet ou à l’égard de l’Occident? C’est ce que nous avons demandé à Malek Chebel, anthropologue, spécialiste de l’Islam et du monde arabe.

Malek Chebel: “Le sentiment anti-occidental existe en effet, je ne peux pas le cacher. Il est ancien en plus. Vous savez, ça remonte même jusqu’aux croisades et jusqu’aux manipulations relativement modestes et pas toujours visibles évidemment d’un certain nombre de groupuscules en Amérique et en Europe qui militent pour abolir ou pour salir l’Islam au sens large, d’une manière indistincte.
Evidemment, ce sentiment existe, sans compter que concernant l’Amérique en particulier, la présence de l’Amérique en Afghanistan, d’abord en Irak puis en Afghanistan, un peu au Pakistan et dans le Proche-Orient- entretient un peu ce malaise et ce désamour de l’ensemble de la région arabe pour l’Amérique. Et puis troisième point, je dirais que le discours de Barak Obama au Caire, qui n’a pas été suivi d’effets, c’est le moins qu’on puisse dire, a exacerbé la suspicion que les Arabes et les Musulmans en général ont vis-à-vis de l’Amérique.

Euronews: “Donc, c’est essentiellement un sentiment anti-américain?

Malek Chebel : “Moi je pense que c’est surtout anti-américain. Evidemment l’Occident qui est l’allié naturel des Américains paie un peu le prix, mais le prix collatéral. Je pense que les Arabes n’ont rien contre le France , l’Italie, ni contre l’Espagne ni contre la Grèce. Enfin, très essentiellement, ils ont peut être un peu la dent dure contre l’Amérique”.

Euronews: Entre des pays comme l’Egypte ou la Libye qui ont connu le printemps arabe et d’autres comme le Pakistan ou la Malaisie, la situation est très différente, pourtant ce sont les mêmes drapeaux que l’on brûle, les mêmes slogans, quel est le dénominateur commun entre ces pays?

Malek Chebel: “Au départ on pensait que les pays asiatiques, des pays musulmans donc, mais pas arabes, n‘étaient pas concernés par l’affaire. Mais il se trouve que des prédicateurs chiites, comme au Liban par exemple et ailleurs ont appelé à la manifestation. Du coup, actuellement, on assiste à une conversion d’une problématique au départ arabe, parce que le prophète est arabe et parce que le monde arabe s’est ému, à une translation maintenant musulmane. Et l’Asie s’est mise en place, je l’ai dit depuis le début que l’un des élèments-clés ce sera le Pakistan et l’Afghanistan. Et les voilà maintenant dans la nasse si vous voulez. Et là pour le coup, ça prend une ampleur musulmane, et donc mondiale. Et à partir de là il peut se passer beaucoup de choses”.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Les manifestations pour sauver la planète lancent la semaine du climat à New York

Espagne : manifestations contre le surtourisme aux îles Canaries

Géorgie : 20 000 personnes contre la "loi russe"