Vers une interdiction générale de l'avortement en Pologne ?

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Par Euronews avec Stéphanie Lafourcatère
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En Pologne, une bataille se joue dans la rue sur un futur projet de loi qui interdirait l’avortement. Les anti- et pro-IVG s’affrontent à coup de

En Pologne, une bataille se joue dans la rue sur un futur projet de loi qui interdirait l’avortement. Les anti- et pro-IVG s’affrontent à coup de manifestations et de slogans. Une proposition législative soumise par le camp des “défenseurs du droit à la vie” a des chances d‘être entendue au Parlement.

Interrompre une grossesse est une démarche souvent synonyme de grandes interrogations pour les femmes. Maria a avorté il y a quelques années après avoir subi un viol collectif. “Je vivais un débat intérieur avec mes propres pensées et sentiments, raconte-t-elle. Tout ce qui m’arrivait ne concernait pas l’Eglise, ni mes parents, ni mes amis parce qu’ils n‘étaient pas en mesure de m’aider, c‘était une période très difficile,” confie-t-elle.

Mais les choses pourraient changer sous l’impulsion des anti-IVG. Dans les villes de Pologne, leurs militants sont en campagne. L’une d’elles harangue les passants : “Souvent, les enfants meurent dans des supplices cruels, on peut arrêter ces crimes en changeant la loi,” lance-t-elle au mégaphone. Elle les invite venir signer une pétition en faveur d’une proposition législative qui interdirait quasi-totalement l’avortement.

La proposition législative des anti-IVG a des chances d’aboutir

Ce texte des “défenseurs du droit à la vie” a des chances d’aboutir au Parlement : il vise à durcir le compromis déjà strict – si on se place à l‘échelle européenne – obtenu par les responsables politiques et l’Eglise dans les années 90. Cette fois, “l’IVG serait interdit de manière générale sauf s’il y a un danger “immédiatpour la vie de la mère et non plus en cas de risque pour sa santé, de viol, d’inceste ou de malformation grave ou maladie congénitale de l’embryon, comme c’est le cas aujourd’hui.

Mariusz Dzierzawski de la fondation Droit à la vie nous présente des affiches choc utilisés par son camp. “Quand les gens voient ce genre d’affiches – et on peut les voir dans des dizaines de villes en Pologne -, ils changent de vision, assure-t-il, ils se rendent compte que l’IVG n’est pas un moindre mal, mais un meurtre cruel. Et donc de plus en plus de Polonais sont convaincus que la vie de chaque enfant doit être protégée dès la conception,” affirme-t-il.

Autre argument de ces militants : à l‘époque communiste, les femmes pouvaient avorter librement, mais étaient parfois poussées à le faire. “Pour ce qui est de ma famille, à cette époque, explique un manifestant, Fryderyk Migaczewski, on a dit à ma mère quand elle était enceinte de son troisième enfant qu’elle ne progresserait pas dans sa carrière de professeur si elle mettait au monde ce bébé. Elle a fini par se faire avorter et cet enfant, ça aurait pu être moi,” s’indigne-t-il.

Les pro-IVG veulent une libéralisation

Du côté des pro-IVG, voici ce qu’on entend : “On ne laissera pas la Pologne aux fanatiques ! Notre arme, c’est la solidarité ! Vous ne voulez pas de l’avortement, alors n’avortez pas !”

Des milliers de personnes manifestent pour dénoncer la proposition de l’autre camp et même réclamer une libéralisation totale de l’avortement car la législation actuelle est une pure fiction selon Karolina Wieckievicz, du groupe “Choix rétabli”. Elle gère une hotline destinée aux femmes en difficulté dans leurs démarches pour avorter.

“Les femmes sont humiliées, leur décision est remise en cause, insiste-t-elle. On ne leur donne pas le droit de décider si elles veulent ou non mettre un terme à une grossesse et elles doivent surmonter beaucoup d’obstacles :souvent, poursuit-elle, on les trompe sur ce qui ne va pas. Quand la grossesse menace leur vie ou leur santé, on leur cache les choses ; même en cas de graves malformations congénitales, on ne leur dit pas ou alors, les procédures de diagnostic traînent en longueur et c’est ce qui fait qu’elles découvrent les anomalies graves du foetus quand c’est trop tard pour avorter,” dénonce la militante.

“Une décision qui revient uniquement à la femme concernée”

Maria consulte les pages du mouvement de Karolina Wieckievicz sur les réseaux sociaux, mais elle ne veut pas en faire partie, ni donner de conseils à celles qui voudraient avorter. “Il n’y a que la femme concernée qui devrait décider d’avorter comme ça a été mon cas, affirme-t-elle. Si le foetus n’a pas un développement normal, une telle décision devrait être prise par les deux parents; personne d’autre ne devrait intervenir,” souligne-t-elle.

Maria a elle été prise en charge par des médecins à son écoute.

Gynécologue à l’hôpital Bielansky de Varsovie, Romuald Dbeski fait partie de ceux qui critiquent cette proposition législative qui ferait de l’avortement, un crime. Une évolution qui d’après lui, serait dangereuse pour les patientes et les praticiens. “Avec cette nouvelle loi, un médecin qui pour sauver la vie d’une femme, causerait de manière non intentionnelle la mort de l’enfant qu’elle porte pourrait risquer jusqu‘à trois ans de prison, assure-t-il. Ce serait la fin du diagnostic et de la thérapie au stade prénatal, on cesserait d‘être de vrais obstétriciens, les médecins ne prendraient pas le risque d‘être responsables au niveau pénal en essayant par exemple de sauver la vie d’une femme, une mission qui ne réussit pas toujours,” conclut-il.

Pour Maria, cet acte restera à tout jamais gravé dans sa mémoire : “Je repense tout le temps à cette période et je me demande si ça aurait pu être différent, confie-t-elle. Mais je crois que je n’aurais pas été capable d‘élever cet enfant, je n‘étais pas préparée pour ça, ce n‘était pas le moment.”

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