L'Académie française ouvre sa porte à la féminisation des noms de métiers

L'académicienne Dominique Bona, 23/10/2014, Paris
L'académicienne Dominique Bona, 23/10/2014, Paris Tous droits réservés KENZO TRIBOUILLARD/AFP
Par Vincent Coste avec AFP
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"cheffe", "professeure", "Première ministre". C'est un premier pas, les immortels ont adopté à un rapport favorable à la féminisation des noms de métiers. Toutefois, l'institution n'entend pas "dresser une liste exhaustive".

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En France, la question de la féminisation des noms de métiers est un débat récurrent, parfois vif. Ce jeudi, l'Académie française, la "gardienne du temple" de la langue de Molière, vient de donner son accord de principe sur la question.

Les 40 "Immortels" ont donc approuvé à "une large majorité" un rapport préconisant la féminisation des noms de métiers, de fonctions et des titres. Ce texte, porté par une commission de quatre académiciens - deux femmes et deux hommes -, avance ainsi qu' "il n’existe aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions. Celle-ci relève d’une évolution naturelle de la langue, constamment observée depuis le Moyen Âge."

L'Académie française souligne que "s'agissant des noms de métiers, [...] toutes les évolutions visant à faire reconnaître dans la langue la place aujourd'hui reconnue aux femmes dans la société peuvent être envisagées".

Toutefois, dans ce rapport, l'Académie française n'entend pas sanctifier les usages, mettant en avant la perpétuelle évolution du français. La vénérable institution, fondée au XVIIe siècle par Richelieu, ne compte pas "dresser une liste exhaustive des noms de métiers et de leur féminisation inscrite dans l'usage ou souhaitable" ni "édicter des règles de féminisation des noms de métiers" en arguant que ce serait "une tâche insurmontable."

"Première ministre", "cheffe", "auteure"

"L'emploi de ces formes en 'eure', qui fait débat, et cristallise certaines oppositions au mouvement naturel de la féminisation de la langue, ne constitue pas une menace pour la structure de la langue ni un enjeu véritable du point de vue de l'euphonie, à condition toutefois que le 'e' muet final ne soit pas prononcé," a tranché l'Académie qui accepte également "auteure", "autrice" et "écrivaine."

Même le mot "cheffe" a retenu l'attention de l'Académie. "Si l'on ne peut soutenir que cette forme appartient au bon usage de la langue, il paraît également difficile de la proscrire tout à fait étant donné le nombre d'occurrences rencontrées dans les sources que la commission a pu consulter," constate le rapport.

Alors que dans l'édition en cours du dictionnaire de l'Académie, le mot présidente ne désigne que "la femme d'un président" (comme ambassadrice qui désigne "la femme d'un ambassadeur"), le rapport indique que "si les Français décidaient de porter une femme à la présidence de la République, on voit mal quelle raison pourrait s'opposer à l'emploi de la forme féminine 'présidente'".

"On peut également supposer que 'Première ministre' s'imposerait aussi aisément en français que chancelière, pour désigner la femme placée à la tête du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne", soutient le rapport.

En "français de France" de très nombreux métiers sont encore qualifiés, en 2019, selon le seul genre masculin. Rares sont les exemples où prévaut le féminin, comme dans le cas de profession jugée comme exclusivement féminine comme "nourrisse" par exemple.

D'autres pays francophones ont réglé depuis longtemps cette question de la féminisation des noms de métiers. Ainsi "cheffe", "écrivaine", "ingénieure", "députée" sont ainsi couramment utilisées depuis plus de 40 ans au Québec, sans lever la moindre polémique. Ce qui ne semble pas être encore le cas dans l'Hexagone, loin s'en faut.

Photo d'illustration : l'académicienne Dominique Bona. En plus de cette dernière, écrivaine et biographe, la commission qui a présenté le rapport a été présidée par l'historien Gabriel de Broglie et composée de la romancière et essayiste Danièle Sallenave, du poète d'origine britannique Michael Edwards.

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