Le responsable des urgences de l'hôpital Georges Pompidou à Paris raconte

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Par Euronews
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Philippe Juvin, le responsable du service des urgences de l’hôpital Georges Pompidou, explique au correspondant d’Euronews Grégoire Lory comment, dès l’instant où les informations sur les attentats sont tombées, il a libéré les patients dont le traitement pouvait être différé afin de mettre un protocole d’urgence pour accueillir les victimes.

Juvin
Al’hôpitalGeorges Pompidou nous avons reçu unecinquantaine de victimes dont un quart était dans une situation extrêmement précaire avec un pronostique vital engagé quand elles se sont présentées à l’hôpital.

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De quoi souffre ces victimes?

Juvin

La majorité des victimes était victime de tirs par armes à feu, des armes de guerre. Donc certains avaient des impacts dans le thorax, dans l’abdomen, d(autres dans les bras ou les jambes et quelques uns avaient été victimes de traumatismes psychologiques on a eu aussi ça. On a eu vraiment beaucoup de pathologies différentes mais certaines très graves.

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C’est lapremière fois que vous faites face à une telle situation en tant que médecin?

Juvin

En réalité des patients qui présentent ces pathologies on en voit dans la vie quotidienne. Mais on ne voit jamais cinquante d’un coup. Et donc le vrai sujet dans ces cas là c’est comment on fait avec cinquante qui arrivent pour faire les bons choix parce qu’on peut pas soigner les 50 en même temps. Il n’y a pas 50 blocs opératoires libre en même temps, il n’y a pas 50 scanners pour faire un scanner à tout le monde en même temps. Et donc on doit trier les patients en fonction de leur gravité. D’abord soigner les très graves, les stabiliser, leur sauver la vie, envoyer les plus urgents au bloc opératoire d’emblée, envoyer ceux qui peuvent attendre quelques instants en réanimation pour être stabilisés. Prendre les autres urgences, aux urgences réévaluer aussi leur état, éventuellement les remettre au bloc opératoire si le triage a mal été fait. En fait quand on 50 ou 60 patients on fait la même médecine mais on la fait différement. C’est à dire qu’on trie les patients.

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Vous faites la même médecine mais là vous mobilisez tout le personnel face à une urgence pareille?

Juvin

Quand je suis arrivé il était 23h j’ai d’abord vidé le service des urgences des patients qui pouvaient attendre le lendemain et ensuite j’ai appelé, comme le plan le prévoit, le personnel pour lui demander de revenir. Là j’ai eu la belle surprise de voir que non seulement les gens que j’appelais venaient et que ceux que je n’appelais pas venaient aussi mais ceux que je ne connaissais pas venaient aussi. Je veux dire par là qu’on a eu plusieurs médecins généralistes du 15e arrondissement en particulier mais pas seulement. J’ai un couple de médecins de Bretagne qui était en vacances à Paris qui se sont présentés aux urgences en disant : “Voilà on vient vous donner un coup de main”. On a eu des tas d’externes, d’internes qui n’avaient jamais mis les pieds dans notre hôpital qui sont venus travailler. Et donc en fait à un moment j’avais plus de médecins qui n’appartenaient pas à mon service qui travaillaient dans le service parce que les gens avaient décidé de donner un coup de main, c‘était pas mal.

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Cela devait être étrange de diriger une équipe aussi grande?

Juvin

Rapidement on prend la mesure des choses. Tout d’abord parce que nous sommes entraînés. Le plan blanc dont tout le monde parle ce n’est pas seulement un plan qui consiste à ouvrir des lits supplémentaires, c’est aussi un plan réellement de prise en charge de l’afflux massif de patients. Comment on fait quand en une demie-heure vous avez 50 personnes qui arrivent qui toutes potentiellement peuvent mourir. Donc c’est ça la médecine de catastrophe. Et ça on est entraîné on nous apprend à le faire. Il y a des exercices. D’ailleurs il y avait eu un exercice le jour même sur l’idée d’un acte terroriste. Et c’est parce qu’on est prêt, parce que les hôpitaux sont prêts qu’ils peuvent monter enpuissance aussi rapidement et d’une manière aussi coordonnner. C’est l’effet aussi d’une certaine expérience et d’un sérieux.

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Euronews

Est-ce que vous pensez que lait d’avoir cet exercice quelques heures avant le drame a permis de sauver des vies?

Juvin

Non je ne pense pas que l’exercie du jour ait permis quoique ce soit. L’idée c’est qu’en fait nous sommes prêts sur la durée pas parce que l’on fait un exercice. On s’y prépare d’une manière obligatoire tout simplement parce que l’on sait que ça peut arriver. Enfin parce que on sait que cela va arriver. A partir de là on est prêt et c’est ce qui c’est passé hier et c’est probablement pour ça on a la grande joie aujourd’hui à l’heure à laquelle je vous parle de ne pas avoir à déplorer de décès dans notre hôpital, à l’hôpital Georges Pompidou.

Euronews

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Tous les patients qui sont arrivés sont encore en vie?

Juvin

Tous les patients qui sont arrivés sont actuellement encore en vie.

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Vous êtes optimiste pour ces patients? Comment vous voyez les prochaines heures?

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Juvin

Il y a des patients qui sont évidemment plus gravement atteints que d’autres. Certains ont encore un pronostic vital qui n’est pas réglé, qui est encore engagé. Donc il faut rester très prudent. Vous savez la médecine de réanimation c’est de la médecin qu’il faut réévaluer en permanence et l‘état d’un patient à 20h n’est pas l‘état à 21h. Mais aujourd’hui je peux vous annoncer ça. On a pris en charge beaucoup de patients que ça c’est plutôt bien passé en terme d’organisation qu’on a donné le meilleur de nous même, que les équipes ont été formidables et en plus il y a des tas de gens qu’on connaissait pas qui sont venus nous donner un coup de main.

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Après ces moments intenses il faut se projeter vers l’avenir. Comment cela va se passer dans les prochaines heures, les prochains jours dans cet hôpital?

Juvin

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Les prochains jours on va continuer à traiter ceux qui sont encore chez nous et en particulier les plus gravement atteints. Là le travail n’est pas terminé avec eux. On va également avoir a traité ceux qui vous revenir nous voir en particulier nous avions des patients qui avaient des lésions du corps de faible gravité mais qui avaient vu des choses terribles. Et ceux là ont été vus par un psychiatre cette nuit, nous avions un psychiatre avec nous, on leur a demandé de revenir. Donc le travail ne fait que commencer. C’est à dire qu’on a eu la première vague cette nuit et maintenant on est encore en plein dedans même si c’est moins visible bien sûr.

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Est-ce que vous pouvez nous rappeler les grands points du plan blanc?

Juvin

Le plan blanc c’est un plan qui est mis en oeuvre quand on sait qu’il va y avoir beaucoup de victimes d’un coup. C’est une mobilisation générale de l’hôpital ça signifie qu’on arrête les activités qui ne sont pas urgentes. Cela signifie que l’on libère des lits éventuellement en faisant sortir des patients qui peuvent rentrer chez eux mais qu’on a gardé parce qu’il manquait un examen à faire etc… ça signifie qu’on appelle les équipes chez elle en leur demandant de revenir. Cela signifie qu’on ouvre les blocs opératoire, ça signifie qu’on est sur le pied de guerre qu’il y a beaucoup de monde, beaucoup de structures, beaucoup de moyens disponibles pour monter en puissance à toute vitesse si les patients arrivent en nombre. Et hier pendant deux heures on a eu aucun patient. Aucun. Et donc le piège il est là c’est de se dire : il n’y a pas de patient qui arrive donc on va recevoir personne. Au contraire c’est là qu’il faut se préparer parce que quand ils arrivent 50 d’un coup il faut vraiment avoir préparé l’affaire avant et c’est tout l’intérêt du plan blanc.

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