Les scientifiques affirment que les incendies d'Afrique ne peuvent pas être pas comparés à ceux de l'Amazonie en ce mois d'août.
Alors que les incendies font rage en Amazonie, les satellites qui surveillent la surface de la Terre ont mis en évidence les feux qui sévissent sur l'autre rive de l'Atlantique, en Afrique.
Selon les chiffres de Global Forest Watch, au mois d'août, le nombre d'alertes incendie a été plus important en République démocratique du Congo qu'au Brésil, où sept États ont demandé des renforts pour lutter contre les incendies. Suivent l'Angola, la Zambie et le Mozambique. Ces trois pays africains dépassent la Bolivie qui a accepté de recevoir une aide internationale pour lutter contre la virulence des flammes.
Les satellites de la NASA montrent une grande activité d'incendies dans la bande africaine allant de l'Angola au Mozambique et les données du service Copernicus de surveillance de l’atmosphère et des émissions liées à la combustion de biomasse pointent également cette zone.
Alors que les incendies en Amérique du Sud ont retenu l'attention des médias pendant deux semaines, ceux d'Afrique n'ont fait l'objet que de peu d'articles.
Dans une interview accordée à Euronews, la ministre de l'Environnement de l'Angola, Paula Francisca Coelho, a déclaré qu'à ce jour, il n'y avait pas de feux de forêt dans le pays et que les publications de certains médias internationaux, basées sur les images satellites, constituaient de la dramatisation et de la désinformation.
"Nous n'avons aucun feu à contrôler", a-t-elle déclaré, tout en reconnaissant que certains incendies actifs étaient dus "aux pratiques de certaines communautés pour préparer les terres en vue de la prochaine campagne agricole".
C’est précisément ce caractère saisonnier que les experts souhaitent mettre en évidence pour permettre une bonne compréhension de la situation.
"Un satellite très sensible"
Bob Scholes, professeur d'écologie des systèmes à l'Université du Witwatersrand, explique qu'il faut être prudent lors de l'analyse d'images satellite, telles que celles de MODIS de la NASA. "C’est un satellite très, très sensible dans l’espace, capable de détecter un incendie aussi petit que le feu de jardin que vous pourriez faire pour brûler des ordures dans votre jardin".
"Le fait que le nombre d'incendies semble beaucoup plus élevé en Afrique qu'au Brésil ne signifie pas nécessairement que les dommages écologiques sont plus importants", ajoute-t-il.
"Cela dépend de l'endroit où il brûle et de la superficie exacte qui brûle, ce qui ne peut pas être déduit du nombre de pixels rouges. La deuxième question est de savoir où sont localisés les pixels rouges en Afrique à cette période de l'année. Ils sont presque tous dans les savanes et non dans les forêts tropicales".
Pourquoi ne peuvent-ils pas être comparés aux incendies en Amazonie?
Pierre Markuse, expert en image satellite, confirme que le contexte est très important pour l'analyse d'images prises depuis l'espace.
"Les images satellitaires, aussi impressionnantes qu'elles puissent paraître, ne racontent qu'une partie de l'histoire", a-t-il déclaré en réponse à un tweet de Mark Parrington, scientifique de Copernicus, expert des incendies, dans lequel il publie des données sur ces incendies.
Interviewé par Euronews, Mark Parrington a déclaré que les 17 dernières années d’enregistrement des activités des feux dans le sud de l’Afrique tropicale montrent qu’entre fin mai et début octobre, de nombreux incendies sont liés à des pratiques agricoles traditionnelles. En fait, cette année, les chiffres semblent même inférieurs à la moyenne. C'est un cycle naturel de la savane, une grande partie de la végétation qui brûle à la saison sèche repousse lors de la saison des pluies.
"C'est un processus neutre en carbone, qui se produit chaque année. Ce que nous observons avec la saison des feux, c'est qu'elle oscille entre le nord et le sud de l'Afrique tropicale tous les six mois", a-t-il précisé. "Ainsi, à la fin du mois d'octobre, lorsque ces incendies disparaîtront, d'autres se multiplieront dans les pays du nord de l'Afrique tropicale".
Bob Scholes souligne que si les incendies sont extrêmement dommageables pour la biodiversité d'une forêt tropicale telle que l'Amazonie, "les savanes doivent brûler, cela fait partie de leur évolution, elles ont brûlé au cours des sept derniers millions d'années et cela n'a rien d'inhabituel".
Antti Lipponen, chercheur à l'Institut météorologique finlandais, souligne que les émissions de monoxyde de carbone résultant de la combustion de la biomasse en Afrique en août sont jusqu'ici environ 1,5 fois supérieures à celles de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud. Cependant, il s'agit de chiffres normaux pour cette période de l'année, a-t-il déclaré à Euronews.
En Amazonie, comme en Afrique centrale, les scientifiques s’attendent également à ce qu’il y ait des incendies à cette période de l’année, au début de la saison sèche d’août à septembre. Mais cette année, la déforestation semble avoir perturbé la végétation et le cycle du carbone.
Mark Parrington, quant à lui, souligne que les émissions en Afrique sont relativement neutres en carbone, de sorte qu'elles n'ont pas autant d'impact direct sur le climat, contrairement à celles de l'Amazonie. Cela dépend aussi du type de végétation brûlée. Selon lui, les modèles de circulation de l'air doivent également être pris en compte. Certaines études indiquent que la fumée et les particules provenant des incendies en Afrique centrale traversent l'océan Atlantique en Amazonie et servent d'engrais.
L'Afrique n'est pas un pays, ni un seul incendie
Bien que les incendies de forêt soient une pratique ancienne qui se produit pendant la saison sèche dans les pays d’Afrique tropicale, il est difficile de mondialiser leur impact et leurs problèmes.
L'Angola a reconnu que le pays avait perdu au cours des dernières années une grande superficie de forêts indigènes en raison d'incendies non contrôlés d'origines diverses, incluant la chasse.
"Alors que le but principal était de défricher la terre, de préparer la prochaine récolte et de fournir de nouveaux pâturages pour le bétail, la chasse est devenue un nouvel élément", explique Amilcar Salumbo, agronome angolais à Euronews. "Et il semble que ce soit celui qui cause le plus de dégâts, en raison du nombre croissant de personnes engagées dans cette pratique dans les zones rurales."
Amilcar Salumbo pense qu'il est nécessaire de contrôler davantage ce phénomène, car de vastes zones du territoire sont considérées comme des no man's land et sont sujettes aux incendies. "En outre, n'importe qui peut allumer un feu et, s'il se trouve dans une région éloignée, il peut se propager en dehors de tout type de contrôle" ajoute-t-il.
En République démocratique du Congo, le journaliste Jean Hubert Bondo a déclaré que les incendies n'étaient pas seulement liés aux pratiques agricoles, mais étaient également le produit d'actes criminels et de conflits armés. "Ces incendies ont également dévasté notre jungle équatoriale, la deuxième au monde après l'Amazonie", se lamente-t-il. "Une forêt déjà victime de déforestation et d'exploitation industrielle" ajoute-t-il.
Pour Amkela Sidange de l'Agence de gestion de l'environnement du Zimbabwe (EMA), le changement climatique modifie la saison des feux, fixée par la loi du 31 juillet au 31 octobre.
"Nos pâturages sèchent maintenant beaucoup plus vite. Par conséquent, les incendies se produisent en dehors de ce que nous appelons la saison des feux", explique-t-il.
Amkela Sidange tient toutefois à préciser que le Zimbabwe n’est pas l’Amazonie: "Nous ne pouvons pas comparer notre pâturage à l’épaisseur de la végétation que nous avons en Amazonie. Au Zimbabwe, il est encore possible de contrôler les incendies" indique-t-il, alors que le service technique de l’EMA prépare les communautés locales à la lutte contre les incendies.