Jeremy Corbyn se voit déjà renégocier l'accord sur le Brexit

Jeremy Corbyn se voit déjà renégocier l'accord sur le Brexit
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Par Darren McCaffrey
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Dans The Global Conversation, Jeremy Corbyn, du Parti travailliste britannique, tient pour acquis, le rejet à la Chambre des communes, de l'accord de divorce entre le Royaume-Uni et l'UE. Il se projette dans de nouvelles élections et envisage de renégocier le Brexit.

L'accord de divorce passé entre le Royaume-Uni et l'Union européenne vit cette semaine, des heures décisives deux ans et demi après le référendum qui s'est soldé de peu en faveur du Brexit. Le texte conclu par Theresa May qui cristallise les mécontentements devait être voté à la Chambre des communes ce mardi. La Première ministre britannique a finalement annoncé son report ce lundi après-midi.

En marge du Congrès du parti socialiste européen à Lisbonne, notre journaliste politique Darren McCaffrey a rencontré le vendredi 7 décembre, Jeremy Corbyn, leader du Parti travailliste (Labour) et chef de file de l'opposition en Grande-Bretagne. Dans cette interview, il se dit certain du rejet de l'accord de Theresa May à la Chambre des communes, il évoque de prochaines élections législatives et ses prérogatives s'il s'avérait au final, charger de négocier un nouvel accord avec l'UE sur le Brexit.

Darren McCaffrey, euronews :

"M. Corbyn, vous avez dit pendant la campagne sur le référendum que vous donneriez à l'Union européenne, une note de 14 ou 15 sur 20. En cette fin 2018, quelle note lui donneriez-vous ?"

Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste :

"C'est une bonne question. Je lui ai donné la note de 15 sur 20 parce que je critiquais la manière dont l'Union a fait évoluer l'économie de marché ouverte, le rôle que la Banque centrale européenne a joué lors de la vague d'austérité due à la crise - bien que notre pays ne soit pas dans la zone euro - et la politique de concurrence qui selon moi, a placé certains services publics, dans un contexte de concurrence, ce qui n'était pas nécessaire. Voilà quelles étaient mes critiques.

Mais l'idée d'une Europe sociale, l'idée d'une égalité à travers le continent, l'idée de charte des droits fondamentaux, l'idée d'un minimum vital qui soit davantage généralisé en Europe, je soutiens tout cela. Je soutiens le travail concernant les droits des travailleurs et la Directive sur le temps de travail.

Mais nous sommes aujourd'hui dans une situation où le Royaume-Uni négocie avec l'Union européenne et ce mardi, le Parlement se prononcera sur les négociations menées par Mme la Première ministre."

"Je critique l'UE, mais je reconnais les efforts menés à la Commission pour améliorer la justice sociale"

Darren McCaffrey :

"Pour aller plus loin, pourriez-vous approuver la création d'une armée européenne ?"

Jeremy Corbyn :

"Je ne crois pas que ce serait particulièrement une bonne idée parce que je veux voir notre pays comme un acteur de la paix dans le monde et si j'étais au gouvernement, je travaillerais avec tous les pays en Europe qu'ils soient dans ou en dehors de l'Union à promouvoir le dialogue, la compréhension mutuelle et la paix, mais je m'occuperais aussi des atteintes aux droits de l'homme commises aux frontières de l'Union. J'adopterais aussi une meilleure approche dans la crise des réfugiés.

Une crise des réfugiés effroyable est en cours en Libye, ils sont traités de manière terrible dans des camps, ils sont exploités. Et ils sont très nombreux - des centaines quasiment - qui meurent chaque mois en Méditerranée parce qu'ils tentent d'échapper à la situation de crise dans laquelle ils sont. Nous avons la responsabilité - la responsabilité morale - de faire quelque chose."

Darren McCaffrey :

"On dirait que vous donneriez une note de 12 sur 20 à l'Europe aujourd'hui."

Jeremy Corbyn :

"Je lui donnerais quasiment la même note qu'avant. Il y a des personnes au niveau de l'Union... J'émets des critiques, oui, mais je reconnais aussi qu'il y a de nombreuses personnes à la Commission qui ont travaillé très dur pendant très longtemps pour tenter d'améliorer la justice sociale et d'investir dans les régions européennes laissées à l'abandon et qui ont redoublé d'efforts pour essayer de trouver des solutions non-militaires à des conflits. Je pense à la guerre en Irak. L'Union européenne n'était pas au premier rang de ceux qui voulaient la guerre en Irak. En réalité, à l'exception du Royaume-Uni, la plupart des pays européens s'y opposaient."

"Cet accord n'est pas acceptable"

Darren McCaffrey :

"Et sur le Brexit lui-même, toute une série de dirigeants européens ont affirmé que l'accord négocié par Theresa May était selon eux, non seulement le meilleur qu'elle puisse obtenir, mais le seul qu'elle pourrait obtenir. Vous a-t-on dit autre chose en privé : à savoir que vous pourriez négocier le vôtre ?"

Jeremy Corbyn :

"Je ne vous dirais pas ce qu'on me dit en privé parce que je ne mène pas de négociations. Ce que j'ai dit très clairement en prenant la parole en public et dans tous les meetings que j'ai tenus, c'est que cet accord n'est pas acceptable..."

Darren McCaffrey :

"Pour l'Europe, il l'est."

Jeremy Corbyn :

"Cet accord est le résultat des négociations que l'Union européenne a menées avec la Première ministre britannique et celle-ci l'a ramené au Parlement britannique et tous les signes montrent que Parlement le rejettera de manière significative mardi parce que cet accord n'est pas acceptable.

Quand on a un référendum à l'issue duquel la Première ministre elle-même a dit que les électeurs avaient voté pour reprendre leur destin en main et qu'ensuite, on a tout un processus où finalement, on peut se retrouver avec un filet de sécurité dont on ne peut pas se débarrasser sans la permission de l'autre partie - il n'y a aucune possibilité de l'annuler -, eh bien, je n'appelle pas ça 'reprendre son destin en main'."

"J'entamerais immédiatement les négociations avec de nouveaux paramètres"

Darren McCaffrey :

"Si l'accord est rejeté, vous avez dit que de nouvelles élections seront nécessaires et qu'en cas de victoire de votre camp, vous négocierez un meilleur accord."

Jeremy Corbyn :

"Oui."

Darren McCaffrey :

"Cela veut dire prolonger le délai d'application de l'article 50. Combien de temps vous faudra-t-il pour négocier ?"

Jeremy Corbyn :

"J'entamerais immédiatement les négociations avec de nouveaux paramètres..."

Darren McCaffrey :

"Mais vous n'y arriverez pas avant fin mars."

Jeremy Corbyn :

"Comme je viens de le dire, les paramètres sont très importants. Souvenez-vous en mars 2017 quand l'article 50 a été invoqué : le gouvernement a alors entrepris de faire toutes sortes de déclarations sur les accords commerciaux qu'il allait signer dans le monde entier. Liam Fox a dit qu'il allait conclure 40 accords commerciaux et que tout sera fait en cinq minutes. Et puis Boris Johnson et d'autres ont évoqué avec emphase, des accords commerciaux spécifiques avec les États-Unis. Tous ces accords, ça revient à dégrader les conditions existantes et les normes en matière d'alimentation et d'agriculture notamment !

Et donc, pendant tout ce temps, l'Union européenne aurait regardé le Royaume-Uni en disant : "Attendez, ils ne sont pas vraiment en train de négocier avec nous, ils sont en train de négocier de leur côté sur autre chose ! Ce n'est pas ce que nous ferons."

"S'assurer d'un accord qui fonctionne, que nous avons accès au commerce et que nous protégeons nos emplois"

Darren McCaffrey :

"Mais la vérité, c'est que cela peut vous prendre de 18 mois à deux ans pour négocier un accord : ça veut dire que l'article 50 continuera peut-être de s'appliquer pour les années à venir."

Jeremy Corbyn :

"Il est préférable de s'assurer d'obtenir un accord qui fonctionne, que nous avons bien cet accès au commerce, que nous protégeons bien nos emplois et il faudra nous assurer que les ressortissants de l'Union européenne qui se sont installés au Royaume-Uni puissent rester - et leurs proches également - et que l'on reconnaisse la contribution fantastique qu'ils apportent à notre société.

Mais il s'agit aussi de comprendre pourquoi les gens ont voté de cette manière lors du référendum. Il faut y réfléchir. Les électeurs ont voté pour le Brexit dans les zones qui souvent, ont été largement laissées de côté, où il y a peu d'investissements, des emplois peu qualifiés, des niveaux inquiétants d'emplois flexibles - pourrait-on dire - qui en réalité, signifient souvent, des salaires très faibles et des emplois précaires. Et ils ont eu le sentiment que personne ne s'intéressait vraiment à leurs communautés. Ce sont des problèmes que l'on voit d'ailleurs dans toute l'Europe."

Darren McCaffrey :

"Dans votre accord, pouvez-vous nous garantir qu'il n'y aura pas la liberté de circulation des personnes ?"

Jeremy Corbyn :

"Les personnes devront avoir la possibilité de circuler à travers l'Europe."

Darren McCaffrey :

"Oui, mais la libre circulation des personnes comme aujourd'hui..."

Jeremy Corbyn :

"Les choses vont changer, c'est certain... Mais je ferais cette observation : la Grande-Bretagne dépend beaucoup de la main-d'œuvre immigrée dans la santé, l'éducation, les transports, l'agriculture et l'industrie. Pensez à tous ces grands constructeurs : ils ont besoin de pouvoir déplacer des travailleurs hautement qualifiés très rapidement d'un endroit à un autre. Regardez les grandes entreprises : Airbus, Rolls Royce, BMW, Ford, ..."

"Pas de filet de sécurité dont on ne peut pas s'échapper"

Darren McCaffrey :

"Pouvez-vous aussi nous garantir qu'il n'y aura pas de filet de sécurité dans votre accord ?"

Jeremy Corbyn :

"Il est certain qu'il n'y en aura pas de filet dont on ne peut s'échapper. Et c'est l'un des débats évidents..."

Darren McCaffrey :

"Dans ce cas, ce n'est plus ce qu'on peut appeler un filet de sécurité."

Jeremy Corbyn :

"Précisément. Nous devrons arriver à un accord sur une union douanière - une union douanière spécifique avec l'Union européenne - dans laquelle nous aurons l'opportunité d'avoir notre mot à dire, mais qui garantit aussi un certain niveau d'échanges."

Darren McCaffrey :

"On a aussi entendu dire cette semaine qu'avec l'accord de Theresa May - quelle que soit l'évolution de la situation, le Royaume-Uni sera plus pauvre que s'il était resté dans l'Union. Pouvez-vous ici vous engager à ce que l'accord que vous essaierez peut-être d'obtenir n'appauvrira pas le pays ?"

Jeremy Corbyn :

"Ce n'est pas ma volonté d'appauvrir le Royaume-Uni, c'est clair."

Darren McCaffrey :

"Mais est-ce que votre accord appauvrira le pays ?"

Jeremy Corbyn :

"Il est évident que je n'aurais aucun intérêt à conclure un accord qui appauvrit notre pays."

"Nous aurons un gouvernement en fonction, mais qui ne gouvernera pas"

Darren McCaffrey :

"Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux rester dans l'Union ?"

Jeremy Corbyn :

"Nous sommes engagés dans un processus. Il y a un vote mardi. J'espère que les propositions du gouvernement seront rejetées à cette occasion.

Ce qui va se passer ensuite, c'est que nous aurons un problème : nous aurons un gouvernement en fonction, mais il ne gouvernera pas parce qu'il n'aura pas de majorité à la Chambre des communes.

Donc, soit on négociera quelque chose d'autre très rapidement avec l'Union européenne à une échéance de quelques jours et ça reviendra devant le Parlement ; soit le gouvernement peut dire : "Eh bien, on ne peut pas gouverner" et dans ce cas, il faudra un nouveau gouvernement ou des élections législatives."

Darren McCaffrey :

"Mais le problème fondamental, c'est que ce sera très difficile pour vous d'obtenir un accord qui signifiera que le Royaume-Uni sera plus prospère qu'il ne l'est actuellement dans l'Union européenne."

Jeremy Corbyn :

"Je me suis exprimé sur le commerce. J'ai souligné qu'il ne fallait pas permettre que les conditions dont nous bénéficions soient moins bonnes que celles de l'Union européenne. En fait, j'aimerais que celles-ci soient meilleures. Il y a de nombreux domaines en matière de droits des travailleurs dans lesquels j'aimerais qu'on soit au-dessus de la moyenne de l'Union européenne."

Un deuxième référendum ?

Darren McCaffrey :

"Sur la question d'un deuxième référendum qui selon vous, est aujourd'hui une option, comment allez-vous faire campagne maintenant ?

Si ce vote a lieu, la question qui doit être posée - et il semble que tout le monde l'évoque en ces termes -, c'est : faut-il suspendre le Brexit, soutenir l'accord de Theresa May ou rester dans l'Union ?"

Jeremy Corbyn :

"Il n'y aura pas de référendum sur l'accord de Theresa May puisque cet accord ne passera pas au Parlement."

Darren McCaffrey :

"Mais qui va donner la possibilité d'un deuxième référendum ? Ce doit être le gouvernement, non ? L'actuel gouvernement ?"

Jeremy Corbyn :

"Pour organiser un référendum, au Royaume-Uni, il n'y a pas de procédure qui prévoit que le gouvernement puisse appeler à un référendum. On ne peut le faire que dans le cadre d'une procédure législative spécifique qui prendrait plusieurs mois de toutes manières."

"Je veux une relation étroite et une union douanière avec l'UE"

Darren McCaffrey :

"Allez-vous faire campagne pour rester dans l'Union européenne ?"

Jeremy Corbyn :

"Cela dépendra de l'accord que nous aurons peut-être à ce moment-là, de l'accord que nous pourrons conclure avec l'Union européenne. Si nous sommes chargés de le négocier, voici les paramètres que je mettrai par écrit dans la négociation : je veux une relation de travail étroite avec l'Union européenne, je veux m'assurer que nous formions une union douanière avec elle et que nous ayons notre mot à dire sur ce qui se passe."

Darren McCaffrey :

"Pour conclure, pensez-vous que le Brexit était une erreur, M. Corbyn ?"

Jeremy Corbyn :

"J'ai mené campagne pour qu'on reste dans l'Union, mais qu'on mène des réformes. Je crois que l'Union a accompli de nombreuses choses positives, mais je crois qu'il y a beaucoup de problèmes dans son approche de l'austérité, de l'économie et du marché ouvert.

Et c'est pour cela que je dis que l'Union européenne a besoin de se réformer et de renforcer son côté social. Parce qu'il y a des disparités très importantes dans les niveaux de vie entre l'Est et l'Ouest de l'Europe. Il y a des disparités énormes dans les droits et les conditions sociales à travers l'Europe.

Donc, je soutiens évidemment des choses comme la Charte des droits fondamentaux qui je crois, est un texte très important. Donc j'aimerais voir une Europe plus forte, plus sociale et plus juste."

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